C’est parti pour une plongée confinée de dix jours dans des Visions du Réel déclinées dans une variété de formes et de voix singulières pour nous parler de Territoires, de territorialités, de territorialisation, d’identités, de transmission, de mobilités, d’immobilités… de confinements ! Le réel, les visions du réel, un programme ambitieux, et… un job à plein temps ! Avec forcément quelques frustrations à la clé et au final une petite sélection sous le thème de l’Habiter…
Visions du Réel 2021, ce sont
143 films originaires de 58 pays enrichis par des forums, des Masterclass, des entretiens, des ateliers… Une édition hybride – virtuelle et « réelle » -, puissante, qui en cette seconde année « particulière », a tout mis en oeuvre pour « trouver les formats permettant de combiner convivialité et sécurité« .
Des Sections. Compétition Internationale Longs Métrages / Compétition Burning Lights / Compétition nationale / Compétition internationale Moyens & Courts Métrages / Opening Scenes / Grand Angle / Latitudes / Invité d’honneur / Ateliers
Des Parcours. Fragments passés / Identités et luttes / Portrait(s) / Retour vers la nature / Science-fiction et Dystopie / Un an après / Histoires de familles
Une Médiathèque pour retrouver discussions, masterclass, ateliers, etc.
… A découvrir au bout de ce lien
Mes Visions du Réel 2021, ce sont
Des bateaux, des avions, des trains, des liens, des destins, des dieux, etc. Ce sont des voyages d’une rive à l’autre de la Méditerranée, le long d’une ligne de trains, du Sénégal en Argentine, de la ville désaffectée à la ville-monde, d’Afghanistan au Danemark, du Cambodge en Australie, de Paris à Kotelnitch, de Syrie au Qatar, du bruit au silence, de la colonisation à la nation, du patrimoine mondial au confinement local, de la montagne à la mer, de l’espace réel à l’espace virtuel, de Téhéran à Genève, du Brésil à la Grèce, de la Californie en Corée, de New York au Liban, du Sénégal au 93, etc. etc. etc. Autant de voyages à la rencontre de son histoire, de l’Histoire, de l’histoire des siens. Allers, retours, allers-retours, allers sans retour, à la recherche de ses aïeux, en quête de son identité, en quête de Son Lieu. Voyages placés sous le regard des dieux, portés par les destins qu’ils ont tracés. Au final voyages à la rencontre de Soi. Des Rencontres avec ceux qui partent, ceux qui restent, ceux qui luttent pour rester. Ceux qui sont confinés dans un territoire trop étroit…
Les Mots de mes Visions du Réel 2021 : Passage – Voyage – Exil – Dieu – Histoire – Mouvement – Marges – Identité – Transmission – Héritage – Vide – Plein – Rites – Générations – Enfance – Distance – Résistance – Économie – Aïeux – Retour – Détour – Origines – Rêve – Utopie – Dystopie – Oubli – Immobilité – Maison – Colonisation – Nation – Ici – Là-bas – Ailleurs – Nous – Eux – Autres – Assignation – Confinement – Villes – Terroirs – Territoire – Luttes – « Nature » – Propriété – Appropriation – Occupation – Expulsions – Communauté – Collectif – Territorialisation – Déterritorialisation – Reterritorialisation – Barrières – Ponts – Quais – Vagues – Vent – Aéroports – Aérogares – Flux – Intérieur jour – Extérieur nuit – Pandémie …
Mes Visions du Réel 2021 ce sont…
… Un voyage de 33 films et autant de voix singulières qui se répondent, se font écho, esquissant au fil du voyage des ponts, des liens, des thèmes communs, des pistes pour les articuler dans un montage bâtissant in fine une fresque du Réel version 2021.
… 33 Visions précisément, pour autant de territorialités « habitées » dans un patchwork de formes originales, étonnantes, inventives.
» Les films qui habitent la sélection officielle 2021 embrassent cette liberté, ces subjectivités, ce refus d’explications ou informations exhaustives, pour mieux aspirer à traduire des sentiments et des émotions personnels qui n’en deviendront qu’encore davantage universels.« Lien VDR
… 33 films et autant de Visions. Un panaché de formes pour révéler la beauté dans le chaos, démasquer le mensonge dans la « pureté », chercher « le romanesque latent sous la réalité manifeste » (Retour à Kotelnitch), le plein dans le vide, la poésie dans la laideur, l’espoir dans la violence, découvrir « quelques parcelles de beauté ambigüe » dans « l’espace cauchemardesque« , Dieu dans l’enfer, la « beauté mélancolique » d’une cité déserte… Bref pour encore, pour toujours, rechercher la lumière… malgré tout.
HABITER
Habiter… Un Voyage confiné de 33 visions aux titres éloquents. Y’a plus qu’à se caler !
