Au FIFDH tous les espoirs sont permis ! Alors gageons que la fiction d’aujourd’hui devienne demain la satire d’une patrie des droits humains qui aurait un jour pu faire rimer armes avec sécurité, faire rimer armes avec prospérité nationale. En attendant, c’est une salle comble d’hilarité qui a assisté à la projection du truculent film de Fred Baillif et sa bande de loufoques séniors qui eux ne manquent pas de foi en l’amitié pour mener leur guerre pour une Suisse désarmée.
La preuve scientifique de l’existence de Dieu.Un film de Fred Baillif, 2018, 85′, un film RTS
D’anciens objecteurs de conscience aux caractères bien trempés se retrouvent pour faire un documentaire sur leur passé de militant·es. Nous sommes à la veille d’une votation fédérale sur l’interdiction d’exporter des armes et le petit-fils d’Alain, l’un d’entre eux, meurt accidentellement au service militaire. Le groupe n’a plus qu’une idée en tête : reprendre la lutte pour un monde sans armes. FIFDH
Le réalisateur Fredrik Gertten nous confiait au terme de la projection que la réussite d’un documentaire tenait au moins autant au charisme des protagonistes qu’à la réalisation. Qu’il se rassure, son héroïne n’en manque pas ! Dans Push, présenté samedi en première mondiale, on suit l’infatigable Leilani Farha dans son combat contre la gentrification de nos cités. Combat qui accouchera du mouvement « Shift« , mouvement transnational de cités globales qui nous prouve une fois encore qu’avec suffisamment de foi et de détermination on peut faire reculer le cynisme et progresser nos droits.
Push, Un film de Fredrik Gertten, 2019, 93′
Partout dans le monde, le prix des logements explose, à l’inverse des salaires. Alors que les trusts financiers spéculent sur l’immobilier, les classes moyennes sont contraintes de s’éloigner des centres-villes. Fredrik Gertten mène une enquête édifiante aux côtés de la charismatique Leilani Farha, Rapporteuse spéciale de l’ONU sur le droit au logement. La possibilité de vivre décemment dans nos villes est-elle devenue l’un des enjeux cruciaux de notre temps ?FIFDH
The Shift is a new worldwide movement to reclaim and realize the fundamental human right to housing – to move away from housing as a place to park excess capital, to housing as a place to live in dignity, to raise families and participate in community.
Le Festival a ouvert son porte-voix avec celle, bouleversante, de Nadia Murad. Jeune femme qui voulait juste être « la fille du village« , ni la victime ni l’héroïne. Aujourd’hui Prix Nobel de la Paix, ses épaules doivent porter le destin de toute une communauté en danger de disparition. Hier, par la guerre. Demain, par leur éventuelle dilution. Lorsqu’elle crie à l’Europe qu’en les dispersant ils achèveraient le génocide que l’EI a entamé, toute la salle a sangloté. Mes épaules en frissonnent encore. Celles de Nadia sont-elles assez solides pour payer le Prix du destin qu’un monde en suspension lui a réservé ?
On Her Shoulders de Alexandria Bombach. 2018, 95′. Compétition documentaires
Prix Nobel de la paix 2018, Nadia Murad a survécu au génocide et à l’esclavage sexuel perpétrés par Daech sur les Yézidis. Propulsée à 23 ans sur le devant de la scène internationale aux côtés de son avocate Amal Clooney, elle incarne la voix d’un peuple au bord de l’anéantissement et doit raconter sans cesse l’horreur, tout en gérant la bureaucratie, la pression médiatique et une fascination malsaine à l’égard de son histoire. Primée à Sundance, Alexandria Bombach signe avec brio l’un des premiers films qui dénoncent frontalement le lourd tribut personnel payé par les femmes activistes. FIFDH
Ca y est, le Festival du Film et Forum international sur les Droits humains a pris ses quartiers dans ma cité. Pendant dix jours, parallèlement à la session du Conseil des droits de l’homme qui se tient à l’ONU, le FIFDH se donne pour mission de s’indigner, vibrer, penser ensemble. Dix jours pour mettre en lumière des combats, des drames, des mots, mais surtout des voix. Des voix inspirantes, militantes, bouleversantes et bouleversées. Dix jours de voyages et d’état des lieux. Dix jours pour créer une société éphémère, faire éclore un germe de communauté d’action, d’espoir et de solutions.
Dix jours d’ancrage local au cœur d’une agora internationale, d’un espace réflexif éphémère autour des droits humains. Dix jours d’un voyage global pour visiter des thématiques transnationales. Dix jours pour compiler, digérer et dessiner une toile, un réseau de luttes interconnectées.
Me voilà donc embarquée dans un voyage remuant, enthousiasmant, éprouvant, enrichissant. Depuis vendredi j’ai déjà pleuré avec Nadia Murad, combattu aux côtés de Leilani Fahra, me suis indignée devant des prisonniers, apaisée avec Bruno Boudjelal, promenée avec Rousseau, déridée en compagnie d’une bande de rebelles enflammés….
Rires, larmes, empathie, indignation… Le FIFDH ? Un ascenseur émotionnel. Parce que s’interroger sur les droits humains c’est aussi braquer les projecteurs sur les cas où ces derniers sont bafoués. C’est aborder frontalement les questions d’urgence climatique, de droit au logement, de déplacement de populations, de conflits armés, de génocides oubliés, de cyber-harcèlement, de populisme instrumentalisé, de criminalisation de la solidarité, de misère sociale, de révolutions avortées, de territoires en reconstruction, de minorités muselées…
Alors anxiogène cette agora ? Certainement pas ! Questionner ne veut pas dire culpabiliser, mettre en lumière se résigner. Le coeur du combat ? Les stimulants défis posés par un monde post-neo on sait plus trop. Un monde en mutation qui nous offre une occasion de nous (re)mettre en mouvement, de nous remobiliser pour réinventer. De réfléchir aux rôles et aux responsabilités des acteurs locaux, nationaux, internationaux, virtuels, communautaires. De chacun de nous en tant que citoyen.
Pour remplir cette mission, le Festival propose films, rencontres, événements et expositions mais surtout un Forum qui permet de partager une émotion collective autour d’une œuvre, suivie d’une réflexion commune entre artistes, penseurs, experts, politiques… et le public. De l’émotion pour concerner. Des clés pour comprendre. Des pistes pour se mettre en mouvement… Mouvoir-émouvoir-espérer-actionner.
Voilà, je m’en vais continuer à butiner et je vous retrouve au terme de ce voyage glocal pour vous en livrer les échos, les remèdes et la boîte à outils du résistant. En attendant, je vous propose quelques escales avec mes Voix du FIFDH…
Quand on me demande si je me sens plutôt Syrien ou Français, je réponds que je me sens avant tout appartenir au peuple des auteurs: c’est celui que j’ai choisi. C’est plus simple pour moi, ça m’a permis d’échapper à un conflit de loyauté.
Retour de Méditerranée… Au programme ? Un billet « Toute l’Europe avec Interrail« . Au final ? Ancrage local, en stand-by, en attendant un nouveau foyer. Celui qui vient clore neuf ans d’errance immobilière. Voyage qui parfois nous résiste. Rien ne sert de s’agiter quand le mouvement décide de s’arrêter.
On voudrait bouffer du bitume, courir partout, que chaque jour de « vacance » soit utile. On veut du sens, de l’action. On veut de la PRODUCTIVITÉ ! Et puis le corps résiste, les finances résistent, la volonté résiste, l’imagination résiste. La to-do list résiste. Même le sommeil résiste. C’est le rien, le néant, le nada. L’attente. Figée. En zone tampon, au pied d’une montagne bi-nationale… Rien ne sert de s’obstiner, option capitulation.
Départ pour dix jours d’Europe en train. Un temps pour soi, instants suspendus et mouvement continu dans une Europe en suspension. En route pour Augsburg et son hôtel Cosmopolis, avant de rallier Vienne, Prague, Budapest, Leipzig, Berlin. Vers l’Est, vers ces vestiges, ce monumental passé, ce présent figé. Vers des origines aussi. Mais l’esthétique, à mesure que le train avance vers le Nord, me laisse froide. Trop d’ordre, trop d’angles droits. Rien ne me dit. Plus d’énergie. Vidée. Aller-retour et puis s’en va. Après le coeur du monde, son chaos, sa vitalité, envie de Méditerranée. Alors partons pour Naples puisqu’il en est ainsi ! J’y partirai effectivement. En rêverie. Sur l’appli. Je partirai cent fois, planifiant et replanifiant d’éventuels d’itinéraires s’amenuisant à mesure que la semaine avançait. Je me résoudrai finalement à défaire mon sac à dos. Ne capitulant qu’à moitié, tentant encore le voyage transfrontalier, puis local… Sans succès là non plus. Pas de sève, plus de jus. Finalement je me contenterai d’un World Food Festival sur la place centrale de ma future cité…
Voyages avortés. Temps mort imposé. Délices du temps suspendu à oublier. Un petit tour de swing ? non merci. Que m’arrive-t-il ? No idea. Alors j’attends. Mon esprit vacille entre deux moments de vie. Je me décide finalement à prolonger un voyage qui m’habite encore pleinement avec une petite séance de Foxtrot et une lecture qui comme toujours, arrive à point nommé. Pour conjurer l’angoisse et la culpabilité de n’avoir pas su mettre à profit, c’est encore la littérature qui vient me sauver. Une lecture qui traite beaucoup de Lui, aussi. On reste dans le thème ainsi 😉 avec le délicieux « roman » du monde de Jean d’O, qui nous rappelle que « C’est une chose étrange à la fin que le monde« . Et puis je partirai pour Vienne finalement. Ma drôle de semaine de presque rien vêtue s’achevant avec un portrait de la nouvelle Vienne… d’extrême-droite. Regrets muselés.
Assignations
Mon assignation me fait prendre conscience que ma panne est peut-être juste en diapason avec l’air du temps. Le monde se dilate, mon envie d’ailleurs rétrécit simultanément ? Ma génération avait pris le monde pour acquis. Illusion ! La malédiction de Babel semble devoir se répéter à l’infini. Alors il veut quoi Lui, des hommes unis ou des hommes dispersés ? Bref, il y a beaucoup de foi ces temps, plusieurs « Lui » et l’espoir qu’en se tournant vers eux les hommes apprendront à nouveau à s’aimer… En attendant, mon assignation me fait prendre conscience que je viens de visiter des Méditerranéens coincés contre des portes fermées. Assignés à résidence ou en guerre contre leurs voisins.
Mon assignation me fait aussi prendre conscience qu’aux visas et aux murs qui enferment le Monde s’ajoute notre manque d’appétit pour la communion dans des terres en perte de liberté. Pourquoi « soutenir » des territoires qui prônent le retour à la maison ? Erreur sans doute… On ne devrait pas ajouter de distance aux murs…
Murs politiques, murs idéologiques… Mon assignation me fait prendre conscience que le mouvement ralentit autour de moi aussi. Apologie du localisme pour les uns, qui dorénavant préfèrent poser leurs valises dans le coteau voisin que de courir un monde trop plein, trop identique. Fuir le vulgaire, le « touriste ». Nouveau snobisme assurément. Idéologie écologique pour d’autres, qui culpabilisent désormais de rejoindre tout lieu qui ne soit pas atteignable par la force de leurs mollets. Idéologie cosmopolite enfin, pas de goût pour la nouvelle saveur « nation emmurée » ?
Oui le mouvement ralentit, et pourquoi pas, si comme Jean d’O, on se demande si « dans un monde qui nous échappe forcément il vaut encore la peine de s’agiter » ? Perso je ne m’y résigne pas. Le combo mouvement-ancrage ? Le projet, le sens de ma futile existence. Ma conception du bonheur aussi… Moi qui présentement profite du monde qui ralentit, de la langueur bien méritée de ce dimanche, de partager avec vous quelques passages d’un espiègle sage. Un grand rêveur qui nous parle de mouvement, de rêve d’unification, de diversité, de « spectacle du changement« , « d’instabilité universelle« , de principe d’incertitude, de Dieu, de Méditerranée. Et nous rappelle que le monde est toujours « lutte et tension entre des forces opposées. » (52)
Tout se passe comme si le mouvement naturel de la création consistait à distinguer et à unir ? (146)
« Je me promène dans ce monde. La Terre qui a été si grande est devenue toute petite. » (252)
« Noyau obscur qui semble persister au coeur de l’éphémère universel. » « Qu’est-ce qui persiste à travers le changement ? » (52)
« Longtemps, pour un oui ou pour un non, je suis parti, sur un coup de tête, n’importe quand, n’importe où. »
« Toute tentative d’aboutir à une théorie unifiée, à une formule globale du monde, s’est soldée par un échec. » (146)
Le monde une « branloire pérenne » (Montaigne) (244)
A la fin, il y a aura un monde unifié où les races auront disparu dans une préhistoire évanouie. (246)
Au terme de son voyage intellectuel, Jean d’O confesse avoir trouvé la foi, retrouvé la joie. Une espérance, une paix, une confiance. Une certitude aussi. Celle de n’y être pour rien et pour tellement. Pas la peine de culpabiliser donc, le monde s’en fout. Principe d’incertitude, principe d’humilité. Invitation à jouir. Merci Jean d’O pour ce mantra. Reste une certitude, une constante toutefois. Tout livre vient toujours à point nommé. Pour nous guider, nous consoler, nous mettre en route, nous remettre en joie.
