La Gazette Mai 2018. En stand-by

Retour de Méditerranée… Au programme ? Un billet « Toute l’Europe avec Interrail« . Au final ? Ancrage local, en stand-by, en attendant un nouveau foyer. Celui qui vient clore neuf ans d’errance immobilière. Voyage qui parfois nous résiste. Rien ne sert de s’agiter quand le mouvement décide de s’arrêter.

 

On voudrait bouffer du bitume, courir partout, que chaque jour de « vacance » soit utile. On veut du sens, de l’action. On veut de la PRODUCTIVITÉ ! Et puis le corps résiste, les finances résistent, la volonté résiste, l’imagination résiste. La to-do list résiste. Même le sommeil résiste. C’est le rien, le néant, le nada. L’attente. Figée. En zone tampon, au pied d’une montagne bi-nationale… Rien ne sert de s’obstiner, option capitulation.

Départ pour dix jours d’Europe en train. Un temps pour soi, instants suspendus et mouvement continu dans une Europe en suspension. En route pour Augsburg et son hôtel Cosmopolis, avant de rallier Vienne, Prague, Budapest, Leipzig, Berlin. Vers l’Est, vers ces vestiges, ce monumental passé, ce présent figé. Vers des origines aussi. Mais l’esthétique, à mesure que le train avance vers le Nord, me laisse froide. Trop d’ordre, trop d’angles droits. Rien ne me dit. Plus d’énergie. Vidée. Aller-retour et puis s’en va. Après le coeur du monde, son chaos, sa vitalité, envie de Méditerranée. Alors partons pour Naples puisqu’il en est ainsi ! J’y partirai effectivement. En rêverie. Sur l’appli. Je partirai cent fois, planifiant et replanifiant d’éventuels d’itinéraires s’amenuisant à mesure que la semaine avançait. Je me résoudrai finalement à défaire mon sac à dos. Ne capitulant qu’à moitié, tentant encore le voyage transfrontalier, puis local… Sans succès là non plus. Pas de sève, plus de jus. Finalement je me contenterai d’un World Food Festival sur la place centrale de ma future cité…

Voyages avortés. Temps mort imposé. Délices du temps suspendu à oublier. Un petit tour de swing ? non merci. Que m’arrive-t-il ? No idea. Alors j’attends. Mon esprit vacille entre deux moments de vie. Je me décide finalement à prolonger un voyage qui m’habite encore pleinement avec une petite séance de Foxtrot et une lecture qui comme toujours, arrive à point nommé. Pour conjurer l’angoisse et la culpabilité de n’avoir pas su mettre à profit, c’est encore la littérature qui vient me sauver. Une lecture qui traite beaucoup de Lui, aussi. On reste dans le thème ainsi 😉 avec le délicieux « roman » du monde de Jean d’O, qui nous rappelle que « C’est une chose étrange à la fin que le monde« . Et puis je partirai pour Vienne finalement. Ma drôle de semaine de presque rien vêtue s’achevant avec un portrait de la nouvelle Vienne… d’extrême-droite. Regrets muselés.

Assignations

Mon assignation me fait prendre conscience que ma panne est peut-être juste en diapason avec l’air du temps. Le monde se dilate, mon envie d’ailleurs rétrécit simultanément ? Ma génération avait pris le monde pour acquis. Illusion ! La malédiction de Babel semble devoir se répéter à l’infini. Alors il veut quoi Lui, des hommes unis ou des hommes dispersés ? Bref, il y a beaucoup de foi ces temps, plusieurs « Lui » et l’espoir qu’en se tournant vers eux les hommes apprendront à nouveau à s’aimer… En attendant, mon assignation me fait prendre conscience que je viens de visiter des Méditerranéens coincés contre des portes fermées. Assignés à résidence ou en guerre contre leurs voisins.

Mon assignation me fait aussi prendre conscience qu’aux visas et aux murs qui enferment le Monde s’ajoute notre manque d’appétit pour la communion dans des terres en perte de liberté. Pourquoi « soutenir » des territoires qui prônent le retour à la maison ? Erreur sans doute… On ne devrait pas ajouter de distance aux murs… 

Murs politiques, murs idéologiques… Mon assignation me fait prendre conscience que le mouvement ralentit autour de moi aussi. Apologie du localisme pour les uns, qui dorénavant préfèrent poser leurs valises dans le coteau voisin que de courir un monde trop plein, trop identique. Fuir le vulgaire, le « touriste ». Nouveau snobisme assurément. Idéologie écologique pour d’autres, qui culpabilisent désormais de rejoindre tout lieu qui ne soit pas atteignable par la force de leurs mollets. Idéologie cosmopolite enfin, pas de goût pour la nouvelle saveur « nation emmurée » ?