- Le chant des vivants Habiter le Refuge
- Là où nous sommes Habiter le Paysage industriel Jour 1 – Jeudi 15 avril
- The Bubble Habiter la Bulle
- Courage Habiter la Peur Jour 2 – Vendredi 16 avril
- Timkat Habiter le Rite
- If you see her, say hello Habiter son Image d’enfance Jour 3 – Samedi 17 avril
- Flee Habiter la Fuite
- Molécules Habiter le Patrimoine de l’Humanité
- Sortes Habiter le Terroir Jour 4 – Dimanche 18 avril
- Blind Body Habiter son corps déplacé
- Kind Regards from the Anthropocene Habiter le paysage «naturalisé»
- Slow Return Habiter le Fleuve
- Outside the coverage area Habiter la Virtualité Jour 5 – Lundi 19 avril
- The Great Void Habiter le « monde d’après (les hommes) »
- Not Over Yet Habiter les Origines
- After the Flood Habiter le Flux Jour 6 – Mardi 20 avril
- Retour à Kotelnitch Habiter « d’autres vies »
- The Stillness Syndrome Habiter le Bruit
- Radiograph of a Family Habiter le Puzzle (identitaire)
- Non Stop Habiter (dans) l’oubli Jour 7 – Mercredi 21 avril
- Lift Habiter la Nation post-coloniale
- My Quarantine Bear Habiter le Confinement transnational
- Il Passagio della Linea Habiter la Ligne
- Chronicles of that Time Habiter la Méditerranée
- Borom Taxi Habiter la Désorientation
- Homegoing Habiter nulle part Jour 8 – Jeudi 22 avril
- Only the Winds Habiter le « (dé)retour » (par) à la terre natale
- Captains of Zaatari Habiter le Camp / Habiter le rêve
- A l’Intérieur Habiter le Quartier
- Nous Habiter de l’autre côté (du périph’) Jour 9 – Vendredi 23 avril
- Atelier Archives HEAD X RTS Habiter les Luttes
- L’Étincelle Habiter la Zone à Défendre
- Native Rock Habiter la distance, l’Île, le paradis perdu Jour 10 – Samedi 24 avril
Habiter la bulle, habiter son image d’enfance, habiter la marge, habiter le rêve, la ligne, la Méditerranée… Territoires-transmission, Territoires-assignation, Territoires de l’intime, Territoires virtuels, naturels, naturalisés… Territoires… de transaction. Autant de géographies, de rapports aux lieux, d’espaces singuliers, de compositions, de territorialités à inventer…
Autant de territoires avec lesquels on tisse des liens, qu’on contraint à se transformer et qui nous contraignent à nous adapter… Avec pour seule constante le Mouvement, inévitable, inexorable, avec lequel on doit composer. Parce que quand le mouvement perpétuel s’arrête enfin, c’est la mort, c’est la pandémie, c’est le fleuve qui s’est tari, c’est la dystopie, c’est le monde d’après, celui de l’inhumanité, le monde sans les hommes sans les fleuves et sans la vie. Ce blog se voulant la chronique de la tension originelle entre mouvement et ancrage, entre racines et ailes, ces Visions du Réel offrent un poste d’observation idéal pour regarder le monde se débattre et composer avec cette tension.
Entre utopies et dystopies, ma sélection habitable joue entre le vide et le plein, explore centres et marges se recomposant au fil de l’Histoire économique, politique, écologique, et bientôt sanitaire. Ma sélection habitable se méfie des dé(l)sir(e)s de pureté, des bulles trop pleinement authentiques, utopies conduisant fatalement au vide dystopique.
Habiter (dans l’)Aillleurs – Habiter (à la) dans les Marges – Habiter (dans) la Bulle – Habiter la Nation – Habiter le flux…
… Ou la tentative de dégager cinq catégories « d’Habitats » qui ne sont pour autant jamais perméables. Qui se confondent tout le temps. Mènent l’une à l’autre. Le Flux redéfinit le vide et le plein en fonction des trains, des vagues, de l’érosion, du vent, du mouvement marchand. Le Flux redessine centres d’hier et marges de demain. Habiter partout peut conduire à flotter nulle part, à une marge ou à une bulle. Les bulles peuvent quant à elles conduire au vide, à la marge, à … l’ailleurs ? Tandis que les marges créent des bulles pour résister, exister, habiter, assurer leur transmission.
Car dans une époque obsédée par le dosage entre transmission et mouvement, l’alliage de la transmission dans le mouvement, il est question de transmission, tout le temps. La transmission qui relie histoires micro-locales et globale obsession. La transmission, question glocale, qui offre un fil conducteur à cette sélection.
Partir ou rester ? Dans une époque obsédée par la transmission identitaire, une époque où le nationalisme sanitaire sonne le glas du repli planétaire, in fine, la pandémie géo-politisée semble avoir répondu le temps d’un covid-long à cette inextricable question. Le mouvement lui a déjà entamé son oeuvre de recomposition, vidant les futures (?) marginales Villes-Monde de ceux d’Ailleurs et d’Ici, amorçant un nouvel exode vers de futures anciennes marges… Reste l’espoir, partout, par touches, le rêve, Dieu. Pour croire au réveil du flux dans un monde où plus les territoires et les identités se confinent, plus l’instabilité épanouit sa territorialité….
HABITER (DANS L’)AILLEURS
1. LE CHANT DES VIVANTS. Habiter le Refuge

Le Chant des vivants… ou la condamnation à l’enfer pour avoir aspiré au plus grand des crimes contemporains : voyager, revendiquer le droit à la Mobilité. Refuser de n’être « que des migrants ». Ou la chanson comme seule forme possible pour raconter l’innommable voyage en enfer. La chanson pour tenter de retrouver une forme de vie, quand la punition pour avoir succombé au péché de mobilité est la condamnation au statut de mort-vivant.
« Why leave you home if you’re going nowhere ? »
Le Chant des vivants ou le récits d’allers sans retours, d’allers nulle part…. « La Libye, personne n’en revient en vérité«
« Leur seul crime c’est de voyager. Hélas, on voyage tous à un moment dans la vie. » La Libye « Un voyage pas comme les autres, un chemin vers l’enfer, mais plus que l’enfer. » « Pour rentrer en enfer tu devrais mériter, faire quelque chose qui pourra t’amener à l’enfer. Mais en Libye c’est le cas contraire on a rien fait on a juste voyagé… Tout le monde a le droit de voyager, tout le monde a le droit d’aller dans un pays, tout le monde a le droit de se déplacer à un moment donné… donc on n’a rien mérité pour subir tout ça« .
7. FLEE. Habiter la Fuite
» Depuis plus de vingt ans, Amin cache un secret qui menace de ruiner la vie qu’il s’est construite. Sur le point d’épouser son compagnon, il est poussé à se dévoiler. Réalisé principalement avec des images d’animation remarquables, Flee nous embarque ainsi dans le parcours d’un réfugié – d’Afghanistan au Danemark. Un récit poignant, lauréat du Grand prix du Jury à Sundance. »
« Que signifie le mot « maison » pour toi ? » – « La maison ? » – « C’est un endroit sûr. Un endroit… Tu sais que tu peux rester et que tu n’es pas obligé de repartir. Ce n’est pas un endroit temporaire. »
Flee, une fuite d’Afghanistan au Dannemark, avec des allers-retours vers la Russie, vers une famille contrainte de trancher : qui doit partir, qui doit rester ? Comment ceux qui restent comme celui qui part composent sans cesse ? Comment parvenir in fine à ancrer ses multiples identités dans un territoire qu’on pourra désormais appeler sa Maison ? Esquisse de réponse sous forme d’images d’animation, pour une immersion pudique, une mise à distance de la souffrance de l’exil.