Échos de mai
Oscillant entre ouverture et fermeture, les vibrations de la belle de Mai émettent des échos bien contemporains. Échos d’ouverture aux Mots et aux Maux du Monde… Car mai signe la fin de l’espoir de la grande marche vers Gaza, la fin de l’accord sur le nucléaire iranien… L’anniversaire d’un président-empereur dont le royaume reste un refuge toutefois. Le mariage princier d’un ancien empire avec une princesse métisse qui permet de faire communier un Royaume « Uni » post-Brexit…
Échos d’ouverture du Festival Étonnants Voyageurs, sa littérature-Monde, sa poétique mondialité. Les mots de ses têtes d’affiche avec leur manifeste « Osons la fraternité« . Écho du départ de deux maîtres américains des mots aussi. Tom Wolfe, dont j’avais dévoré la truculente parodie sur les communautés made in US dans Bloody Miami. Philip Roth, anti-communautariste new-yorkais chevronné. Deux voix qui vont nous manquer. Subsistent néanmoins de nombreuses voix hybrides. Celle d’un Dany Lafferière qui a choisi « les mots comme unique patrie contre l’absurdité de l’ennationalisation des êtres« . Celle d’un Spike Lee qui a élu domicile dans une « République de Brooklyn ouverte, dynamique et métissée« . Spike Lee qui fait du reste son retour dans la sélection officielle du Festival de Cannes, aux côtés de réalisateurs assignés à résidence… Cannes, miroir d’ouverture et de fermeture, fête cette année les femmes et pleure l’absence de réalisateurs russe, iranien ou kenyane, devenus emblèmes de résistance au durcissement de leurs maisons. Des résistants auxquels risquent bientôt de se joindre des Italiens, dont les dernières élections ont abouti à une alliance des extrêmes. Sûrement trouvent-ils les Maux justes dans ce contexte-CI. On votait dans ma mini-république aussi, et c’est pas pour être chauvine, mais vous dire qu’ici, c’est la débâcle populiste qui l’a emporté. Heureusement d’autres Mots peuvent encore s’imposer dans ce contexte-ci. Quoi qu’il en soit il faut continuer à résister. A prôner pour une révision de notre rapport à la mobilité, qui nous offrira un autre contexte, dans lequel une meilleure cohabitation s’inscrira. Aucuns M(aux)OT ne sont jamais ni définitifs ni intrinsèquement dans la vérité. L’analyse sociale est toujours un brouillon.
Pris d’une urgente envie d’ailleurs en cette saison printemps-hiver ? Les ADEM vous emmènent en voyages sous le signe du métissage… De Grèce en Amérique, sur les chemins d’Orient, au Venezuela, en Afrique du Sud ou en Afghanistan… Évasion garantie !
Ateliers d’ethnomusicologie 27.02-06.03
« Musiques en exil souhaite célébrer le pays des origines et celui de l’accueil. Dans une période marquée par les tragédies migratoires, la mise en valeur des patrimoines poétiques et musicaux des populations en exil résonne profondément en nous.
Musiques en exil souhaite célébrer le pays des origines et celui de l’accueil. Dans une période marquée par les tragédies migratoires, la mise en valeur des patrimoines poétiques et musicaux des populations en exil résonne profondément en nous.
Questionner musicalement l’exil, c’est aussi faire entendre d’autres voix, appréhender une richesse culturelle que les conflits de notre monde contemporain, la peur de l’inconnu, tendent à masquer ou à étouffer.
Au-delà des blessures, l’exil peut aussi se révéler fécond et surgir comme un nouveau territoire que la musique, jeu subtil de la mémoire, vient habiter. Chacun des musiciens invités par les ADEM pour ce festival, selon son itinéraire et son imaginaire, a dessiné ses pistes de réponse.
Autant d’histoires de vie, collectives ou individuelles, à partir desquelles les artistes ont su façonner leurs propres réalités et renouveler une identité.
Cette programmation abordera parfois des thèmes douloureux mais en soulignant toujours ce que la musique, la poésie et de la danse recèlent d’énergie et d’optimisme. De la Syrie au Venezuela, de l’Europe à l’Afrique du Sud, le festival brosse un large panorama géographique et culturel, à travers des concerts et des moments de parole, à l’image de la diversité des débats que soulève la migration. » Fabrice Contri – Directeur Ateliers d’ethnomusicologie
« Frontières en tous genres est une exposition qui porte sur la construction des identités par les frontières, et montre comment celles-ci, en cloisonnant l’espace, différencient et souvent opposent les groupes concernés. Son originalité tient à qu’elle s’intéresse aux dimensions performatives des frontières, qui en fait participent à la création des groupes sociaux et politiques qu’elles séparent.
Conception : J-F. Staszak, Raphaël Pieroni (commissaire) et Stefan Press (scénographe)
Frontières en tous genres est une exposition qui porte sur la construction des identités par les frontières, et montre comment celles-ci, en cloisonnant l’espace, différencient et souvent opposent les groupes concernés. Son originalité tient à qu’elle s’intéresse aux dimensions performatives des frontières, qui en fait participent à la création des groupes sociaux et politiques qu’elles séparent. Frontières en tous genres met en scène deux grands types de frontières: celles qui séparent le public du privé — les frontières du genre — et celles qui organisent le monde en nations — les frontières interétatiques. L’exposition donne à voir des formes diverses de cloisonnement social et spatial qui dans un même mouvement unissent et séparent des individus. Elle témoigne aussi des formes de décloisonnement et de recomposition qui passent souvent par la transgression des frontières.
Cette exposition fait partie d’un dispositif de recherche et d’enseignement inédit de l’Université de Genève. Ce dispositif, intitulé Frontières en tous genre, se décline sous la forme d’un MOOC (Massive Open Online Course disponible sur la plateforme Coursera, 2017), d’une publication du Département de géographie et environnement parue en 2017 (aux Presses Universitaires de Rennes), d’un séminaire de bachelor en classe inversée (printemps 2019) et pour finir d’une exposition. Cette dernière intègre deux installations multimédia sur les frontières du projet poliScope, développé par la Faculté des sciences de la société et destiné à renforcer les liens entre l’Université et la cité. »
Dans quelques jours le Festival du film et forum international sur les droits humains reprendra ses quartiers au coeur de la cité internationale pour dix jours de réflexions, de débats, de projections et de rencontres autour des grandes questions qui agitent notre planète. Cette année encore le festival nous a concoctés un programme gourmand. L’occasion de nous mobiliser, de résister, ensemble, dans un monde en proie à la démobilisation. Le FIFDH, « territoire » éphémère de liberté dans lequel j’ai bien l’intention de m’ancrer…
… pour vous parler encore de mobilités, de cités, de populisme, de cris, de cohabitation, de localisme, de globalisme, de glocalisme, de Méditerranée, de territoire et de refuges à conquérir… Pour aborder surtout un thème qui risque de nous occuper beaucoup désormais… la question de la Résistance et de la responsabilité.
Je me réjouis déjà de partager avec vous les quelques escales que je vous ai réservées et en attendant, je vous laisse déjà découvrir le programme détailléici.
« Dans un monde troublé et en colère, où les droits humains où les droits humains semblent reculer, cette 17ème édition du FIFDH met à l’honneur des personnalités fortes. Partout sur la planète, face à des situations inacceptables, elles osent élever leur voix. A travers ces voix, nous interrogerons les nouvelles formes de résistance artistique, politique et collective, avec toujours à l’esprit l’ouverture, la liberté de ton et le désir. »Isabelle Gattiker, directrice du FIFDH, communiqué de presse, 14.02.2019
Avril 2018. Avant d’arpenter les Nouvelles Routes de la Soie, avant de boucler la tournée des Villes-Monde, avant de clore celui-ci et d’entamer un nouveau chapitre du PG, il est temps. Temps de lier Projet Glocal et Projet Méditerranée, temps d’ajouter la pièce manquante, temps de se rendre dans la Ville-Monde d’entre toutes, dans le coeur du Monde, temps d’effectuer ce pèlerinage…
Temps de prendre le pouls de ce territoire sensible. Temps de laisser ses sens opérer et rencontrer une société civile effacée par les voix(es) géopolitiques. Temps de finalement aborder l’étape incontournable pour compléter cette étude et tenter de saisir ne serait-ce qu’une bribe de la complexité de cette « cohabitation ».
Temps de plonger dans le coeur du monde, où tout commence et… tout fini ? De là la foi s’est propagée. De là s’exportent et se banalisent désormais les Murs. Là-bas le Territoire est en passe de triompher. Oui c’est là que je dois aller, et maintenant.
Le projet initial ? S’ancrer à Jérusalem et observer. Plan vite révisé suite à un départ un peu « mouvementé »… Comme toujours le voyage impose sa volonté…
Alors suivez-moi dans une escale placée sous le signe de L’INTENSITÉ !
Sommaire : Murs & Bulles. Livre I - Bâtarde infiltrée. Livre II - Carrefour des Diversités. Livre III - Nation, Territoire et Cohabitation. Livre IV - In Jerusalem we pray, in Tel Aviv we play, in Haifa we work. Livre V - West Bank via Jérusalem-Est et la Cirsjordanie. Livre VI - Construction d'une Nation exclusive(ment) (emmurée?). Livre VII - Du Territoire au territorialisme. Livre VIII - Option culte du Réseau & Mythe partagé ? Livre IX - Abraham the first Routard... Livre X. A stomach like a giant pea. Livre dernier - Sur les traces de Jésus. Epilogue. The Good Tourist. In exil (?).
Préambule – La guerre transnationale commence Ici
Je n’ai pas été habituée à ça… D’ordinaire mon passeport rouge constitue un sésame. Pas pour la guerre apparemment. Voici le topo. J’émerge à peine d’un mariage à charge émotionnelle élevée, dû organiser mon futur déménagement dans la foulée, je suis encore perchée, complètement à l’ouest, je n’ai rien préparé… et je me pointe au guichet de la compagnie nationale pour me rendre à l’Est. Ou au centre plus précisément. Centre du monde exactement. J’apprends à mes dépens qu’on ne chemine pas vers un terrain miné la fleur au fusil, les yeux embrumés, sans baliser. Du coup je n’étais pas préparée… à deux interrogatoires hyper musclés, à ce que tous mes déplacements soient scrutés, mon mode de vie jugé, mon passé professionnel étudié. Bref, pour mon profil, louche assurément, pas de laisser passer. En gros, encore 30 minutes après l’horaire prévu du vol, défense d’entrer. Mon crime ? Voyager seule, sans plan précis, durant + de diiiiiix jours, une vie quoi (!) le tout avec un passeport tamponné dans des terres « arabes » (Istanbul, KL, Dubaï… fascinantes V-M qui évoquent à mes interlocuteurs Turquie, Malaisie, Émirats Arabes Unis et une potentielle connivence avec des États ennemis…), à un moment particulièrement sensible, pis avoir travaillé par le passé à la télé aussi… A un moment j’avoue avoir songé à renoncer et rentrer chez moi. Heureusement j’étais trop épuisée pour réagir. Voilà, welcome to Israël. Secouée.
MURS & BULLES
Livre I. Bâtarde infiltrée
Oui, je m’apprête à atterrir sur un territoire sensible… entouré de voisins ennemis, géopolitique qui entrave mon projet initial de rayonnement-sur-Méditerranée … qui plus est à un moment particulier. Depuis le 30 mars s’organise en effet chaque vendredi du côté palestinien une « grande marche du retour » le long de la frontière avec Gaza. Un rassemblement qui commémore le grand exode, la catastrophe, la Nakba de 1948 et doit culminer le 15 mai, lendemain de la date anniversaire de la proclamation de l’État d’Israël et date du déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem… En miroir, vous l’aurez compris, du côté israélien c’est le 70ème anniversaire de l’État d’Israël qu’on s’apprête à célébrer.
N’en déplaise aux maîtres de la frontière, mon parti à moi c’est d’y aller sans à priori, résolue à ne me priver d’aucune voix. Rencontrer des sociétés civiles, indifféremment. Esprit vierge. Confondre calligraphies arabe et hébraïque, confondre les communautés. Placer cette escale sous l’angle des rencontres et leur laisser, à toutes, spontanément, la chance de s’opérer. A l’encontre du trend à observer, ne pas s’assigner, ne pas s’enfermer, ne s’intégrer à aucune communauté. Posture d’ouverture. Posture hybride obligée. Polyphonie revendiquée. Pour comprendre, sentir, se faire l’éponge de leurs visions, se faire une idée. Privilégier l’intensité et l’éphémère. En mode schizo ? En mode hybride, tout simplement.
Alors si ça fait de moi un profil douteux, même si ça fait mal, même si ça remet en questions, je prends acte. L’indépendance s’acquiert de haute lutte. No one can stop you ! me lancera ce laywer tel avivois qui m’aborda sur le pavé. CQFD.
Livre II. Carrefour des Diversités
Il suffit de poser le pied sur ce micro-territoire pour saisir instantanément pourquoi il cristallise tant de passions et désirs d’appropriations. Richesse inouïe du coeur du monde qui offre une palette d’émotions et de pèlerinages différents.
Sur cette Terre on croise une étourdissante variété de couvre-chefs, beaucoup beaucoup beaucoup de drapeaux et autres marqueurs territoriaux, des pèlerins de toutes religions et toutes géographies, on goûte des idiomes de tous les crus et un concentré de terroirs différents. Sur cette Terre flotte un esprit d’Orient et battent des coeurs chaleureux. Partout on fredonne aussi, toutes les âmes chantent même le klaxon, sport (trans)national imposé pour s’imposer dans une circulation chaotique. Pis on occupe tout l’espace surtout, collines y compris, paysages impressionnants et fil à retordre aux moteurs garanti !