Oui le mouvement ralentit, et pourquoi pas, si comme Jean d’O, on se demande si « dans un monde qui nous échappe forcément il vaut encore la peine de s’agiter » ? Perso je ne m’y résigne pas. Le combo mouvement-ancrage ? Le projet, le sens de ma futile existence. Ma conception du bonheur aussi… Moi qui présentement profite du monde qui ralentit, de la langueur bien méritée de ce dimanche, de partager avec vous quelques passages d’un espiègle sage. Un grand rêveur qui nous parle de mouvement, de rêve d’unification, de diversité, de « spectacle du changement« , « d’instabilité universelle« , de principe d’incertitude, de Dieu, de Méditerranée. Et nous rappelle que le monde est toujours « lutte et tension entre des forces opposées. » (52)

Tout se passe comme si le mouvement naturel de la création consistait à distinguer et à unir ? (146)

jean d'o

  • « Je me promène dans ce monde. La Terre qui a été si grande est devenue toute petite. » (252)
  • « Noyau obscur qui semble persister au coeur de l’éphémère universel. » « Qu’est-ce qui persiste à travers le changement ? » (52)
  • « Longtemps, pour un oui ou pour un non, je suis parti, sur un coup de tête, n’importe quand, n’importe où. »
  • « Toute tentative d’aboutir à une théorie unifiée, à une formule globale du monde, s’est soldée par un échec. » (146)
  • Le monde une « branloire pérenne » (Montaigne) (244)

A la fin, il y a aura un monde unifié où les races auront disparu dans une préhistoire évanouie. (246)

Au terme de son voyage intellectuel, Jean d’O confesse avoir trouvé la foi, retrouvé la joie. Une espérance, une paix, une confiance. Une certitude aussi. Celle de n’y être pour rien et pour tellement. Pas la peine de culpabiliser donc, le monde s’en fout. Principe d’incertitude, principe d’humilité. Invitation à jouir. Merci Jean d’O pour ce mantra. Reste une certitude, une constante toutefois. Tout livre vient toujours à point nommé. Pour nous guider, nous consoler, nous mettre en route, nous remettre en joie.

Échos de mai

Oscillant entre ouverture et fermeture, les vibrations de la belle de Mai émettent des échos bien contemporains. Échos d’ouverture aux Mots et aux Maux du Monde… Car mai signe la fin de l’espoir de la grande marche vers Gaza, la fin de l’accord sur le nucléaire iranien… L’anniversaire d’un président-empereur dont le royaume reste un refuge toutefois. Le mariage princier d’un ancien empire avec une princesse métisse qui permet de faire communier un Royaume « Uni » post-Brexit…

Échos d’ouverture du Festival Étonnants Voyageurs, sa littérature-Monde, sa poétique mondialité. Les mots de ses têtes d’affiche avec leur manifeste « Osons la fraternité« . Écho du départ de deux maîtres américains des mots aussi. Tom Wolfe, dont j’avais dévoré la truculente parodie sur les communautés made in US dans Bloody Miami. Philip Roth, anti-communautariste new-yorkais chevronné. Deux voix qui vont nous manquer. Subsistent néanmoins de nombreuses voix hybrides. Celle d’un Dany Lafferière qui a choisi « les mots comme unique patrie contre l’absurdité de l’ennationalisation des êtres« . Celle d’un Spike Lee qui a élu domicile dans une « République de Brooklyn ouverte, dynamique et métissée« . Spike Lee qui fait du reste son retour dans la sélection officielle du Festival de Cannes, aux côtés de réalisateurs assignés à résidence… Cannes, miroir d’ouverture et de fermeture, fête cette année les femmes et pleure l’absence de réalisateurs russe, iranien ou kenyane, devenus emblèmes de résistance au durcissement de leurs maisons. Des résistants auxquels risquent bientôt de se joindre des Italiens, dont les dernières élections ont abouti à une alliance des extrêmes. Sûrement trouvent-ils les Maux justes dans ce contexte-CI. On votait dans ma mini-république aussi, et c’est pas pour être chauvine, mais vous dire qu’ici, c’est la débâcle populiste qui l’a emporté. Heureusement d’autres Mots peuvent encore s’imposer dans ce contexte-ci. Quoi qu’il en soit il faut continuer à résister. A prôner pour une révision de notre rapport à la mobilité, qui nous offrira un autre contexte, dans lequel une meilleure cohabitation s’inscrira. Aucuns M(aux)OT ne sont jamais ni définitifs ni intrinsèquement dans la vérité. L’analyse sociale est toujours un brouillon.

 

 

 

 

 

 

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