10. BLIND BODY. Habiter son corps déplacé
Allison Chhorn. Australie. 14 min
» Allison Chhorn réalise un portrait émouvant de sa grand-mère Kim Nay, exilée en Australie. Lorsque les souvenirs du passé jaillissent, elle raconte la dureté du travail d’autrefois et le vécu du génocide cambodgien. Filmé au plus près de son corps, Blind Body évoque l’univers sensoriel de Kim Nay, partiellement aveugle. »
Quel fil entre Kim Nay, née au Cambodge en 1942 et résidant en Australie, et Adelita Borg, arrière-petite-fille de Kim, née en 2018, Australienne ? Esquisse de réponse sous forme de « portrait sensoriel » d’une grand-mère, de questionnement sur les liens entre des événements marqués par l’errance, un corps marqué par ces derniers et la transmission d’une mémoire qui est avant tout celle d’un corps déplacé.
15. NOT OVER YET. Habiter les Origines
Monise Nicodemos, Brésil. 21 min
« Not Over Yet est une traversée cinématographique entre le Brésil et la Grèce. Partant de la curiosité pour son nom aux origines grecques, la réalisatrice nous emmène dans un voyage où les souvenirs personnels se mêlent à la politique et à l’Histoire. Tourné en pellicule, ce premier film surprenant marie une narration libre à un style intime et touchant. »
« Je me suis inventée un grand-père grec… Et le reste de l’histoire, je l’ai trouvé si mauvaise, que j’ai préféré l’oublier. »
» Je suis arrivée en Europe et on m’a dit que mon nom était grec. Comme je ne savais presque rien de ma famille paternelle, je me suis inventée un grand-père grec qui aurait pris pied en terres brésiliennes. Il aurait choisi Rio de Janeiro pour que le mal du pays ne soit pas insupportable. En remplaçant la mer par la mer, on se sent plus à l’aise. »
17. RETOUR A KOTELNITCH. Habiter « D’Autres Vies »…
Emmanuel Carrère. France. 105 min
« Radiographie d’un deuil, variation sur les faux-semblants et les fantômes, le premier – et à ce jour – seul film documentaire d’Emmanuel Carrère, ne ressemble à rien de connu, sinon à ce qui anime ses livres. Le médium change, l’enquête demeure, qui cherche le romanesque latent sous la réalité manifeste d’autres vies que la sienne. »
« Kotelnitch c’est là où on va quand on a disparu. »
Dans Retour à Kotelnitch il est davantage question du processus, du chemin, que du but, le film. Devant Retour à Kotelnitch on se questionne : pourquoi est-on invariablement ramenés vers certains lieux, pourquoi ces lieux-là ? Pourquoi y retourne-t-on encore et encore ? Pour un film ? Ou pour comprendre, boucler une boucle, se trouver, se retrouver…? Au final ce Retour à Kotelnitch est un prétexte. Pour le réalisateur il s’agit de chercher non pas seulement la clé d’un crime. Mais re-trouver avant tout son grand-père, ses origines, son histoire familiale, une part de soi. Retour à Kotelnitch revient sur les motifs cachés de nos créations : tout projet sur les traces d’un autre revient-il irrémédiablement à un projet sur ses propres traces ? Esquisse de réponse sous la forme d’un reportage-enquête sur les traces d’un prisonnier de guerre hongrois, d’un assassinat, sur la place du créateur dans la vie des autres, dans son oeuvre, dans sa vie.
19. RADIOGRAPHY OF A FAMILY. Habiter le Puzzle
Firouzeh Khosrovani. Norvège, Iran, Suisse. 81 min
A travers les photos des différents passeports, à travers le plan fixe d’un intérieur qui se transforme, Radiography of a Family retrace le voyage identitaire d’une mère, d’un foyer, d’un pays, qui cherchent à « concilier modernité et islam« , à composer. La réalisatrice file l’histoire de sa famille comme une métaphore des mutations d’un Iran coupé en deux, avec d’un côté une mère qui se radicalise et de l’autre un père progressiste qui petit à petit s’efface jusqu’à devenir un fantôme. Et une enfant, entre les deux, à la recherche de sa propre voie. Et un « intérieur », comme inscription territoriale intime de cette mutation.
« La maison était divisée en deux. Et Firouzeh « entre les deux » »
Firouzeh créé un puzzle, reconstitution des différentes identités de sa mère à travers les allers-retours géographiques, les allers-retours de l’Histoire. « Mère a enlevé le voile« , « Mère a remis le voile« , « Mère a déchiré toutes les photos sans voiles », « Mère est allée suivre une formation militaire« , … Une radicalisation maternelle qui fait écho à celle du pays, à l’intérieur d’une maison à deux territorialités évoluant vers une maison devenue « désormais le territoire de mère« , avec un père s’effaçant jusqu’à disparaître dans la maison, dans cette histoire, dans l’Histoire de l’Iran. Radiography of a family, ou le récit de la crise identitaire symptomatique d’un pays dont la Révolution a fini par nier le Mouvement.
» Qui sera-t-elle de toute façon en Suisse »
« Qui suis-je ? »
Comment reconstruire le puzzle pour se construire une identité propre ? Esquisse de réponse sous la forme d’un dispositif didactique et artistique, d’un collage scotchant et déchiré… d’un cri d’amour à des parents que la réalisatrice a été impuissante à ré-concilier. Car s’il est rarement question d’elle dans son film, en filigrane c’est aussi sa propre identité qu’elle doit chercher à reconstituer à travers ce qui lui a été transmis.
Weijia Ma. Chine, France. 35 min
Lorsque la Covid fond sur la France, Weijia Ma travaille à Strasbourg sur un film d’animation. Très vite, elle fuit à Lyon puis rentre précipitamment à Shanghai. Du vol à la quarantaine dans un hôtel à son arrivée, ce journal filmé aux airs de comédie romantique retrace avec humour et grande inventivité formelle l’expérience de ce parcours.