Une Terre-Carrefour. Des religions, des récits, des projections. Lieu de pèlerinages trans-monothéismes et territoire qui cristallise tellement d’enjeux. Des milliers d’années d’Histoire, autant d’imaginaires imprimés. Berceau du monde euro-méditerranéen et par extension, par mondialisations successives, un peu du monde aussi, rien que ça. On s’étonne cependant que cette terre si pleine, si chargée, laisse en même temps de l’espace pour de nouveaux fantasmes. Et la possibilité pour chaque visiteur de composer son menu : Jésus, la playa, les bulles ou le conflit du Moyen-Orient, voire l’option déconnectée et la possibilité de passer totalement à côté de cette réalité. Car cette Terre offre ça aussi. A ce « talent »-là.
Mount of Olives religious pilgrimage vs Mount of Olives political pilgrimage… Same place, same picture, totally different mood, totally different vision…
Si la cohabitation des hommes s’y trouve provisoirement empêchée, rarement un lieu ne m’aura offert la possibilité de faire cohabiter une telle variété de pèlerinages : urbain, naturel, religieux, politique, historique, touristique, sportif, balnéaire… C’est sans doute ce concentré de possibilités, cette incroyable diversité qui créé cet irrésistible pouvoir d’attraction. Et vous me connaissez, je suis incapable de choisir, ne veux pas me contenter d’un seul angle mais les embrasser tous… Alors forcément pour moi ce sera l’option menu presque complet… Le menu Intensité !
Pèlerinage urbain en errant dans des villes aussi différentes que Tel-Aviv, Jérusalem, Naplouse, Nazareth ou Haïfa.
Pèlerinage naturel. Le Créateur a concentré sur cette terre un échantillon étonnant de types paysagers auquel on accède aisément en rayonnant depuis le coeur de l’humanité. Comment Il s’y est pris pour planter sur un territoire aussi limité une telle variété de décors, mystère de la Création…
Terre montagno-rocailleuse autour de Jérusalem et en Cisjordanie, Terre émeraude-turquoise autour de la Mer de Galilée, Terre dorée de la Vallée du Jourdain, Terre rouge et blanche du désert de Judée, Roches craie-salées du canyon de Massada, Palmiers et sources de l’Oasis d’Ein Gedi, Paysage industriel de Haïfa…
Le tout lové entre quatre mers : pureté originelle de la Mer de Galilée, paysage solaire de la Méditerranée, paysage lunaire de la Mer Morte…
Pèlerinage géo-politique dans les murs, au coeur du conflit, des enjeux et de la dynamique territoriale. Dans le Grand Jérusalem et en Cisjordanie.
Pèlerinage historique. Les férus d’Histoire sont repus eux aussi. Le paysage palimpseste dévoile ses couches à Jérusalem et sur tout le territoire. Une coupe suffit pour lire les sédiments de civilisations et d’empires qui se sont succédé ici. Et dont on retiendra cette leçon : le pouvoir consiste souvent à détruire et à tout refaire par dessus…
Pèlerinage touristique. On peut aussi se contenter de suivre l’itinéraire du guide touristique et d’aborder ce territoire en mode parc d’attractions.
Pèlerinage religieux. Last but not least. Berceau des trois monothéismes, ce territoire attire des pèlerins du monde entier. Plonger au coeur des cours de catéchisme et toucher des yeux les légendes de notre enfance, combien d’autres terres offrent une telle opportunité ?
Livre III. Nation, Territoire & Cohabitation
Pèlerinage géo-sociologique oblige, le pèlerinage religieux attendra, ma foi… Car je suis avant tout ici pour observer la cohabitation, à échelles intra-urbaine (partage du Vieux Jérusalem, scission du Grand Jérusalem), inter-urbaine (Tel Aviv, Haïfa), intra-nationale, transnationale (Cisjordanie), locaux-touristes. Mais d’abord, quelques bribes de présentation.
État israélien : composition
Au-delà de la diversité des paysages urbains, naturels et de la diversité des options proposées, une des caractéristiques d’Israël est sa complexe diversité démographique, aussi.
L’État israélien est composée de citoyens juifs et de minorités. La majorité juive est divisée entre juifs ashkénazes, séfarades et russes, ainsi que de nombreuses tribus : Beta Israel, Falash Mura, Hébreux noirs, Bnei Israël, etc. Parmi les minorités, on trouve la majorité arabe (Musulmans, Chrétiens et Druzes), ainsi que d’autres groupes comme les Bédouins, les Circassiens, les Samaritains, etc.
La majorité juive est loin d’être homogène : différents pays de provenance, vagues d’immigration, cultures, degrés de religiosité, statuts, courants religieux, qui se sont fondus, se fondent, ou pas, pour composer la nation juive. On distingue les « sabras », nés en Israël et les immigrés plus récents ayant fait leur Aliyah. Une grande vague post-URSS a vu un million de Russes s’installer et modifié sensiblement la démographie du pays.
Certains affirment que tous les sabras se seraient fondus et la division intra-juive plus d’actu, à l’instar d’un de mes hôtes, dont les origines sont si mélangées qu’il ne puisse toutes les citer ! Leurs ancêtres ont afflué du monde entier, la dernière génération se revendique elle indifférenciée. Ce ne serait pas encore le cas des immigrés plus récents aux caractères plus enclavées et mentalités culturelles plus marquées.
État israélien : une nation ?
Empêchée par le projet territorialiste, la division semble those days damer le pion à la possibilité d’un trait d’union entre État et Nation.
A entendre mes interlocuteurs, des droits et devoirs différents seraient accordés aux nationaux juifs et arabes, à savoir à peu près tous les autres. L’occasion de chaque côté de se sentir floués. On entend tantôt que Juifs et Arabes ont les mêmes droits mais pas les mêmes devoirs, seuls les premiers étant astreints à l’armée. Tantôt que les Arabes paient les mêmes taxes mais n’ont pas accès aux mêmes services.
Les Juifs et les Arabes parlent des langues différentes, fréquentent des écoles différentes, vivent dans des lieux différents. Pour un de mes guides, rien de très différent de notre cohabitation Alémaniques-Romands : chacun son pré carré, chacun sa langue, chacun se contentant d’ignorer l’autre pacifiquement. « You too don’t care about each other« … Parallèle intéressant, raccourci pas convainquant. Car il y a la réalité du terrain et le message d’en-haut… Le message appuyé par des lois… Qui en n’offrant par exemple pas de possibilité de mariages civils ne favorisent de fait pas les unions intercommunautaires et la mixité.
Séparée par l’Histoire et des histoires parallèles, par une absence de récit territorial collectif, divisée par le présent et l’uniformisation sociétale en cours, force est de constater que s’il existe une nation israélienne, c’est celle qui se forme à l’armée. Mais nous y reviendrons…
En attendant, depuis ce séjour, la loi définissant le caractère juif de la nation et Israël comme l’État-nation du peuple juif a été adoptée en juillet 2018, provoquant un certain écoeurement chez tous les autres.
Cohabitation
Quels sont les incitateurs qui influent et sculptent le paysage démographique de cette si complexe nation ? Entre Mur de division du Grand Jérusalem, projet territoraliste en Cisjordanie, entre incitations à occuper dehors et tentative de mixité dedans, L’État joue évidemment un rôle important en organisant le territoire d’une certaine façon, reflet de sa manière de composer avec sa diversité et de sa vision de la nation. L’économie influence elle aussi, le prix de l’immobilier poussant tantôt à occuper, tantôt à se mélanger. Comme dans l’arabe Galilée où le gouvernement tente d’installer de jeunes couples juifs pour créer de la mixité. Evidemment la culture reste un facteur important, plus basiquement la présence du réseau, la proximité de la famille : quartiers ultra-orthodoxes, quartiers français de Tel Aviv ou de Netanya, enclaves russes, montagne des Samaritains, villages arabes et villages juifs dans toutes régions du pays… Le mode de vie joue aussi : villes occidentalisées, plus traditionnelles ou plus mélangées. Enfin dans le Vieux Jérusalem, c’est la religion qui fait coexister plus que cohabiter les communautés.
Livre IV. In Jerusalem we pray, in Tel Aviv we play, in Haifa we work
Allez, il est temps de laisser un peu d’espace aux impressions, observations et autres échos d’errance. Alors en route pour la fervente Jérusalem, Tel Aviv la juive, Haïfa la mélangée. Ancrée dans une micro-enclave trans-communautaire, nous ferons encore escale de part et d’autres de la Ligne verte, dans une Grande Jérusalem planifiée et les zones cisjordaniennes A-B-C.
Jérusalem Ville-Monde berceau
Berceau de trois religions, la cohabitation reste inéluctable intra-muros du Vieux Jérusalem. Un savant partage de l’espace entre les différents cultes et un tourisme à intégrer partout indifféremment entre les murs d’un paysage palimpseste dont une vie ne suffirait pas pour en lire toutes les couches.
L’espace de la Vieille Ville est divisé en quatre quartiers – juif, musulman, chrétien et arménien. On se perd avec plaisir dans ses ruelles, on butte contre des frontières, se retrouve éventuellement coincée avec son kebab à l’heure de la grande prière. On assiste au ballet parfaitement orchestré entre les recueillements des uns et des autres, les week-ends des uns et des autres. La ville qui se vide, la ville qui se remplit. Des musulmans qui se rendent en masse à la prière du vendredi. Une prière protégée par des gardes israéliens armés et un quartier entier bouclé durant celle-ci. Un Mur des lamentations, rebaptisé Western Wall, interdit pour Shabbat dès le vendredi après-midi. Le moderne quartier juif, reconstruit après avoir été détruit pendant la guerre d’indépendance de 1948, portes closes le samedi. Le quartier arménien qui conserve ses secrets bien gardés derrières les murs imprenables de ses monastères contraste avec les bazars plein de vie des bouillonnants quartiers chrétiens et musulmans. Enfin le tourisme de masse qui lui occupe chaque espace, sans distinction. Oui, serpenter à travers le Vieux Jérusalem est un jeu très amusant, mais un jeu sous haute protection, un jeu sous tension.
Quatre quartiers…
Quartier juif
Quartier arménien
Quartier musulman
Quartier chrétien
… sous haute sécurité
… qui se vident successivement…
Frontières, accès interdits, marqueurs territoriaux et portes dérobées
Lieux sensibles, lieux de passage et espaces…
… à partager avec pèlerins du monde entier…
Vieille Ville de Jérusalem : ferveur partagée, espace à diviser, cohabitation ultra-sécurisée et partage de l’espace réglé comme une ballet entre trois grandes religions, une myriade de courants y possédant une représentation ainsi qu’un flux continu de touristes qui occupent eux tous les espaces, tous les lieux, à tout moment, indifféremment.
Territoire et… semaine partagée 😉 Une nation, trois religions, trois week-ends différents : vendredi musulman, samedi juif, dimanche chrétien.
Ferveur et… atmosphère partagée. De ces murs se dégage une certaine unité
Ville nouvelle, nouveaux murs
La Jérusalem moderne, jalouse trop longtemps des fortifications de sa sœur aînée, se barricade désormais elle aussi… A l’intérieur, derrière ou entre les murs, elle se veut juive, arabe, ultra-orthodoxe, russe, internationale… Éclipsée par son Mur, elle recèle néanmoins de nombreux points d’intérêts qu’on aurait tort de bouder : Musée d’Israël, First Station, Yehuda Market, etc.
Jaffa Road
Yehuda Market, centre nourricier névralgique de la communauté juive
Enclave russe et quartier ultra-orthodoxe de Mea Shearim
Tel-Aviv – Bulle déconnectée
« Tel Aviv is The best city in the world ! »
Ainsi dès l’avion le ton était donné. Moi Tel Aviv j’allais y débarquer à un moment très spécial… promis rien planifié !
Tel Aviv, la plage, la fête, le refuge des LGBT. Tel Aviv et son CBD, Tel Aviv économique Global City, bulle déconnectée du conflit, cocon pour oublier les tensions, a-politique volontairement. Tel Aviv, la Ville-Monde connectée, la ville-exil des modérés. Tel Aviv et sa population chaleureuse et accueillante. Tel Aviv, son désir de légèreté et… d’entre soi… Tel Aviv, la cité occidentalisée qui semble avoir perdu son âme arabe. Tel Aviv, l’Israël de l’économie florissante et du coût de la vie élevé. Tel Aviv, où je retrouve les mêmes trends qu’en Occident : Green wave, enjeux de mobilité, réhabilitation & gentrification.
Tel Aviv c’est Jaffa, Rabbin Square ou la playa, Newe Zedek, Rotschild Avenue, Florentin, Musée de la Diaspora, quartier yéménite, Habimah Square, et … de l’amour aux murs 🙂
Tel Aviv et la société israélienne, c’est en partie à travers les yeux de mon hôte couchsurfer que je l’ai lue et y fus initiée. Salarié trentenaire d’une compagnie informatique dans le vent et membre d’une communauté globale assurément : une jeunesse en quête de sens. Membre d’un mouvement national également : celui qu’on appelle communément la gauche israélienne et dans lequel on enferme et caricature tout citoyen qui s’élève contre la politique territorialiste actuelle. F., membre d’une société civile qui se refuse désormais à parler de politique. Symbole de la disjonction entre géopolitique et citoyens… ou quand une politique qui devrait être le porte-voix de (s)ces citoyens, s’en affranchit pour mener son propre combat. Mon hôte lui est capable de distance et d’humour politique. Ainsi, alors même qu’il a récemment troqué la télé pour les puzzles, il ne peut résister à se tordre devant une parodie télévisée des turnmoils nationaux diffusée le jour d’Independance Day.