Dans My Quarantine Bear, l’héroïne passe du « Monde d’avant« , une existence de Millenial nomade, au « Monde d’après« , un retour à la « maison » confinée en passant par la case aéroport en mode science-fiction… Dans ce monde dystopique, l’utopie urbaine se fantasme depuis une chambre d’hôtel, si près et pourtant si loin de chez elle… Alors, comment aterrir en suspension ? Esquisse de réponse sous la forme d’un journal filmé de confinement.
25. BOROM TAXI. Habiter la Désorientation
Andrés Guerberoff. Argentine, 61 min
Tout au long de son histoire, le cinéma s’est demandé comment filmer l’Autre. Borom Taxi apporte une réponse concise et sensible à cette question : ce premier film nous plonge dans un état d’incertitude et de désorientation sans doute similaire à celui vécu par les personnages, qui ont quitté le Sénégal pour Buenos Aires.
« Je monte au minaret de la mosquée. Où que je regarde, je vois. Je vois le fils de Bamba. Y a t-il quelque chose de Bamba en ce lieu ? »
« Dieu est grand« , « C’est la volonté de Dieu si je suis ici ». Au coeur de ce Borom Taxi, il est question de volonté divine, de survie économique, de papiers, de maintien du lien culturel, familial, religieux. De regroupement familial et dans l’intervalle de création d’une communauté de l’Ailleurs dans l’Ici. De recréation d’un « Nous » lorsque la famille est restée « là-bas ». » J’étais venu pour l’argent, c’est tout. Je pensais qu’à ça ». « La maison me manque beaucoup. »
26. HOMEGOING. Habiter nulle part
Yeon Park. États-Unis, Corée du Sud, 17 min
La pandémie de la Covid-19 a engendré des conséquences multiples, tant sur le plan individuel que social. Dans ce film délicat, un couple coréen basé aux États-Unis perd tout sens du temps, de l’espace et de l’orientation, jusqu’à parvenir à un état d’irréalité. Comment faire pour rentrer chez soi alors que le sentiment de chez soi est perdu ?
« Parfois je ne sais plus si je suis aux États-Unis ou en Corée. » « On n’est pas autant les bienvenus qu’on le croyait. » « Le concept d’être chez soi n’existait peut-être que dans sa mémoire. »
Homegoing ou le basculement de l’état transnational vers un état d’irréalité en période d’arrêt sur images pandémique. Dans Homegoing, nos nomades, d’abord « enfermés Ailleurs », attendent un Visa pour que cet Ailleurs deviennent chez eux, condition pour rentrer dans leur chez eux d’origine et s’apercevoir que ce chez eux-là n’est plus chez eux, qu’ils sont d’Ici mais d’Ailleurs Ici, qu’une fois qu’on a intégré le grand mouvement on ne peut plus vraiment revenir, on doit retourner dans ce Là-bas désormais Chez Soi, ou… poursuivre son chemin vers un autre Ailleurs.
Le cinéaste Karim Kassem entreprend un voyage de New York à Beyrouth. Entre la difficulté du retour au pays, une maladie chronique et des recherches pour un futur film, il dépeint la situation du Liban à travers une multiplicité de rencontres. Essai fourmillant de pistes narratives, Only the Winds scrute la métaphysique des êtres et le sens de notre passage sur terre.
« Je suis juste parti. » « Je ne sais pas, il y a quelque chose de bizarre dans l’énergie du pays. » « Mais je doute que je revienne vivre ici. » « Pour moi ici c’est un terrain de recherche plus qu’un pays où vivre. »
Only the Winds ou le dur retour en terre natale d’un expatrié qui ne revient que le temps d’un détour et qui est contraint de se questionner : partir est-ce forcément trahir, abandonner sa patrie et se contenter de revenir « frimer devant les pauvres qui eux sont restés dans leur pays » ? Only the… Winds. Comme le vent qui fait tomber en ruines les institutions du pays et s’envoler sa jeunesse vers l’Ailleurs. Une jeunesse qui désormais crie à ses politiques « Nous ne voulons pas immigrer comme les autres avant nous« . Mais ces vents porteraient-ils aussi vers la foi et l’espoir ? Esquisse de réponse avec ce dernier plan dans une église, d’une fillette aveugle photographiant une Bible…
28. CAPTAINS OF ZAATARI. Habiter le Camp, Habiter le Rêve
« Rêve syrien, jeunesse syrienne » ! « Que Dieu soit avec toi » « Inch Allah »
Ces Captains of Zaatari nous donnent une belle leçon d’espoir et de résilience, de foi en Dieu et en ses rêves. Une foi qui les conduira d’une ville-camp en Jordanie aux rutilants complexes sportifs du Qatar. Une foi qui leur donnera une voix pour crier « Mesdames et Messieurs, créez des opportunités pour tous les réfugiés. Ce dont un réfugié a besoin, c’est d’une opportunité, pas de votre pitié. » Dans une époque où le duel assignation-mobilité est trop souvent à l’avantage du premier, le film montre « that dreams cannot be imprisoned or confined », même pour le « vagabond, marchant à travers les terres, errant« .
« Même si j’ai un diplôme, je serai toujours un réfugié. Mais je ne permettrai jamais qu’on m’enlève mes rêves. »
« Les identités, comme les strates géologiques, ne se reposent jamais. »
« On n’a pas de « chez soi » avant de le quitter, et une fois parti, on ne peut jamais revenir. »
« J’ai regardé la roche de près pour la briser et m’enraciner à nouveau. Mais la tranchée a été creusée en moi, creusée par l’envie. Une tranchée qui s’est ouverte quand j’ai quitté l’île et qui s’est agrandie avec la distance et l’érosion du temps. Une tranchée qui devient une carrière, et qui me permet de construire mon « chez moi », du vide qui en a été extrait. » « Une maison avec de l’espace pour tout ce que j’aime. »
« C’est précisément en ça que consiste l’amour, apprendre à aimer l’érosion. »
HABITER DANS (A) LA (LES) MARGE(S)
Comment vivre à Fos-sur-Mer, ville méridionale française hérissée de raffineries et d’industries chimiques ? Des habitant.e.s s’efforcent de résister – dans tous les sens du terme – à leur condition, en parlant à la cinéaste, dont la caméra cadre leur paysage cauchemardesque, où elle déniche, parfois, des parcelles de beauté ambiguë. »
Là où nous sommes… ou les stratégies des habitants pour demeurer, malgré toute cette fumée, sur leur territoire d’ancrage. Là où nous sommes ou comment l’homme trouve une place malgré tout, s’approprie des brèches, s’approprie les interstices d’un territoire utilitaire qui fournit la majorité des emplois locaux. Des stratégies qui se révèlent sous forme de « topographie sensible et contrastée » d’un territoire industriel, avec évocations en voix-off de sa territorialisation. Et tandis que les hommes ancrés se débattent entre les cheminées, les oiseaux migrateurs eux transitent en zone protégée…
6. IF YOU SEE HER, SAY HELLO. Habiter son image d’enfance
Hee Young Pyun & JIAJUN OSCAR Zhang. Chine, 18 min
» Un voyageur visite la ville de son enfance, dans une ancienne zone de forage pétrolier du nord de la Chine, qu’il croyait alors être le « centre de l’univers ». Hanté par ses souvenirs, il se perd peu à peu dans un espace onirique, passant d’une ville ultra-moderne à une ville fantôme où lui-même n’est plus sûr de ce qui est réel ou imaginaire. Un film hybride d’une rare beauté. «
If you see her, say hello, ou la dérive onirique d’un voyageur qui se promène dans son image d’enfance. Vide. Lieux désaffectés où résonnent les souvenirs d’une territorialité circonscrite. Herbes hautes. Retour d’un migrant parti pour la mégalopole qui explore les confins de son terrain de jeu originel, espace de construction identitaire, ancien centre d’un monde révolu, de son monde. Docu-fiction sur les traces d’une déterritorialisation.
Que reste-t-il quand tout le monde est parti ? Que deviennent ceux qui restent, ceux qui ne suivent pas le mouvement ? Des fantômes, des errants… miroir inversé de ceux qui prennent la route à l’ère de la criminalisation géopolitique du mouvement… Car même quand la politique fige et assigne, l’économie ne cesse jamais son oeuvre de recomposition, transformant centres d’hier en marges de demain, habitants ancrés en potentiels travailleurs émigrés.
» Retenu à Venise en raison du confinement, le réalisateur revient sur ses liens avec son père décédé et la ville soudainement vidée de ses touristes. La voix éraillée d’Andréa Segre, les images hallucinantes d’une Venise déserte et une émouvante lettre au père forment le fil conducteur de ce collage fascinant, parfaitement maîtrisé. »
« Je n’ai jamais su si j’appartenais à Venise ou pas. »
Molécules, ou la réappropriation d’une histoire, une Histoire, un père, un territoire. Ou l’interrogation d’un rapport à un Territoire qui appartient à priori d’abord au Monde, aux Autres… Un Territoire si peu connu de soi, si peu approprié jusque là. Un rapport qu’on réinterroge à l’occasion de la mort d’un père, de la naissance d’un fils, d’un confinement… Une interrogation sous forme de chronique du vertige de la vie confinée, de lettre au père, de journal intime halluciné.
Molécules, une autre histoire de transmission qui se veut aussi une interrogation sur le rapport marchand au territoire qui recompose constamment espaces du vide et du plein. Les Vénitiens vendent pour s’installer ailleurs. Les Vénitiens vendent et fuient vers la terre ferme. Les Vénitiens émigrés viendront-il re-territorialiser cette Venise désertée par le monde ?
Venise au temps du confinement, un vertige que j’ai connu en novembre 2020 à retrouver ici : Venise Patrimoine du Monde (de l’Immunité) confiné
9. SORTES. Habiter le Terroir
Mónica Martins Nunes. Portugal, Allemagne. 38 min
» Sous le soleil des moissons et le chant des cigales, Mónica Martins Nunes construit un portrait touchant de Serra de Serpa, région aride au sud du Portugal, touchée par l’exode rural. Les poèmes chantés par les berger.ère.s et les marchand.e.s de foire résonnent comme l’ultime geste d’un paysage humain qui résiste à tomber dans l’oubli. »
« La vie, ça fait toute la différence, mon dieu… » « Avant, c’était peuplé, partout… »
Déambulation poétique en suspension, entre images de « montes » abandonnées, de silences, de bals musettes de résistance… Images de ceux qui restent « au village », désormais hors du temps, hors de l’espace utilitaire, hors du centre, où subsiste une territorialité de résistance au flux, une territorialité de marge… Monica Martins Nunes nous offre une autre histoire de transmission, sur les traces de son grand-père disparu et du territoire de la mémoire.
« Pourquoi tu l’as vendue si elle était si bonne ? » « Ma richesse à moi, c’était d’arriver à me barrer d’ici ! »
La richesse de l’ancrage et de l’attachement profond à la terre peut-elle régater avec la richesse engrangée en la vendant ? Et puisque tout bouge, tout le temps, le vide laissé par ceux qui l’ont vendue fera-t-elle demain la bonne affaire de l’exode urbain du « monde d’après » ?… Affaire à suivre…
13. OUTSIDE THE COVERAGE AREA. Habiter la Virtualité
Agustina Wetzel. Argentine. 28′
« Les apps sont politiques – ou plutôt, géopolitiques. Le confinement nous a contraint.e.s à redéfinir les frontières et à interagir avec le monde virtuellement. En split screen, le film trace une carte et questionne les liens entre réalité virtuelle et espaces réels, mettant en évidence la dimension politique de l’opération. »
Outside the coverage area ou le film d’une confinée qui avait « besoin de marcher encore plus que d’habitude« . Besoin de confronter espace virtuel et lieu réel dans une période de distorsion de la réalité, où mondes virtuel et réel se confondent. Besoin de découvrir les espaces « hors de la zone de couverture », hors-carte, hors-jeu. Besoin de vivre le jeu, dans le jeu, l’espace du jeu. Outside the coverage area ou l’histoire des hommes au temps du corona, sur-connectés, déconnectés, enfermés, confinés.
Outside the coverage area, chronique sous forme de déambulation en « split-screen », d’un moment de fermeture politique paroxysmique, où aux frontières nationales se sont ajoutées des frontières régionales, inter-urbaines, intra-urbaines, réduisant notre terrain de jeu territorial à quasiment rien pour in fine nous enfermer dans notre salle de bain… « I started this project in August 2020. The city government has closed the borders with all surrounding cities for five months. For some time these rules were also applied inside the four avenues that separates the city center from spaces socially known as periphery.