Finalement mon nouvel ami ressemble au Genevois lambda que je pourrais fréquenter. Adepte du vélo qui tente de cohabiter avec ses amis végan. Rêveur qui privilégie la qualité de vie à celle du porte-monnaie, préfère CouchSurfing à Airbnb. Citoyen global qui aime voyager, particulièrement dans des terres où la nature a gardé tous ses droits. Dans des terres arabes aussi. Citoyen local soumis aux lois de l’immobilier, empêché de rejoindre ses amis dans le quartier ultra branché, arty, vintage et étudiant de Florentin. Citoyen glocal, qui à défaut de faire communauté nationale, accueille des gens du monde entier, curieux d’entendre ce que le monde occidental « pense des Juifs« . Un hôte ouvert et généreux, qui se sent enfermé. Ville-cage dorée, job cage dorée.
Memorial Day & Independance Day. Même décor, autre état d’esprit. Le recueillement avant la célébration, sur une place symbolique qui porte le nom de celui qui aura été assassiné pour avoir voulu la réconciliation.
A ses côtés, j’ai eu l’occasion d’assister aux commémorations de Memorial Day. Mon nouvel ami n’est pas nationaliste, il respecte toutefois ce moment de gravité. On termine la soirée trankilou posés à siroter une bière sur son balcon, profitant du spectacle des cours de l’école ultra-orthodoxe de l’autre côté de la cour. L‘occasion pour lui de me briefer sur la situation religieuse dans le pays. Une religion qui se renforce à l’intérieur d’un État qui tente d’imposer un mode de vie. Injonction qui pousse des familles de plus en plus nombreuses, face à l’augmentation de la religiosité dans le public, à placer leurs enfants dans le privé (je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec la France où s’observe le processus inverse, des jeunes juifs sont sortis de l’école publique pour intégrer un enseignement communautaire). Qui commence à déchirer des familles aussi. Lui et ses amis restent choqués par la rupture d’un des leurs, alors que son mariage mixte avec une non-juive était imminent. F. lui revendique sa laïcité et la brandit désormais comme un acte de résistance. Le lendemain soir, il m’emmène aux célébrations d’Independance Day, concerts et feux d’artifice à la clé. Mi ironique mi ému de me convier à une fête que lui-même n’avait plus fréquentée depuis des années.
Comme mon hôte prend goût à redécouvrir sa cité en mode touriste, on ne s’arrête pas en si bon chemin et on arpente Jaffa, ancienne ville portuaire arabe, plus vieille ville du pays à l’histoire mouvementée.
Alors qu’on arpente les ruelles historiques du vieux Jaffa, mon guide tente de m’éclairer sur la dynamique territoriale en cours. Ainsi ce Memorial autel, placé au coeur du quartier arabe n’a rien d’innocent…
Where you see tourism, I see politic, provocation.
Le principal port de Palestine fut tantôt égyptienne, romaine, arabe, chrétienne, croisée, française, ottomane, britannique, avant de devenir le principal port de retour à Sion et enfin le quartier arabe de la ville, aujourd’hui divisé entre partie touristique Unesco/musée et partie branchée et cours de gentrification, où gentiment la population arabe se voit remplacée. Arabes et F., mêmes victimes de la gentrification. Une gentrification qui a le mérite au moins dans les premiers temps, avant de tout uniformiser, de mélanger les gens, d’apporter de la mixité et un avant-goût de cohabitation.
Jaffa en gentrification
On sillonnera ensuite Newe Zedek, autre quartier historique d’importance. Si on lui trouve aujourd’hui des petits airs de Soho, il fut par un passé pas si lointain la colonie juive originelle de la cité.
Le seuil de tolérance de nationalisme de mon hôte atteint, j’assisterai seule aux célébrations diurnes des sept décennies de la création. Pour humer l’ambiance en tentant de me frayer un chemin parmi la foule qui se presse, légère, pour assister à la parade militaire dans le ciel de Méditerranée.
Sur Rotschild Avenue – artère principale où les disciples du Bauhaus réfugiés en leur temps tentèrent d’importer un morceau d’Europe – comme à Rotschild Square, les queues s’allongent pour participer aux animations et visites guidées organisées pour l’occasion. Dans toutes ces processions disséminées le long de l’Independance Trail résonnent particulièrement les mots de mon voisin d’avion… effectivement « y’a pas d’Arabes ici« …
Rotschild Square, Allenby, Marché Carmel
La Grande Synagogue
C’est enfin guidée par un rabbin dépité en mode « plus-assez-de-fidèles-synagogues-vides-gens-préfèrent-le-pub« , discours écho inversé à celui du « renforcement-imposition religiosité-par-l’autorité« , que je visiterai la Grande Synagogue. Peurs des uns, pleurs des autres dans un État sans constitution faute d’un consensus sur la place donnée à la religion, qui apparemment est loin d’être tranchée.
Peut-être les synagogues se vident-elles, quoi qu’il en soit, lors de Shabbat, de surcroît le jour d’Independance Day, il y a consensus sur l’immobilité. Pas de bus pour Jérusalem, où mon ami ne m’accompagnera pas, malgré ses jours fériés. Il boudera ce « musée à ciel ouvert, too much, too heavy » pour lui. Il lui préférera un territoire vierge, le désert. Il préfère le Sud à Jérusalem, les grands espaces aux territoires trop chargés. Cinq heures seront nécessaires pour sortir de la ville et entamer a sunset journey to Jérusalem, où j’arriverai finalement de nuit. Whaou effect. J’atterris à côté de la Tour de David, dans une pension de pèlerins au confort ultra rudimentaire, mais avec un vue magique sur la vieille ville.
Haïfa, another cohabitation ?
Au-delà de quelques initiatives confidentielles, de quelques villages pilotes, il existe au sein de l’État israélien, une grande ville dont on dit qu’elle serait celle de la cohabitation : Haïfa. Mon amie M. et son chéri palestinien disent d’elle qu’elle est la plus ouverte, la plus sympa. Alors mon petit tour et puis s’en va ne m’aura pas permis de trancher, mais j’ai tout de même eu le loisir de repérer quelques indices.
Haïfa, ville universitaire industrielle, semble toute tournée vers son port. Quelle meilleure ouverture au monde qu’un port, ça commence bien. Haïfa abrite une grande université où Arabes et Juifs ont pour un temps au moins le sentiment de partager un destin commun. Autre cadre de potentielle influence, Haïfa est la capitale mondiale de la religion Baha’i, une religion dérivée de l’islam chiite apparue en Iran au milieu du XIXème et qui compte aujourd’hui plus de six millions d’adeptes, dont quelques uns à Genève 😉 Une religion « dont le but est d’unir tous les peuples du monde dans une cause universelle et une foi commune », rien que ça… qui accepte la validité de la plupart des religions du monde, et dont les Jardins et le mausolée Baha’i surplombent et embrassent toute la cité. Haïfa accueille aussi la German Colony, Gefen House, un centre culturel arabe-hébreu, le Musée de l’Immigration clandestine, ou le Fattoush, un lieu qui annonce d’emblée sa bonne volonté…
Haïfa, volonté affichée de cohabiter. Dans une époque où le message compte autant que les faits,
Une volonté de cohabiter affichée loin d’être anecdotique à une époque où le message compte autant que les actes. Sinon à Haïfa on célèbre aussi le Holiday of Holidays Festival. Une célébration commune Noël-Hanukah-Aïd tout à la fois. Alors oui, Haïfa a Bubble still, mais Haïfa pourquoi pas !
Livre V. West Bank – Via Jérusalem-Est et la Cisjordanie
« Welcome to Palestine ! »
De l’autre côté de la Ligne verte, sous l’aile de guides bienveillants, je sillonnerai tantôt les pentes de Jérusalem-Est, tantôt les pistes de Cisjordanie. Avec bien sûr, comme chaque fois, une frustration à la clé, car « Yes Palestine has so much to see« , pour quoter un guide-ami amoureux de sa contrée. Je reviendrai, forcément, pour découvrir Hébron et sa cohabitation compliquée, Bethléem ça va de soi, Jéricho ou Ramallah. En attendant, je saisis l’opportunité d’être initiée au Grand Jérusalem et aux trois zones A, B, C. Sur la mappe et sur le pavé : en mode colonies (settlements israéliens), camps de réfugiés (pour Palestiniens), cité bouillonnante (Naplouse) ou « gated community » (Montagne des Samaritains).
Et que ce soit à Jérusalem-Est ou dans le reste de la Cisjordanie, le territoire semble subir une partition programmée. Colonisation de Jérusalem-Est, où quartiers juifs et arabes sont reconnaissables à l’œil nu. Pour les uns, quartiers flambants neufs avec toutes commodités. Pour les autres, toute nouvelle construction relève du parcours du combattant. Combattant qui finira éventuellement par sauter sur ce visa à destination du Canada ou de l’Australie qui lui est si gentiment octroyé… Ici vivent en effet les Palestiniens détenteurs du sésame résidentiel israélien, des résidents tolérés sous condition, reconnaissants pour leur « droit » à la circulation et réduits au silence par la même occasion…
Quittons donc cette Jérusalem-Est en mutation où les murs s’élèvent plus que les voix, pour cheminer à travers les paysages rocailleux de Cisjordanie. Et le Grand Jérusalem, passage obligé. Ici c’est traversées de check-points au faciès et découverte à travers la vitre, médusée, d’érection de routes « communautaires ». Construction de routes et de destins parallèles. Découverte d’un paysage mité. Murs et settlements. Dans le Grand Jérusalem, un quartier central appartient subitement à West Bank, un village de 30 minutes éloigné se voit embrassé dans La cité des Dieux… On assiste quasiment en live à l’accélération de la décohabitation. A l’amenuisement d’une possibilité. A l’érection non pas de deux Etats, mais de bulles et d’une prison. Traitement différencié. Enclavement généralisé.
Enclavement derrière des murs, enclavement dans des colonies. Où tout est fait pour encourager l’urbain en manque de confort ou de moyens à s’installer. Prêts à taux imbattables accordés bien plus volontiers dans ces lieux désignés, services et qualité de vie inconcurrencés, vie communautaire et Le mot-clé : sécurité assurée. Petit à petit, la partition se banalise. Little by little, le processus fait son nid. Et progressivement, avec lui, la culpabilité diminue. Chacun connaissant quelqu’un habitant une colonie. Et dans le pack des commodités sont en bonus inclus des arguments clés en main à brandir contre les premiers colons, les colons de la création qui eux ont envoyé dans des camps ou exilé des millions de Palestiniens… Contre ces settlements illégaux au regard du droit international, plus rien à opposer.
Quittons ces bulles grillagées, partons plus loin, sur d’autres routes de Cisjordanie avec des Palestiniens au statut spécial qui que ce soit en visitant les cousins du Camp de réfugiés de Balata ou de Naplouse, se sentiront toujours un peu traitres, un peu vendus. Oui à l’instar de celle de son voisin, la population de Cisjordanie est loin d’être homogène. Complexité, toujours, partout. La peur et les compromis induits par la coexistence économique du quotidien pour les uns, la peur de perdre le « droit au retour » qui assigne les anciens dans des camps de réfugiés depuis 1948…
Dans le camp de Balata, les photos des martyrs sont partout affichées, martyrs aussi d’une Autorité palestinienne, « sbire d’Israël » plus zélée que l’ennemi, m’a-t-on ci et là soufflé. Autorité apparemment gangrénée par la corruption et jalouse de ses avantages. Une Autorité qui a trahi, poussant une partie des Palestiniens, ceux qu’on ne visite désormais plus, à choisir un parti aux positions plus radicales… Une Autorité enfin qui a élu Naplouse comme hub économique, prenant soin de relayer dans des cours invisibilisées certains bastions de résistants…
« I Don’t go to those places, I Don’t like bubbles. Haifa ? Bubble… Tel Aviv, Yehuda Market ? Bubbles in a Bubble. »
En traversant ces terres si chargées, introduite par de jeunes guides transnationaux, se composant un destin entre Palestine, Europe ou bien plus loin, en compagnie d’un jeune journaliste juif new new-yorkais aussi, qui en repérage d’universités sur la terre de ses aïeux prit conscience de la réalité du terrain, en compagnie de touristes curieux ou de membres d’ONG, … je me demande quand toute cette inextricable dynamique politico-territoriale a bien pu commencer. Lors de la partition de l’Empire ottoman me répond-on, lorsque les Britanniques contèrent fleurette à toutes les parties présentes…
Livre VI. Construction d’une Nation exclusive(ment) (emmurée ?)
Si la territorialité consiste à intégrer harmonieusement des éléments dans un cadre donné, le territorialisme a un aspect bien plus bricolé… Dans le territoire sous contrôle israélien, certains éléments se fondent sans s’intégrer dans le décor. Étonnement géographique toujours, mais différente vibration… Dans le territoire sous contrôle israélien, on croise par exemple à chaque coin de rue des jeunes filles à peine sorties de la puberté mitraillette à la main…
L’armée … grosse affaire dans le pays. L’armée, a big deal, sur toutes les lèvres d’une jeunesse qui sacrifie trois ans de sa vie à la sécurité. L’armée, qui modifie tout le parcours de vie du jeune Israélien. Études tardives, familles encore plus tardives. Armée qui consolide une nation juive surtout. L’armée israélienne, « fait social total » pour lequel mes jeunes interlocuteurs expriment une position ambivalente, entre fierté et rejet. Ils louent l’armée qui les a fait grandir, leur a donné le sens de la communauté, de la solidarité, de la nation. Les a en prime fait voyager, découvrir la géographie, la démographie et les classes sociales de leur pays, leur a appris à se mélanger. Oui, ils sont reconnaissants pour tout ceci. Ce qui n’empêche pas nombre d’entre eux de « flee from Israel right after the army« . Tous voyagent apparemment, certains s’expatrient plus longtemps… juste le temps nécessaire pour échapper à un statut peu envié, « réserviste armé »…
N’empêche… la nation se construit à l’armée. Ce qu’un membre du club des Arabes de Jérusalem au statut « privilégié », qui a en outre apprécié ses études à Haïfa, ville universitaire de mélanges où Juifs et Arabes « get along », n’a pas démenti, car « at the end some go to army and the others not« . Ainsi s’ancre la division, inéluctablement.
Livre VII. Du Territoire au… territorialisme
Israël, où quand le Territoire dérive au territorialisme. Territorialisme : quand la propriété dérive à l’appropriation exclusive et excluante. Un territorialisme qui joue cette partition : Cohabitation –> Coexistence ultra-sécurisée –> Division consommée. (Co)habitation(s) étatico-emmurées. Entre les murs, parler de cohabitation ne fait plus guère de sens. Murs, checkpoints, barbelés, colonies à protéger. Mot d’ordre et unique idéologie : SÉCURITÉ.
Sauf qu’on peut légitimement s’interroger : quelle sécurité ? Quel piège est en train de se refermer ? Quel ghetto se bâtit pour ceux-là même qu’on entend protéger ? Un monde où des nouvelles générations ne se seront jamais rencontrées, mélangées, dépassé leurs barrières. Une cocotte-minute. Un piège pour les citoyens d’ici. Une punition pour les transnationaux de là-bas, qui subissent des représailles envers lesquelles le gouvernement ne semble guère se soucier de sa responsabilité… Un gouvernement trop attelé à décrédibiliser toute voix dissidente en lui apposant l’étiquette réductrice de gauchiste.
« Le mur qu’on a construit se referme sur nous. Parfois j’ai l’impression qu’on a construit notre tombeau. » Le rabbin dans « Holly Lands », 2018
Trop d’idéologues traitres à la patrie dans ce pays ? parce que j’ai ouïe dire qu’une majorité d’Israéliens agree sur une solution pour la Palestine. It sound’s encourageant. Reste que je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec ma lecture du moment… « Un jour le Cachemire aura poussé l’Inde à se détruire de la même façon. Ce jour-là vous pourrez bien nous avoir rendus aveugles, chacun de nous, avec vos carabines à plomb. Vous, vous aurez encore des yeux pour voir ce que vous nous avez fait. Vous ne nous détruisez pas. Vous nous construisez. C’est vous-mêmes que vous détruisez.« (Le Ministère du bonheur suprême, p. 519)
Résonance, écho troublant… Un consensus pour lâcher des terres de son voisin donc, et un consensus pour ne pas lâcher le Plateau du Golan aussi, territoire trop stratégique pour un pays influencé par la géographie. La Bible aurait désigné un refuge trop exigu, trop sec. Un refuge constitué à 60% de désert. La géographie associée à une histoire tragique. Aboutissant à une obligation d’innover, de travailler fort, et une tentation à exclure aussi, apparemment. Une nouvelle mentalité de propriétaire associée à l’Histoire, aux textes pour soutenir le territorialisme ?
Aujourd’hui, le projet territorialiste amenuise la possibilité de la cohabitation de deux États… Quelle alternative ? la cohabitation au sein d’1 seul État israélo-palestinien uni ? Utopie ? Aujourd’hui, clairement. Ressenti ? NOTHING religious here, meaning in this conflict. It’s all about territoire & politic. Rien de religieux, excepté la référence à un territoire mystifié, désigné dans des textes. Des textes parallèles, racontant des histoires parallèles. Une envie de « chambre à part » faute d’Histoire commune. Et une source de conflit territorial et pas d’ordre culturel, pas lié à une intolérance vis-à-vis de croyances, modes de vie et rites différents.
Livre VIII. Option culte du Réseau & Mythe partagé ?
Dans un monde où Territoire et Réseau joueraient à égalité, le processus d’ancrage d’un peuple exilé exilant à son tour un peuple ancré aurait des chances de cesser. On ne le répétera jamais assez : le Réseau crée des communautés transnationales, le Territoire lui créé des réfugiés. Dans un monde où le réseau serait valorisé, la maison embrasserait sa nation d’ici et d’ailleurs comme un tout au lieu de l’exhorter à rentrer. Dans un monde où le Réseau triompherait, on aurait toutes les raisons d’être fiers d’être palestinien, ce grand peuple, cette grande nation dispersée. Toutes les terres d’ancrage ou de passage de la diaspora constitueraient autant de morceaux de transnation. Une diaspora louée qui redonnerait sa fierté au peuple palestinien dans son entier.
Et si cette dynamique de chassés-croisées était née d’un malentendu ? « Le récit de l’exil des Juifs, après le destruction du Temple de Jérusalem par les Romains, est un épisode déterminant pour la théologie juive mais aussi pour l’histoire de l’Europe et du Moyen-Orient. » (Exil, enquête sur un mythe, 2011).
C’est en tout cas ce que semble suggérer le documentaire « Exil, enquête sur un mythe. » Un mythe qui a réduit l’exil du peuple juif à une rupture, une punition, et la diaspora à un état forcément provisoire. Or si après la destruction du Temple il n’avait pas été seulement question d’exil forcé ? Si certains, inspirés par Abraham, avaient sciemment fait le choix du Réseau ? Si l’Empire avait proposé une option soumission en Galilée et non l’exil systématique de tout un peuple ? Si à Sephara les rabbins par d’autres nations avaient continué à être loués ? Sepphoris – Safara – Tsipori… Ce lieu aurait-il pu rimer avec continuités et non uniquement avec ruptures ?
Et si le peuple juif en devenant Territoire exclusivement perdait un peu de son mythe justement. Le mythe d’un peuple adaptable aux environnements. Un peuple qui ne se limite pas à une terre mais capable de les embrasser toutes. Un peuple capable de faire vivre sa culture dans l’intime, de l’exporter et de réussir la transmission dans le mouvement ?
Aujourd’hui j’entends des voix dites progressistes s’élever pour dénoncer le danger de dilution d’une partie de ce qui fait l’essence-même de la l’histoire juive : le dialogue entre des mondes, des cultures, des lieux, un état perpétuellement en mouvement, jamais vraiment installé. Une caractéristique du judaïsme asphyxiée par un processus de sédentarisation, d’installation définitive, d’assignation, par une recherche de pureté. Aujourd’hui des voix nous rappellent que l’intelligence en hébreu signifie « entre-deux », ou la capacité d’habiter des mondes simultanément, un nomadisme, mental ou géographique, l’idée qu’on est en chemin.
Il y a donc urgence à réhabiliter le Réseau, et puisqu’il n’est pas de cohabitation sans mythe, sans récit collectif, il y a aussi urgence à inventer une Histoire commune, appréhender l’histoire de ce territoire dans la continuité et non sous le seul prisme des ruptures. Car sans Histoire commune, pas de vivre-ensemble, forcément. Que dire d’un territoire où même les pèlerins se croisent dans l’indifférence, se revendiquant d’histoires parallèles… Dans une optique historique palimpseste, l’histoire de cette terre cesserait d’être une suite de destructions et de re-territorialisation. La diversité remplacerait enfin le perpétuel Grand remplacement. Une Histoire commune remplacerait toutes ces histoires qui s’excluent mutuellement. Les strates formeraient une com-pilation.
L’Histoire ne nous apprend-elle donc rien ? Quel pervers mécanisme a pu conduire un pays né suite à l’holocauste à construire à son tour un mur ? Reste qu’en arpentant le quartier de Newe Zedek, on saisit à quel point cette douloureuse Histoire a accouché d’un besoin de commémoration, d’appropriation, de marquage territorial. L’urgence, après avoir été chassé de partout, après avoir échappé à l’extermination, de crier à ce monde qu’on a désormais à lieu à soi…
Ici au cœur du Monde, la cohabitation Territoire – Réseau se fera ou ne se fera pas. Ici, au cœur du Monde, on a l’opportunité de tout inventer. Où d’autre que dans le foyer de la foi l’espérance est mieux permise ? Dans un pays où sont présentes les trois religions monothéistes pourrait s’épanouir une démocratie laboratoire de tolérance, d’acceptation de l’autre, un laboratoire exportable du vivre-ensemble. Aujourd’hui, le rêve est autant acte poétique que politique… Et l’espérance un totem. Car il n’y aura dans ce conflit pas de gagnant. Tout organisme vit du subtil équilibre entre intérieur et extérieur, toute communauté entre besoin de couver les siens et s’ouvrir aux autre. Mais tout organisme privé d’échange avec l’extérieur, en vase clos, est voué à mourir.
En attendant le cercle vicieux se réjouit. En attendant, dernièrement le Territoire gagne par k.o. En rentrant de mon pèlerinage je tombe sur un débat sur l’augmentation de l’antisémitisme en France. Qui serait pour partie une réponse à la colonisation. Un antisémitisme auquel répondent davantage d’alyah en Israël. + d’alyah = fatalement besoin de + d’espace = davantage de colonies = aussi un Territoire qui prend l’avantage sur le Réseau dans l’imaginaire juif = la solution d’une cohabitation à deux États-Nations qui s’amenuise = + de tensions et de transnationalisation de celles-ci = un processus fatal sans fin.
Ainsi, l’é(É)tat de ce Territoire influence la marche du monde en même temps qu’il est influencé par celle-ci. Ainsi cette Histoire nous concerne tous, sachant que tout ce qui germe ici se trans-nationalise partout. Cette Histoire-là me concerne moi aussi. Même si je suis ici pour rechercher avant tout ce qui nous unit. La foi, la curiosité pour d’autres contrées, un viscéral besoin de mobilité, une envie de comprendre Notre Histoire en visitant notre noyau commun.
Oui, on voudrait pouvoir se deviner, ensemble, au autre destin. Mais finalement, comme s’en console un ami palestinien, cette réalité-là ne constitue qu’une toute petite partie de l’Histoire, et, dans 1000 ans peut-être ne la mentionnera-t-on même pas…
Livre IX. Abraham ? the first Routard ;-)…
Tous les espoirs sont peut-être finalement permis… Car dans le coeur du monde, c’est quand même un Routard, un partisan du Réseau qui fait consensus… Abraham, le guide, le prophète en mouvement, un espoir de réconciliation…
… et à son image, l’Abraham Hostel, un micro-échantillon de cohabitation… et la meilleure des options pour rencontrer des opinions… Accoudée au bar ou devant un concert… Un soir tu refais le monde avec une archéologue londonienne qui vit la moitié de l’année à Tel Aviv et reste persuadée que l’avenir du monde va forcément dans le sens des mélanges et de la cohabitation. Après tout, elle vit à Londres… Ou Geoffroy, un jeune pro-Trump de Chicago fils de deux immigrés mexicains, partisan d’un idéologue « authentique et successful » davantage que d’une idéologie… et très fier de sa boutade « Oh because you don’t agree with Trump we can’t be friends then« . N’empêche, on a bien ri. On poursuit le dialogue Dieu merci. Moi tout encore trempée d’un déluge du cru, intense lui aussi, forcément. De retour au dortoir, tu veilles tard, occupée à refaire le monde avec des routards de tous âges et de tous horizons. Tu ne te prives d’aucune voix.
Mais ce micro-territoire fort heureusement ne constitue pas l’unique tentative de réconciliation 😉 Sur cette terre aride poussent des fruits dont on aurait pas osé rêver. Sur cette terre fertile germent quelques belles initiatives conjointes aussi, comme le village pilote de Neve Shalom et ses rejetons. Comme toutes ces initiatives de la société civile. Comme tous ces métissages culturels et artistiques, dont le Mekudeshet Festival de Jérusalem est une vibrante vitrine.
Livre X. A stomach like a giant pea
Lors de mon séjour, alors qu’une moitié de mes guides célébraient les 70 ans de la création de l’État d’Israël, l’autre pleurait la Nakba, le grand exode palestinien. Pas de communion possible dans pareilles circonstances ça s’entend. Mais pour autant, mes guides bienveillants sont-ils si différents ? Ai-je eu le sentiment de pactiser avec des frères ennemis ?
D’un côté on fuit une Jérusalem « too politic » où on ne met éventuellement les pieds que pour l’avoir vu une fois, de l’autre on s’y accroche par tous les poils, bien décidés à ne pas y renoncer, allant jusqu’à se jurer de « never give up on that place« . D’un côté on est persuadés que si les Gazaouis étaient appelés à revoter jamais ils ne referaient pareil choix, de l’autre on estime le courage de ses cousins qui sont un peu la fierté et la mauvaise conscience des Palestiniens. D’un côté on est assignés à Jérusalem-Est, de l’autre on se sent enfermés en Israël, ne sachant guère, except Tel Aviv, où aller ?
Au-delà de ça, ce qui lie le plus mes interlocuteurs c’est leur laïcité revendiquée. Une laïcité de résistance. Evoluant au cœur d’un conflit qui mêle enjeux territoriaux et religieux, et faisant porter au second les intentions du premier, ils ont été privés d’un bien précieux, la foi. Une foi qui permettrait d’adoucir la cohabitation… Cette foi qui permet d’espérer… autre chose, à l’instar d’un de mes guides, qu’un tremblement de terre ou un tsunami qui raserait tout et forcerait à tout reprendre dès le début… Ainsi leur résistance à la politisation de la religion les a punis de ce cadeau. Le territoire gagne-t-il décidément toujours par ko ?
Un conflit qui les aura peut-être détournés de la foi mais une incertitude qui aura révélé un bien résilient mantra ma foi, celui de vivre chaque jour intensément, parce que « you never know how it turns the day after« .