« These four avenues were protected by improvised checkpoints or sanitary tents were police and traffic agents could ask you for documentation, interrogate you, fine you and even arrest you. »
14. THE GREAT VOID. Habiter le « monde d’après (les hommes) »
Sebastian Mez. Allemagne. 86 min
« Même si les images ont été tournées avant la sidération pandémique qui a figé une bonne partie du monde au printemps 2020, le nouveau film de Sebastian Mez (Metamorphosen, VdR 2013) y fait immanquablement référence. Composé d’une série de plans fixes vidés de toute présence vivante, The Great Void regarde sans ciller, ni plus ni moins, l’agonie de notre civilisation. »
« J’ai pratiqué l’amour négligemment. J’ai eu peu d’égards pour la beauté de la nature.«
The Great Void ou le « Monde d’après » sous forme de tableaux, plans fixes de paysages lunaires, désertiques et désertés sur fond de bande-son psyché. « Monde d’après » des Villes-Monde vides. Monde d’après les hommes. Monde d’après la vie. The Great Void, une dystopie, une prophétie, un avertissement ?
De mon Berlin 2019 (Berlin Episode I – Just Chill) à son Berlin 2020. Les mêmes plans… Le vide et le plein… Le chagrin.
18. THE STILLNESS SYNDROME. Habiter le Bruit
León Siminiani. Colombie, Espagne. 30 min
En 2018, un groupe de cinéastes se faisant appeler THE MOTIONLESS se lance dans un film sur un hypothétique syndrome d’immobilité en Colombie. À la fois hommage à l’univers cinématographique du documentariste colombien Luis Ospina et exploration de l’histoire du pays, The Stillness Syndrome convoque la mémoire pour remonter le temps.
The Stillness Syndrome ou l’histoire conduisant à l’immobilité d’un pays, à l’immobilité d’un Monde, au confinement. Sous la forme d’un mockumentary, d’une « enquête puzzle », The Stillness Syndrome retrace les traces d’immobilité avant-coureurs, les moments d’arrêt dans l’histoire colombienne. Élections, finale de foot, etc. The Stillness Syndrome oppose le « temps de la consommation » au « temps des sensations« , explore la tension entre bruit et silence. The Stillness Syndrome, ou l’histoire d’un projet cinématographique dystopique qui fait étrangement écho à l’arrêt sur images 2020-2021.
23. IL PASSAGGIO DELLA LINEA. Habiter la Ligne
Pietro Marcello. Italie, 60 min
Un train, des trains. La nuit, le jour. Du Sud au Nord et du Nord au Sud de l’Italie. Des voix, des accents, des rencontres. Avec les déclassé.e.s, les laissé.e.s-pour-compte de la société italienne : saisonnier.ère.s, migrant.e.s, vagabond.e.s et anarchistes. Littéralement sans domicile fixe. Parmi eux.elles émerge la figure tutélaire d’Arturo Nicolodi qui a payé cher sa liberté.
« J’ai toujours été un citoyen du monde. » « J’ai toujours été libre. »
Dans Il Passagio della Linea on croise des voix nomades, en route pour des missions au Nord à durée déterminée, des vieux sages, des destins singuliers. Comme celui d’Arturo, le « vagabond le plus puissant du monde entier« . Citoyen du monde dans un monde où on veut enfermer, circonscrire, stopper, assigner, invisibiliser et in fine… confiner. Un monde dans lequel l’errant est enfermé dans la condition de vagabond et le vagabondage, criminalisé. Arturo lui résiste, il « va et vient » sur la ligne, « la seule façon d’être libre et indépendant » dans un monde où « l’homme est une créature qui aime les habitudes« . Il pratique le Non Stop Circus, muni de sa carte d’identité de citoyen du monde, rêvant éventuellement de s’ancrer à Bolzano, l' »Européenne » de la ligne…
Le long de la ligne, d’autres quais de gares, d’autres paysages de bord de mer, d’autres vagues…
« Tre volte ho attraversato la linea di confine. La prima volta di frodo, con l’aiuto di un contrabbandiere. In qualche modo, almeno una volta legittimamente. Sicuramente sono stato uno dei rarissimi che sono tornati di spontanea volonta al punto di partenza. » Le passage de la ligne. Georges Simenon
Dans le cadre d’un partenariat entre le Département Cinéma de la HEAD – Genève et Les Archives de la RTS, des étudiant.e.s se spécialisant en montage s’emparent des archives pour créer des films autour de la notion de « luttes ». Ils et elles posent leur regard sur ce que disent les luttes d’hier, d’aujourd’hui et celles de demain.
Une jeunesse « Dans le vide du monde » – Une liberté « Qui mérite qu’on se batte pour elle ? »
Dans ce montage il est question de luttes : antiraciste, écologiste, féministe, culturelle, anarchiste… Il est question d’une jeunesse privée d’espace et assommée d’interdits. D’espaces culturels alternatifs et de mouvements d’occupation d’espaces publics. Bref, de luttes pour nos libertés, qu’elles quelles soient. De libertés qui ont besoin de lieux pour s’affirmer. De luttes qui s’inscrivent toujours sur des espaces à territorialiser. De luttes qui font sensiblement écho au « monde d’après » qui est en train de s’esquisser, un monde qui tend à annihiler nos si chères libertés et à circonscrire nos territoires…. Cet Atelier d’Archives, un retour dans le passé qui donne néanmoins une touche d’espoir, donnant à voir une Suisse de résistance, une Suisse révolutionnaire, une Suisse en mouvement, évidemment…
HABITER DANS LA BULLE
3. THE BUBBLE. Habiter la Bulle
Valerie Blankenbyl. Suisse, Autriche. 92′
» Imaginez une ville tentaculaire de 155 000 retraité.e.s, équipée de 54 terrains de golf, 70 piscines, et de son propre organe de presse. Les milliers d’habitant.e.s de The Villages, en Floride, vivent isolé.e.s du monde dans une bulle de loisirs où il n’est plus question d’âge. Mais tout cela à un coût, que paient la flore, la faune, et la population locale. »
The Bubble ou le cauchemar aseptisé. The Bubble, municipalité à la plus forte expansion des États-Unis, extra-territorialité « hors-sol« . Déconnectée… d’un territoire politique dans lequel ses habitants votent pourtant, influençant par leur nombre le destin de leur « co-citoyens ». The Bubble ce sont des gates, des gates, des gates…. Un panoptique à la Truman Show où le contrôle est omniprésent. The Bubble ce sont des lois et médias « locaux », une propagande ininterrompue soufflée dans les haut-parleurs de ce parc d’attraction, ce zoo peuplé de fringants séniors bien domestiqués à nourrir, à occuper.