I don’t want to pretend
Sinon, des deux côtés on refuse de « pretend ». Mais alors que d’un côté on se dit « used to terror attacks« , de l’autre on ne peut se résigner à l’assignation, aux contrôles au faciès, à la peur de se voir retirer son permis de résident. Si du côté dominant la cohabitation consiste à se contenter de s’ignorer, de l’autre on mène une véritable lutte pour accepter les clauses de cette « cohabitation ». Mais ne pas « pretend« , n’est-ce pas souscrire ainsi et malgré soi à l’esprit de rupture ? N’est-ce pas se priver d’une alliance possible ? Pas de foi, pas d’espoir…
Mais qu’ils appellent ce territoire Israël ou Palestine, mes guides s’étaient donné pour mission de m’initier au meilleur houmous de La Terre ;-). Confirmant que s’il existe une seule vérité ancrée dans ce bas-monde, c’est que la nourriture rapproche les peuples. Dans le coeur du monde on fait certes consensus sur Abraham, mais sur le trio humus-pita-fallafel aussi… du coup ben au retour ton système digestif ressemble à un GIANT PEA. Oui dans le coeur du monde qu’on le veuille ou non on partage une culture commune. Et pour ce qui est de mes guides, à côté d’un refus de religiosité, un grand sens de la communauté, une importance donnée aux fondements d’une culture juive assumée, une âme arabe portée avec fierté, quelques bribes de Méditerranée, une plâtrée de houmous, bref les bases d’une culture orientale qui unit.
On s’en réjouit… mais que se passera-t-il le Jour du grand rassemblement, le 15 mai ? Une scission consommée ?
Livre dernier. Jesus Trail – Sur les traces de Jésus
Je délaisse pour un temps ce questionnement et le turnmoil géopolitique pour La Paix. Il est temps de m’accorder une respiration, un moment de sérénité. Temps d’atteindre cet instant de plénitude qu’on espère du paroxysme de tout voyage. Encore toute habitée par la ferveur du récent mariage religieux auquel j’ai assisté, j’entame mon pèlerinage.
Je laisse ici mes guides laïcs pour un nouvel ami plus concerné par les questions de spiritualité. Mon pèlerinage religieux, c’est en partie guidée par M., membre de la communauté évangélique strasbourgeoise que je vais l’effectuer. Ce chaudronnier mulhousien a choisi pour terre d’élection Strasbourg, cité internationale et ouverte. Capitale française de la communauté juive aussi. Qui dans une volonté de prolongement le conduira naturellement dans cette nouvelle terre d’élection, Israël. Où sa maman effectue un volontariat de deux ans dans un kibboutz, bénéficiant de la seule possibilité d’escale longue durée pour une non-juive dans le pays. Prolongement et lien avec sa propre religion aussi. La possibilité de lire les textes bibliques en hébreu. M. se rend régulièrement ici pour perfectionner une langue qu’il apprend à Strasbourg au sein d’un centre culturel et d’échanges juif qui lui a donné l’envie de faire plus ample connaissance avec un peuple auquelil voue une véritable admiration. Un peuple de volonté, qui va toujours de l’avant. Il n’en délaisse pour autant pas ses frères chrétiens d’Hébron et de Bethléem, les oubliés du conflit, qui quittent leur terre en masse, fuyant un quotidien devenu trop dur et incertain et auquel M. vient apporter son soutien.
Pèlerinage, épisode I. De la Via Dolorosa au Mont des Oliviers
Une dizaine de stations composent la Via Dolorosa, le chemin du Christ portant sa croix à travers le Vieux Jérusalem, de la porte des Lions via le quartier musulman jusqu’au Saint-Sépulcre.
Dans le Vieux Jérusalem, le recueillement est compromis par l’agression commerciale des rabatteurs et les convoitises dont on fait l’objet le long de la Via Dolorosa. Pour trouver la paix, il faut se réfugier dans une église ou s’élever, tout en haut du Mont des Oliviers, pour fouler les derniers lieux fréquentés par Jésus.
Pour la tradition juive, le Messie entrera dans Jérusalem par le Mont des Oliviers qui compte aussi le plus grand cimetière juif du monde. Pour le pèlerinage qui nous occupe, le Mont des Oliviers abrite entre autres le tombeau de Marie, le jardin de Gethsémani, la basilique de l’Agonie ou église de « Toutes-les-Nations », enfin l’église de l’Ascension, d’où Jésus serait monté au paradis, désormais mosquée du village arabe d’A-Tur.
Pèlerinage, épisode II. En Galilée sur les traces de Jésus
Le pèlerinage se poursuit en Galilée, dans cette terre où chaque action de Jésus est marquée territorialement par un lieu de culte, de commémoration. Ici la Bible fait office de GPS et les cours de catéchisme de mon enfance défilent en live, sous mes yeux !!! Beaucoup d’émotions et l’impression de rentrer dans le Livre.
Un pèlerinage au nombreuses escales via Nazareth, plus grande ville arabe du pays, Église Saint-Joseph, Basilique de l’Annonciation, Mont du Précipice, Mont Tabor, Plaine de l’Armageddon, Tabgha, Église de la Multiplication, Mont des Béatitudes, …
… Autour du lac de Tibériade, à Capharnaüm, où Jésus vécut avec ses pécheurs, avec une petite « escale » géopolitique et un retour à la réalité le long du plateau du Golan, toute proche d’une Syrie à feu et à sang… Avant de poursuivre un Yardenit pour un baptême dans le Jourdain. Et rentrer via Jéricho et la Vallée de « l’Or ».
Epilogue. The Good Tourist. In exil (?).
La peur peut aussi être un moteur. Ainsi sans la secousse à l’aéroport mon séjour aurait été tout différent. Je me serais sûrement contentée selon le plan initial de m’ancrer à Jérusalem pour y prendre le pouls de sa cohabitation. J’ai finalement traversé le pays en long en large et en travers, run everywhere to get pictures to show and play « the good tourist ». Je n’ai pas ménagé mon énergie. Mobilité, mobilisée ! Saw so many places. Usually never travel this way. I made my Homework, did what was excepted from me… Et débarqué au check-in du retour avec plein de pictures de la parfaite touriste à montrer, toute trace du mur, de Cisjordanie et de mes guides palestiniens soigneusement effacées. Ben oui cette fois-ci j’étais préparée. Du coup interrogatoire moins musclé qu’à l’aller. Me suis même payée l’audace de plaisanter lorsqu’on m’a demandé ceci : « Do you have any connections in United Emirates ? » Euh, comment te dire, si j’ai voyagé avec Emirates à plusieurs reprises c’est juste que Emirates Airlines = a cheap company… Bref, I did a good job apparently.
Mais si cette expérience initiale aura intensifié exponentiellement mon expérience, elle aura aussi eu comme effet secondaire un peu surprenant un soupçon de… paranoïa. J’avoue qu’il m’est arrivé a posteriori d’une de ces nombreuses rencontres impromptues que permettent la chaleur et le sens de l’accueil des Israéliens de m’interroger sur la part de hasard d’avoir croisé un/e tel/le sur mon chemin. Doute accentué lorsque j’appris plus tard que dans les vols de la compagnie d’État quelques agents en civil étaient disséminés. Moi j’étais placée à côté de Ben, back home après avoir fui trois ans en Europe après l’armée. On a immédiatement sympathisé, il m’a guidée, conseillée les terres où aller et à éviter, sa famille m’a gentiment invitée… A la gare idem suis de suite tombée sur un monsieur qui m’a prise en charge et guidée. Tout au long du séjour je ferai des rencontres fort avides de connaître mon itinéraire et mes impressions.
Je rentre complètement vidée et si pleine de toute cette intensité, de ces rencontres, ces paysages, de toute cette complexité. Et un peu nostalgique aussi. Car j’ai si peu vu, si peu compris. Contrairement aux agents de sécurité dix jours c’est rien, nada, nothing. J’aimerais retourner ne serait-ce que pour étudier la composition de cette si passionnante nation, constituée d’ajouts de toutes cultures, de toutes géographies, courants religieux, degrés de religiosité, vagues d’arrivées… Aller au Sud, nager dans la quatrième mer, me perdre dans le désert, monter dans la cité de Napoléon, sillonner la Cisjordanie. Comprendre l’esprit du kibboutz aussi, là où le désert a été vaincu, la graine a pris, l’autosuffisance maraîchère s’est jouée. Là où un peuple s’est crée et un sentiment de fierté nationale dessiné. En fait, rien que pour creuser Jérusalem il me faudrait une vie…
Oui mais voilà pour moi pour l’instant le voyage s’arrête là. Âme trop sensible. Esprit trop critique. Convictions en porte-à-faux avec la dynamique politique. Projet d’aller à Beyrouth aussi. Le tampon de trop assurément. Et Dieu sait si ça me rend triste, car Dieu sait à quel point j’ai adoré ce lieu. Mais c’est pipé. Mal à l’aise d’être embullée. Imaginez qu’à aucun moment du séjour je n’ai entendu d’échos sur les événements à Gaza dans l’actualité. Imaginez qu’au retour notre avion a été escorté par un char d’assaut…
Ce voyage m’aura fait buté contre la limite de la position du bâtard aussi. Territoire too sensitive. Sans cesse marcher sur des œufs, sans cesse être intimé à se prononcer, pas besoin mais quand même si tu pouvais prendre parti…. Sans cesse ménager. Culpabiliser de son ouverture, avoir le sentiment de betray de ne pas choisir UN camp, de ne pas s’engager. Trop bisounours pour la guerre ? Non mais je m’attendais à quoi ! A une ptite promenade d’harmonie ? Terre trop chargée, trop divisée, trop en lutte, où il faut trop lutter. On chill peut-être dans quelques bulles, mais sans les Arabes il va de soi… Et puis il y a les photos qu’on brandit mais come on, il y a tout ce qu’on ne montre pas. Les gardiens du temple poussent à se cacher, à mentir. Poussent les gens à s’ignorer, à s’enfermer, à être enfermés, à enfermer. Une position intenable à long terme. Quelle société pour demain ? Quelle sécurité ? Quels soutiens ?
Ouais, dommage pour moi qui ai justement rarement été aussi ouverte que pendant ce pèlerinage. Prise d’une énergie folle, d’une envie irrépressible d’échanger, de communier. Mais entre les commentaires l’air de rien de l’un, surpris qu’il n’y ait mot sur le conflit dans mon guide et avide de connaître la position des Occidentaux, allant jusqu’à faire un parallèle avec la position neutre de ma contrée durant les plus sombres heures de l’Histoire. Entre la déception d’un autre face à mon envie de m’adonner à d’autres projets que le copieux menu politique qu’il avait imaginé pour moi. Entre ces guides qui d’emblée annoncent la couleur, Aucune question sur la situation politique please,…
On est fatigués de pretend all the time, pretend la légèreté, jouer au « Suisse », se contenter de superficialité. Trop de tabous. Si peu d’authenticité. Pas d’échappatoire. La moindre parole pouvant être interprétée comme partisane du « mauvais » côté. Épuisés à force de marcher sur des œufs. Déjà tu dis quoi ? Je suis allée en Israël ou en Palestine ? Parce qu’on te LE demande… Ca commence déjà là. Et au retour ça ne s’arrête pas, ou quand le conflit israélo-palestinien s’invite dans nos amitiés genevoises… lorsque tu balises quand tu réalises que tu as acheté en toute innocence un body « Your auntie went to Israël » à ton filleul…
Malaise et violence aussi. Violence de la guerre. Violence des agents d’État lorsqu’ils te soupçonnent d’être un ennemi, pouvoir de créer une bulle enchantée pour les élus, un cauchemar pour les non grata. Pouvoir de faire de même avec la vie de chaque citoyen… Et j’avoue que malgré le chaleureux accueil partout reçu, durant le séjour la peur de m’aura jamais vraiment quittée. L’épisode de l’aéroport est resté difficile à digérer.
Pas particulièrement fascinée par la guerre. Trop de charge, trop de sécurité. Profil qui ne cadre pas dans le territorialisme. Alors j’abdique. Et prie pour un jour pouvoir à nouveau pèleriner à Jérusalem. Et pour que cette terre qui est notre berceau ne soit pas aussi notre futur. Pour que cette blessure cesse de se transnationaliser. Que ce mode de décohabitation ne se glocalise pas.
Update
Depuis ce séjour, la grande marche du retour a été muselée. Le fameux rendez-vous du 15 mai n’en fut pas un. Heureusement la diaspora palestinienne peut encore s’imposer comme un porte-voix. En France, il y a quelques jours, c’est une autre marche, pour dénoncer l’augmentation de l’antisémitisme celle-ci, qui n’a pas rencontré le soutien espéré… Le gouvernement israélien de son côté a reconnu l’été dernier le caractère juif de la nation.
Le voyage continue – Quelques voix
Jérusalem. Histoire d’une ville-monde, des origines à nos jours.Avec la collaboration de : Katell Berthelot, Julien Loiseau, Yann Potin / Ed. sous la direction de : Vincent Lemire. 10.2016
Jérusalem n’est pas un champ clos sur lequel se rejouerait depuis des millénaires le «choc des civilisations», la guerre des identités religieuses ou nationales. En se tenant à distance de ces catégories douteuses pour raconter la longue histoire urbaine de Jérusalem des origines à nos jours, en restant attentif à l’esprit des lieux autant qu’aux cassures du temps, on découvre au contraire une ville-monde ouverte aux quatre vents, le berceau commun dans lequel se sont inventés tour à tour le judaïsme, le christianisme et l’islam, et dont les lieux saints emblématiques reflètent autant les échanges et les influences réciproques que les conflits et les confrontations.(…) Une lecture indispensable pour comprendre pourquoi le monde s’est donné rendez-vous à Jérusalem.
Jérusalem, Biographie. Simon Sebag Montefiore, Calmann-Lévy, 2011, 672 p
L’histoire de Jérusalem est l’histoire du monde. Jérusalem est la ville universelle, la capitale de deux peuples, le lieu saint de trois religions. Du roi David à Ben Gourion, de la naissance du judaïsme, du christianisme et de l’islam au conflit israélo-palestinien, voici l’histoire de Jérusalem, la cité universelle : trois mille ans de foi et de fanatisme, de conquête et d’occupation, de guerre et de coexistence entre diverses croyances.
Foxtrot. Film de Samuel Maoz, ISR, 2018
« Michael et Dafna, mariés depuis 30 ans, mènent une vie heureuse à Tel Aviv. Leur fils aîné Yonatan effectue son service militaire sur un poste frontière, en plein désert. Un matin, des soldats sonnent à la porte du foyer familial. Le choc de l’annonce va réveiller chez Michael une blessure profonde, enfouie depuis toujours. Le couple est bouleversé. Les masques tombent. »
Foxtrot montre l’absurdité et l’effet réel dans la ville réelle de citoyens réels de cette guerre. Entre burlesque et drame. Des citoyens impliqués malgré eux dans un jeu armé qui les dépasse. Une société qui perd le contrôle de son destin, animée par quelque chose de plus fort qu’elle. Une rage contenue qui explose. Une rébellion étiquetée de psychose. Un film lauréat de nombreuses récompenses, et une « honte » de salir ainsi l’image de l’armée pour la ministre israélienne de la culture.
A l’Ouest du Jourdain. Documentaire d’Amos Gitai, ISR, 2017
West of the Jordan River décrit les efforts des citoyens, des Israéliens et des Palestiniens, qui tentent de surmonter les conséquences de l’occupation. Le film de Gitai montre les liens humains tissés par les militaires, les militants des droits de l’homme, les journalistes, les mères qui pleurent et même les colons juifs. Face à l’échec de la politique dans la résolution de l’occupation, ces hommes et ces femmes se lèvent et agissent au nom de leur conscience civique. Cette énergie humaine est une proposition pour un changement qui se fait attendre. [Communiqué de presse]
Wajib– L’invitation au mariage. Film de Annemarie Jacir, Palestine, 2017
Shadi, installé à Rome, revient à Nazareth pour aider à la préparation du mariage de sa sœur Amal. Avec son père, il va délivrer en mains propres les invitations à tous ceux dont ils espèrent la présence. Road-movie urbain, mêlant humour et drame, Wajib prend prétexte des tensions entre le père et le fils pour évoquer la situation des Palestiniens d’Israël. Lien
Palestine : Filmer C’est Exister (PFC’E) a été créé en 2012 avec l’idée de donner la place au regard, à la créativité, à l’humour, aux convictions et aux espoirs des cinéastes palestinien.ne.s, et aux échanges avec le public.
Symboliquement, notre 1ère édition s’était ouverte le 29 novembre, Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien, qui commémore le vote en 1947 de la partition de la Palestine, puis la création de l’Etat d’Israël en 1948. C’est à nouveau le cas pour cette 7ème édition.
1948-2018: Les Palestinien.ne.s ne cessent de résister face aux dépossessions et aux déplacements forcés. La Nakba (la catastrophe) s’est déclinée et se décline jusqu’à aujourd’hui en une avalanche de Nakba. La 7ème édition de PFC’E offre des regards de cinéastes palestinien.ne.s sur ces 70 ans d’histoire mouvementée.
Les Rencontres cinématographiques PFC’E proposent cette année des films de cinéastes palestinien.ne.s qui, d’une part, évoquent les évènements de la Nakba et, d’autre part, abordent toutes les catastrophes qui se sont enchaînées depuis 1948. Ces différents regards portés par le cinéma nous permettent de tisser une continuité entre des situations historiques différentes, tout en établissant un pont entre le passé et le présent.
Plus précisément, l’édition 2018 nous fait découvrir plusieurs nouveaux longs-métrages dont Broken, documentaire sur la décision de la Cour Internationale de Justice relative au Mur, qui ouvre les Rencontres, Inner Mapping, road movie du GPS en Palestine à l’épreuve de l’occupation, The Truth: Lost at Sea, témoignages en direct de l’assaut tragique de la « flottille de la liberté » qui se rendait à Gaza en 2010, film réalisé par Rifat Audeh, qui faisait partie de la flottille.
La question des réfugiés et du droit au retour sont traités à travers Les Dupes, (1972) du réalisateur égyptien Tawfiq Saleh – adapté de l’œuvre « Des Hommes sous le soleil » (1963) de Ghassan Kanafani. Citons aussi Zinco, chronique sur la transformation des camps de tentes en béton en Jordanie, et Ours is a Country of Words, une plongée dans l’imaginaire des habitants du camp de Chatila au Liban qui se projettent dans un retour rêvé en Palestine. As the Poet Said rend hommage au grand poète palestinien Mahmoud Darwich, film de Nasri Hajjaj. Lien PalestineFCE
Exil, enquête sur un mythe. Documentaire de Ilan Ziv, 2012, 1h37
Le récit de l’exil des Juifs, après la destruction du Temple de Jérusalem par les Romains, est un épisode déterminant pour la théologie juive mais aussi pour l’histoire de l’Europe et du Moyen-Orient. Archéologues et historiens enquêtent en Galilée, à Jérusalem et à Rome pour tenter de démêler le mythe de la réalité historique. Ils montrent que la diaspora juive existait déjà depuis longtemps tout autour de la Méditerranée.
Secrets d’Histoire – Un homme nommé Jésus. France 2, diffusion mai 2018
Direction la Galilée sur les traces de Jésus. Sur les rives du Lac de Tibériade, dans les déserts de Judée et sur les bords de la mer Morte, Stéphane Bern retrace sa vie terrestre. A l’aide de reportages, d’images et d’interventions de spécialistes pour mettre en lumière le parcours de cette personnalité, retour sur une succession de faits indiscutables, de sa naissance à Nazareth jusqu’à sa crucifixion sous Ponce Pilate. Mais il reste de nombreux mystères, secrets et miracles autour de la vie de Jésus et de la naissance d’une religion comptant aujourd’hui deux milliards de fidèles dans le monde. Mystiques, scientifiques et historiens ne sont pas d’accord sur l’homme. L’Histoire le montre davantage tourmenté, tendre et coléreux. Des découvertes d’archéologues et d’historiens donnent de nouveaux éléments.
Les 70 ans d’Israël : les bougies du désenchantement (1/4) Socialisme kibboutznik et vanité israélienne.LSD, France Culture, 14.05.2018
Holy Lands. Film d’Amanda Sthers, 2019, 1h30
Harry, juif apostat et cardiologue à la retraite, originaire de New York, décide soudainement d’aller s’établir comme éleveur de porcs à Nazareth, en Israël. Une décision mal vécue par les locaux comme par sa propre famille. Restée à New York, après s’être découvert un cancer, son ex-femme Monica tente de gérer la vie de leurs grands enfants Annabelle et David, et revisite son histoire d’amour avec Harry. Contre toute attente, c’est auprès du Rabbin Moshe Cattan, qu’Harry va accepter d’affronter la vie et son issue.
Visite guidée synagogue Genève
L’Ours qui cache la forêt. Roman de Rachel Shalita, l’Antilope, 2019
Nancy, la thérapeute désormais seule ; Daffy, la petite fille malheureuse depuis que son papa a quitté la maison et a refait sa vie en Israël ; Ruth, l’Israélienne endeuillée qui se demande ce qui la retient en Amérique ; Mili, la maman qui cherche à protéger son petit garçon pas comme les autres. En apparaissant petit à petit, les liens entre toutes ces femmes vont révéler une facette de notre époque, faite d’exils. Après Comme deux sœurs, Rachel Shalita confirme ses talents de conteuse. Lien éditeur
Amos Oz. Ecrivain israélien et cofondateur du mouvement La Paix « La Paix maintenant », mouvement opposé à la colonisation dans les Territoires palestiniens et prônant la réconciliation israélo-arabe. Décédé le 28 décembre 2018
Yael Miller. Chanteuse israélo-genevoise
Originaire de Tel Aviv, Genevoise d’adoption, flirtant avec les frontières de l’indie pop-rock et de la musique minimale, avec des textes poétiques en anglais, en français et en hébreu.
J’apprends l’hébreu.Roman de Denis Lachaud, Actes Sud, 2011
Un adolescent français, fragilisé par une enfance vécue au rythme des mutations professionnelles de son père, développe peu à peu de graves problèmes de communication. A dix-sept ans, Frédéric a perdu le sens de la phrase, seuls les mots lui parviennent, séparément. Après Paris, Oslo et Berlin, c’est en Israël qu’il doit suivre aujourd’hui sa famille. Comme chaque destination inconnue, Tel-Aviv s’impose tout d’abord à lui comme un espace angoissant – qu’il faudra apprivoiser. Mais lorsque Frédéric découvre que l’hébreu est illisible non seulement pour lui mais pour tous les étrangers, que cette langue se lit dans l’autre sens, et que son apprentissage pourrait augurer d’un véritable recommencement, ce pays réveille en lui l’espoir de trouver une place dans le monde. Rassuré, il part muni d’un dictaphone à la rencontre des habitants de Tel-Aviv, pour les interroger sur leur histoire et leur relation à cet Etat fait de contradictions et d’espérances. Considérant plus que jamais le territoire comme le fondement de toute identité, Frédéric donne à ce pays choisi par tant d’individualités et de trajectoires conjuguées une résonance extraordinaire. Lien Actes Sud
Synonymous. Film de Navad Lapid, ISR, 2019, Ours d’Or Berlinale
Yoav, un jeune Israélien, atterrit à Paris, avec l’espoir que la France et le français le sauveront de la folie de son pays.
Pâquis, Jonction, Grottes, PAV et rue des Étuves : la gazette locale est allée interroger des habitants de quartiers populaires de la cité afin de mieux saisir leur mutation. Le résultat est à découvrir en cinq épisodes dans un podcast intitulé « Des bobos dans mon quartier« .
Image Tribune de Genève
Galeries d’art et Coffee shops trendy à la Rue des Bains, lutte pour terrasses-sur-lac et loyers hors de prix aux Pâquis, métamorphose éclair des pizzerias des Eaux-Vives en bars à cocktails et poke shops Shakespeare friendly, nouveau centre urbain dans le quartier industriel du PAV, marché et commerces alternatifs aux Grottes, Green & Local Wave un peu partout… La gentrification touche toutes les Villes-Monde. Tout comme ses grandes soeurs, Genève change elle aussi…
La gentrification frappe moins à Genève qu’à Londres ou Berlin.
Une mutation toutefois à relativiser selon la TDG (cf. article Bobos en ville, bobo à l’âme des quartiers ? du 1er décembre 2018). Le changement de l’offre commerciale et culturelle ne signifie par forcément un embourgeoisement sensible et un changement mesurable du profil socio-économique de la population. Si la ville est moins homogène en terme de loyers que par le passé, quelques garde-fous permettraient aux quartiers populaires du centre-ville de ne point s’embourgeoiser trop radicalement (offre d’appartements à vendre limitée, absence de quartiers abandonnés à réhabiliter, protection du droit du bail, loi sur les démolitions).
« Ils auraient pu rester sur place, à tourner en rond, en attendant des jours meilleurs. Ils ont préféré investir leurs derniers dollars et toute leur énergie dans l’aménagement d’un van, et les voilà partis. Ils sont devenus des migrants en étrange pays, dans leur pays lui-même, l’Amérique dont le rêve a tourné au cauchemar. »
Par Jessica Bruder, 2019, 320 pages
« Parfois, ils se reposent dans un paysage sublime ou se rassemblent pour un vide-greniers géant ou une nuit de fête dans le désert. Mais le plus souvent, ils foncent là où l’on embauche les seniors compétents et dociles : entrepôts Amazon, parcs d’attractions, campings… Parfois, ils s’y épuisent et s’y brisent. » Lien Editions Globe
« La loi sur la laïcité de l’Etat s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de la nouvelle constitution genevoise, dont l’article 3 pose le principe de la neutralité religieuse de l’Etat, principe auquel sont tenues les autorités tant cantonales que communales, et elle prévoit que l’Etat entretient des relations avec les communautés religieuses. La loi définit les notions de laïcité de l’Etat et d’organisations religieuses, et elle fixe notamment le cadre des relations entre l’Etat et lesdites organisations religieuses, en particulier s’agissant de la perception de la contribution religieuse volontaire et de l’accompagnement philosophique, spirituel ou religieux dans les établissements publics de soins, médico-sociaux, pour personnes en situation de handicap ou de privation de liberté. La loi permet aussi à l’Etat de soutenir des actions favorisant le dialogue interreligieux et la paix religieuse. Enfin, elle pose certaines limites à l’expression religieuse dans l’espace public, les administrations et les établissements publics. »Lien brochure ge.ch
Créer des problèmes où il n’y en a pas ?
Laïcité oui laïcisme insipide fade et clivant non merci !
Ma cité étant plus pragmatique que friande de division stérile, ça devrait bien se passer…
« Collaboration inédite entre communautés juive et musulmane à Genève. » « Un jumelage inédit entre mosquées et synagogues ». « Genève : Un juif et un musulman s’inspirent d’une initiative new-yorkaise et lancent des projets communs pour faire évoluer les mentalités. » Tribune de Genève, 10.12.2018.
« Les touristes du Golfe affluent autour de la Rade. » « Genève : La recrudescence des visiteurs du Moyen-Orient ravit les hôteliers et commerçants du centre-ville. Les différences culturelles obligent les vendeurs à faire preuve de compréhension. » Tribune de Genève, 05.08.2015.
« Les quotas de travailleurs extra-européens sont bientôt à sec« . « Immigration. Inquiets pour leur attractivité, Genève, Zurich et Bâle-Ville plaident pour une hausse des contingents. » Tribune de Genève, 30.08.2017.