The Bubble c’est la privatisation de l’espace, la territorialisation business, la gentrification poussée à son paroxysme, le « displacement » des « locaux ». The Bubble, ou une colonisation de WASP adeptes de l’entre-soi, bâtisseurs de Villages, de « zones de développement communautaire », venus développer donc une terre forcément vierge, où il n’y avait « rien avant ». Des trumpistes malgré eux qui n’ont pourtant rien d’idéologues, juste de sympathiques retraités qui ont « travaillé toute leur vie, et maintenant profitent » en détruisant environnement et paysages, précisément ce qui les a attirés… The Bubble ? Une dystopie, un cauchemar aseptisé qui baigne dans le vernis ensoleillé d’un Sud que ceux qui ont quitté leur Nord pour se re-territorialiser ont nimbé de son côté glacial.
24. CHRONICLES OF THAT TIME. Habiter la Méditerranée
Maria Iorio & Raphaël Cuomo. Suisse, Italie, 75 min
Partant d’une chanson fredonnée une nuit pluvieuse, Chronicles of That Time explore l’identité changeante de la Méditerranée; de la « mer partagée », trait d’union de la diversité culturelle entre l’Afrique et l’Europe, à celle des frontières fermées. Des rives de la Tunisie à l’Italie, le film pose une question simple mais douloureuse: quelle est la place de l’humanité dans la politique contemporaine?
« The visa ! That’s the problem »
Chronique sous forme de « entre le moment où » on entrait sans visa et « le moment où » on a inventé la frontière Schengen, le « migrant clandestin », les camps, les hotspots… et réinventé l’Histoire, le musée, le territoire commun, le principe de solidarité, la … Méditerranée – Chronicles of that time tente de trouver la mélodie pour recomposer la chronique de l’intervalle oublié, composer « une mélodie pour se remémorer un passage« , le passage des colonies et des empires à la Mer close. Le passage qui sépare une mer espace de rencontres à une « somme de territoires divisés« . Le passage entre deux moments d’une histoire déséquilibrée.
Chronicles of that time retrace la chronique d’une époque « hantée par les notes » d’Oum Kalthoum, la chronique d’un temps délibérément oublié pour raconter une Autre Histoire dans un nouveau Musée, où celui qui vient de l’autre côté devient « l’Autre ». Une autre Histoire pour un autre présent où on créé des gates, encore des gates, toujours plus de gates, des lieux hors-sols, des bulles, où on s’enferme et on enferme dans des territoires circonscrits. Où un nouveau régime de frontières impose ses termes et déshumanise l’Autre, simple monnaie d’échange qui disparaît dans le silence. Où au flux des vagues de la Méditerranée fait écho l’immobilité Schengen.
« Le temps entre le moment de notre première visite au musée archéologique et le moment où nous retournons dans ses salles en rénovation (…) Quand les possessions anciennes qui ont été conservées là sont déplacées, rénovées, pour être exposées à nouveau. (…) pour imaginer une autre histoire. »
29. A L’INTÉRIEUR. Habiter le Quartier
Dans le quartier de la caserne militaire des Vernets à Genève, À l’intérieur raconte l’histoire du lieu et de ses destinées individuelles. Souhaitant interroger la nature du quotidien, Sabine Bally invite ses protagonistes à se tourner vers leur intérieur. Recueillant une succession de chroniques domestiques, le film dessine ainsi le foyer comme la matrice de toute histoire de vie.
« La question du « chez soi », ce que j’aimerais transmettre aux enfants »
« Tout près du centre-ville de Genève, quelques immeubles donnent sur la caserne militaire des Vernets. Sous peu, cette caserne sera délaissée par l’armée pour la construction d’un nouveau quartier« . A l’Intérieur… de ce quartier en mutation cosmopolite à l’image d’une Genève en mutation, il est question de micro-territorialité, de strates identitaires, de lien au lieu, de transmission, de cohabitation, de « nouveau quartier« , de mouvement donc, encore, forcément… Alors ce quartier, microcosme oscillant entre ouverture et fermeture ou future « bulle » auto-confinée ? Affaire à suivre donc… Avec presque déjà une certitude cependant. A l’heure de la contraction territoriale, le quartier = une échelle qui aura le vent en poupe, forcément.
Il y a dix ans, des activistes voulant expérimenter un mode de vie collectif investissent un bocage près de Nantes pour bloquer la construction d’un nouvel aéroport. L’Étincelle dresse un portrait empathique des «zadistes» qui s’interrogent sur le futur de la Zone à défendre, quand en 2018, leur lutte débouche sur une première victoire : l’abandon du projet aéroportuaire.
« Nous avons besoin de lieux pour habiter le monde »
ZAD, ça signifie… Zone à défendre… La ZAD ou l’expérience d’un nouveau mode de vie communautaire,
« pour celui qui ne veut pas être une marchandise, qui produit des marchandises, et achète des marchandises« .
La ZAD, un collectif dont un des mantras est « Nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend« . Dans la ZAD on bâtit des habitations singulières, pratique une démocratie participative et la co-parentalité. La ZAD est un territoire avec ses propres règles, sa propre carte, une territorialité parallèle aux dires d’une « invitée » en immersion à quinze minutes de chez elle et pour autant « jamais aussi loin de chez elle« .