« Papyrus a fait de 1093 sans-papiers des Genevois comme les autres. » « Régularisations : Le bilan à mi-parcours de l’opération lancée il y a un an est positif pour Pierre Maudet, lutte contre le travail au noir comprise. » Tribune de Genève, 20.02.2018.
« La communauté juive a convié les Genevois a fêté la lumière au Molard« . « Festivités : Une célébration publique de Hanoukka a illuminé hier soir le centre-ville. » Tribune de Genève, 27.12.2016.
« Beer : « Il n’y a pas de problème de voile à l’école« . Polémique : Le chef de l’Instruction publique critique avec virulence la proposition d’interdire le voile en classe. » Tribune de Genève, 15.07.2013
Dans un autre monde, on nous avait annoncé la fin de l’Histoire, là-dessus on ne reviendra même plus… On nous avait prédit celle de la Géographie aussi !!! alors qu’elle est tellement tendance. Identité territoriale, fracture territoriale, centre & périphéries, redécoupage territorial, urbanité, racines, origine, appartenance, migrations, mondialisme …
« Je suis de mon enfance comme d’un pays » Antoine de Saint-Exupéry
Retour à Reims, à Forbach, à Yvetot ou en Occitanie… Toute quête initiatique est géographique. Liée aux lieux, au mouvement. Un parcours géographique dont la finalité est la recherche d’un subtil équilibre entre mouvement et ancrage. Pour in fine (ré)concilier ses identités. Pour les embrasser toutes. Maison-racines refuge et maison-monde émancipation. On s’en va, on revient, on cumule les identités. Sans complexes et sans contradiction. Un voyage pour s’apaiser, un voyage pour que nos lieux, in fine, nous façonnent mais ne nous déterminent plus. Il n’est point de lieu complet. Le lieu total est une utopie. Composons, bricolons, circulons, trans-nationalisons, trans-régionalisons, créons des ponts. Réconcilions.
Annie Ernaux – De Normandie à Cergy, « ville nouvelle »
« J’ai toujours pensé que c’était au fond la ville où je devais arriver un jour. Parce qu’il n’y avait plus le poids des héritages sociaux. Vous voyez les villes traditionnelles vous avez le médecin vous avez tous les notables vous avez machin qui vous a connue qui a connu vos parents et on vous situe, on vous place. Et ici justement tout le monde à un moment, arrive. » 21CM, Canal +, 24.10.2019
Lady Bird – De Sacramento à New York « Fly away home »
« A California high school student plans to escape from her family and small town by going to college in New York. » Site du film
Faut que je quitte Sacramento (…) parce que cette ville me tue. C’est le Midwest de la Californie.
Y’a pas un truc qui dit « Penser mondial agir local » ? … Je crois que la personne qui a dit ça ne vivait pas à Sacramento !
Salut maman et papa, c’est moi, Christine. C’est le prénom que vous m’avez donné. Et il est très bien. Dis, maman, est-ce que tu as été émue la première fois que tu as roulé en voiture dans Sacramento ? Moi oui et je voulais tle dire mais, on se parlait pas quand c’est arrivé. Tous ces virages que je prenais depuis toute petite, ces magasins et … tout quoi. J’avais envie de te le dire. Je t’aime très fort. Je voulais te dire merci. Merci c’est tout.
Retour à Reims – Retrouvailles
« Le metteur en scène berlinois Thomas Ostermeier cree en français Retour à Reims adapté du célèbre essai du sociologue Didier Eribon.
« Le metteur en scène berlinois Thomas Ostermeier cree en français Retour à Reims adapté du célèbre essai du sociologue Didier Eribon.
Dans son livre, le sociologue français mêle confessions et analyse sociologique pour réfléchir ses retrouvailles avec sa ville natale et sa famille, après la mort de son père qu’il ne souhaitait plus voir, et sa découverte que ce n’était pas seulement son homosexualité qui avait déterminé sa fuite et sa vie mais aussi la classe sociale ouvrière dont il est issu. Cette confrontation avec son propre passé le conduit à réfléchir à cette double honte, sociale et sexuelle, et à travers elle aux angles morts de la société d’aujourd’hui: les mécanismes d’exclusion et la violence inhérente à la réalité d’une classe ouvrière auparavant communiste qui, oubliée par la gauche et privée de ses droits, a rejoint la droite populiste et le Front national qui seuls lui offrent encore une visibilité. Comment les choses sont-elles arrivées là ? Quelle est la responsabilité de la gauche ? Aurait-elle, comme l’intellectuel Eribon lui-même, renoncé à son passé ? Qui défend encore aujourd’hui le projet humaniste et progressiste ? Où et comment ont disparu les représentations de la classe ouvrière ? Et quelles sont les solutions ? Eribon poursuit ces questions dans ce film, partant à la recherche d’indices auprès de sa mère à Reims.
Au fur et à mesure du doublage du film, réalisateur, actrice et technicien sont renvoyé·e·s par le texte d’Eribon à leurs propres choix, à leur responsabilité d’artistes, à leur statut social comme à leur histoire personnelle. » Dossier de presse Théâtre de Vidy
Retour à Forbach
« Régis Sauder revient dans le pavillon de son enfance à Forbach. Il y a 30 ans, il a fui cette ville pour se construire contre la violence et dans la honte de son milieu. Entre démons de l’extrémisme et déterminisme social, comment vivent ceux qui sont restés ? Ensemble, ils tissent mémoires individuelles et collectives pour interroger l’avenir à l’heure où la peur semble plus forte que jamais. » Lien
Alto Braco – Retour en Occitanie
« Alto braco, «haut lieu» en occitan, l’ancien nom du plateau de l’Aubrac. Un nom mystérieux et âpre, à l’image des paysages que Brune traverse en venant y enterrer Douce, sa grand-mère. Du berceau familial, un petit village de l’Aveyron battu par les vents, elle ne reconnaît rien, ou a tout oublié. Après la mort de sa mère, elle a grandi à Paris, au-dessus du Catulle, le bistrot tenu par Douce et sa sœur Granita. Dures à la tâche, aimantes, fantasques, les deux femmes lui ont transmis le sens de l’humour et l’art d’esquiver le passé. Mais à mesure que Brune découvre ce pays d’élevage, à la fois ancestral et ultra-moderne, la vérité des origines affleure, et avec elle un sentiment qui ressemble à l’envie d’appartenance. Vanessa Bamberger signe ici un roman sensible sur le lien à la terre, la transmission et les secrets à l’œuvre dans nos vies. » Lien éditeur
Retour aux Sources
« Des Suissesses et des Suisses partent dans leur pays d’origine sur les traces de leur passé«
Même génération, même sensibilité mondialisée, même passion pour les paysages urbains glocalisés, même obsession de la variation sur un thème, même importance donnée aux allers-retours vers une image d’enfance. Lassés du gris de janvier ? Plongez-vous sans modération dans cette poétique urbaine & lacustre, baignez-vous dans la lumière d’un sentiment de l’été…
Film de Mikhaël Hers, 2016, 1h47
« Comme dans mes films précédents, je suis parti des lieux pour écrire. Berlin, Paris et New-York sont trois villes qui me sont chères, avec lesquelles j’entretiens un rapport affectif très fort. Filmer est toujours l’occasion de réinvestir un lieu que j’ai aimé, comme pour y prolonger une époque et ne pas la quitter définitivement. Je pense que l’on peut aussi faire du cinéma ou écrire pour lutter contre le passage du temps, créer un semblant d’éternité, avec tout ce que cela peut avoir d’illusoire.
On peut éprouver une sensation de ressemblance entre les différents lieux dans le film. Pour les appartements, c’est sans doute à cause de la lumière estivale, qui les noie un peu. Concernant les extérieurs, cela doit venir du fait que je filme souvent des aspects semblables quelle que soit la ville. Je suis en quête du même paysage, perpétuellement. Probablement le paysage de mon enfance, qui mêle des environnements boisés avec des choses plus urbaines, que je traque un peu partout. En cela, Annecy a peut-être une place particulière, en décalage. C’est un peu le poumon, le refuge, l’ancrage, sans doute le rapport à l’enfance aussi. »
Ce sentiment de l’été, Mikhaël Hers, notes sur le film
Ma cité, mecque des festivals de films indépendants : GIFF, FILMAR, FIFDH… Ces dix prochains jours, c’est le Black Movie qui nous régale avec sa programmation éclectique, ses nombreuses sections, événements et autres débats. Petite sélection anglée, forcément…
Un maçon chinois déplaçant du sable pour agrandir le territoire de Singapour (A Land Imagined), un jeune Syrien réfugié dans un ancien aéroport allemand (Central Airport THF), des Égyptiens rêvant d’exil européen (Poisonous Roses), un vacher russe phagocyté par la ville et ses faux-semblants (Head. Two Ears), un prostitué captif de sa culture homophobe au Guatemala (José) ou encore des Africains de l’Ouest qui transforment le poisson en farine en Casamance (Poisson d’or, poisson africain), autant de parcours singuliers et courageux d’une poignée d’individus en route pour trouver des conditions de vie plus favorables. Lien Black Movie
ESPRIT DE FAMILLE
Que ce soit un ensemble de générations ou de personnes unies par un lien de parenté ou par une alliance, ou encore un ensemble d’individus ayant des caractères communs, la famille constitue le fondement de toute société. Famille d’élection formée de quatre individus brisés en quête d’ avenir dans une Chine aliénante, (An Elephant Sitting Still), famille nombreuse élevée sans tendresse dans la collectivité d’un kibboutz (Elish’s Notebooks), fratrie se démenant avec les affres d’une économie moribonde (Entre dos aguas), famille monoparentale en lutte avec les inégalités de la société nord-américaine (Life and Nothing More), père disparu au Gabon depuis vingt ans (Rencontrer mon père) ou enfin très vieux couple dans un appartement sans lumière de Beyrouth (The Swing), aucune des familles présentées dans les films de cette section n’est paisible ou harmonieuse mais elles sont ô combien cinématographiques. Familles, je vous hais !
LA QUINZAINE VUE PAR EDOUARD WAINTROP
Délégué talentueux de la très prestigieuse Quinzaine des Réalisateurs de Cannes pendant sept éditions et directeur des Cinémas du Grütli, Edouard Waintrop a contribué avec générosité et inventivité à redessiner la carte mondiale du cinéma d’auteur. Pour cette édition anniversaire il a concocté un programme composé des films qu’il a préférés parmi tous ceux qu’il a programmés. Choix éclectique comprenant un polar indien (Gangs of Wasseypur), une autobiographie imaginaire chilienne (La danza de la realidad), un trip amazonien à la Joseph Conrad (El abrazo de la serpiente), un conte animé japonais (Le conte de la princesse Kaguya), un chef-d’œuvre d’humour noir sud-coréen (Hard Day) et la reconstitution d’une traque argentine (Neruda). Que du lourd !
Abdellatif Kechiche, tortionnaire de génie, de l’esthétisme, du naturalisme, de la lumière, de la sensualité, de la subtilité des interactions. J’avoue y être allée avec un brin d’appréhension, tant le réalisateur d’ordinaire ne nous épargne pas. Mais pas cette fois…
Film d’Abdellatif Kechiche, France, 2017
« Sète, 1994. Amin, apprenti scénariste installé à Paris, retourne un été dans sa ville natale, pour retrouver famille et amis d’enfance. Accompagné de son cousin Tony et de sa meilleure amie Ophélie, Amin passe son temps entre le restaurant de spécialités tunisiennes tenu par ses parents, les bars de quartier, et la plage fréquentée par les filles en vacances. Fasciné par les nombreuses figures féminines qui l’entourent, Amin reste en retrait et contemple ces sirènes de l’été, contrairement à son cousin qui se jette dans l’ivresse des corps. Mais quand vient le temps d’aimer, seul le destin – le mektoub – peut décider. »
Cette fois-ci Kechiche nous convie dans un tableau solaire de trois heures dans lequel Amin, l’autre réalisateur auquel Kechiche a confié ses yeux, nous promène. Trois heures dans un portrait méditerranéen, trois heures d’été que j’ai pris un langoureux plaisir à étaler sur une journée d’hiver ensoleillée. Trois heures dans un Sète des années 90′, trois heures à être caressés, régalés avec une Méditerranée comme on l’a rêvée et que ma génération aura connue le temps d’une bonne décennie, au moins (l’incandescence paroxysmique en moins ;-)). Trois heures au bord de ces eaux-là c’est certes bien court mais c’est bien mieux que rien. Au dernier plan me voilà bouleversée, au générique rêveuse. Et pas éprouvée…
« Une affaire de famille » fait parti de ces films qui continuent d’infuser lentement après la séance et distillent pour longtemps leurs effets. Sur le moment je me suis laissée porter par un moment de cinéma, une histoire, une mise en scène, une poésie mais ensuite…
Palme d’Or 2018 de Hirokazu Kore-eda, JAP
« Au retour d’une nouvelle expédition de vol à l’étalage, Osamu et son fils recueillent dans la rue une petite fille qui semble livrée à elle-même. D’abord réticente à l’idée d’abriter l’enfant pour la nuit, la femme d’Osamu accepte de s’occuper d’elle lorsqu’elle comprend que ses parents la maltraitent. En dépit de leur pauvreté, survivant de petites rapines qui complètent leurs maigres salaires, les membres de cette famille semblent vivre heureux – jusqu’à ce qu’un incident révèle brutalement leurs plus terribles secrets… » Site Le Pacte
… ces questions ont commencé à m’obséder :
C’est quoi une famille ? Est-on libres de la choisir ?
Pouvons-nous être contraints d’appartenir à une famille ? Assignés à une communauté ? Et si l’assignation identitaire commençait avec la plus basique des communautés ?
Dans son récit, Hirokazu Kore-eda livre une piste en deux actes : Acte I – La Joie / Acte II – La Loi.