La ZAD ce sont aussi des contradictions… Contre la propriété privée, la ZAD s’approprie un lieu sur lequel fatalement elle ancre son modèle aux détriments d’autres… Quoi qu’il en soit, pour l’État, l’occupation est illégale, il arrive avec les grands moyens pour expulser, pour « rétablir l’ordre républicain »… Détruisant tout un imaginaire avec lui… Alors les survivants de la ZAD envisagent de devenir propriétaires pour créer une « propriété collective« . Pour ancrer ses valeurs, pas question de s’enfermer dans des idéologies, il faut négocier, chercher le compromis. Pour pouvoir continuer à « construire de nouveaux habitats collectifs mais également développer des projets en solidarités avec d’autres territoires en lutte.«
Alors cette « Zone à défendre »… autre utopie-Bulle, autre communauté…fermée ? A priori non. A priori la ZAD n’aspire pas à l’autarcie communautaire mais à se connecter à d’autres lieux… fermés eux aussi ? Affaire à suivre donc…
Les Mots de la ZAD : Territoire – Politique – Collectif – Sens – Pouvoir d’agir – Mouvement – Un monde à défendre – Un long terme éphémère potentiellement – Une vie indissociable de la lutte – Entraide – Compétences – Économie non marchande – Expérience créative – Lieux de vie autogérés – Habitat collectif …
HABITER LA NATION
4. COURAGE. Habiter la Peur
Aliaksei Paluyan. Allemagne, Biélorussie, 90 min.
» Créé en 2005, le Théâtre Libre du Belarus se bat contre le gouvernement d’Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 26 ans. Parsemé de témoignages historiques précieux, le film suit trois membres de la troupe durant les manifestations qui ont suivi les élections présidentielles frauduleuses de 2020, donnant à voir la lutte impressionnante d’un peuple contre un régime criminel.«
Courage, ou la résistance continue de générations de Biélorusses qui refusent de laisser leur territoire à la peur, naviguant entre territorialisation d’espaces contestataires et « clandestination », effacement spatial de survie. Partir ou rester ? Ces courageux ont tranché, quel qu’en soit le prix…
5. TIMKAT. Habiter le Rite
» Un voyage à Gondar, ancienne capitale de l’Éthiopie, filmé par Ico Costa, l’un des cinéastes portugais les plus talentueux de sa génération. Une plongée au cœur du Timkat, fascinant rituel de purification, où les instants de joie, de transe et de dévotion religieuse révèlent une certaine fierté de l’identité nationale. »
Comment faire nation, construire une identité nationale à travers, au-delà des colonisations ? En habillant par exemple l’identité politique d’une ferveur religieuse, « territoire » national capable de rassembler les habitants dans une même communauté de destin.
Aitziber Olaskoaga. Espagne. 39 min
Du Pays basque à La Mancha, Non-Stop est un voyage sur une route d’images refusées, d’interviews non-accordées et de lieux qui ne figurent pas sur les cartes. Face à ces silences et dénis successifs, Aitziber Olaskoaga interroge comment le cinéma peut encore représenter ce qui a été rapidement enfoui dans la mémoire nationale par le post-franquisme.
« Nous avons regardé autour de nous ce paysage d’oubli. » » L’oubli s’est transformé en amnésie. »
Non Stop titre paradoxal pour un voyage à l’intérieur d’une mémoire nationale fait(e) de paysages figés, désaffectés, abandonnés, pour oublier. Oublier pour Habiter Ensemble la même nation. Oublier pour rester fidèles à la devise « Tout pour la patrie« … Oublier pour ré-inventer le récit national. Figer pour… épouser le mouvement de l’Histoire.
21. LIFT. Habiter la Nation post-coloniale
Marc Isaacs. Royaume-Uni, 24 min
Marc Isaacs installe sa caméra dans l’ascenseur d’un immeuble londonien, sans savoir comment les habitant.e.s vont réagir à cette intrusion. La simplicité du dispositif permet de révéler, en quelques traits saillants, un microcosme multiculturel peuplé de personnages tour à tour fragiles ou truculents.
« On a compté 45 « blancs »… C’était déjà beaucoup. Le reste est un mélange. »
Dans Lift, le réalisateur esquisse le portrait miniature de la nation post-coloniale dans un immeuble londonien, véritable microcosme multiculturel. Lift ou le condensé d’une co-habitation post-coloniale qui en attendant le grand « melting pot » déjà se croise… dans un ascenseur ! Pas de théorie ou de grandes idéologies, la cohabitation post-coloniale ne se raconte jamais mieux qu’à travers les plans fixes du quotidien de « vies minuscules ».
À l’image de François Maspero à la fin des années 1980, Alice Diop nous emmène pour une traversée de la région parisienne à la rencontre de ses habitant.e.s. Humble, à l’écoute, la réalisatrice porte un regard neuf sur un territoire multiculturel marqué par l’Histoire, loin des caricatures médiatiques habituelles.
Dans « Nous » il est encore question… d’intérieur, micro-territoire de l’intimité, de micro-histoires, de « vies minuscules » circonscrites à l’intérieur d’un territoire-marge. Encore question d’Identité. Qui est ce « Nous » ? Encore question de territoire national. Où vit ce « Nous », comment, avec qui ?
Dans « Nous » il est aussi question de passeport, de visa, de mobilité contemporaine entravée, forcément. De nombreux Amen psalmodiés, donc, évidemment.
« Je dois régler les histoires de papier. » « Je peux pas rester ici. » « Amen. Continuez à faire des bénédictions pour moi. »
Dans « Nous« , il est encore évidemment question de transmission. D’une réalisatrice qui compose avec différentes origines. Le Sénégal, celle de ses parents qui perpétuent naturellement la tradition de la « caisse des morts » en vue de l’ultime retour. La sienne, avant tout la Seine-Saint-Denis. Son chez elle, c’est le lieu où vivent ses enfants. Chez elle c’est ici et pas chez eux, là-bas. Même s’il y a a un peu de là-bas en elle, ici.
Si le retour de ses parents c’est le Sénégal, le sien à elle, c’est le 93, où Alice Diop part sur les traces des petites vies du RER B, sur les traces d’une mère disparue aussi. Sur les traces de populations à priori opposées co-habitant sur un même territoire. Une France post-coloniale multiculturelle cohabitant avec une France de la chasse à cour et des « crétins ruraux ». Et c’est sans préjugés qu’Alice Diop les visite indifféremment, donne la parole aux habitants de toutes provenances, statuts, générations. Dresse le portrait d’une société qui transcende les communautés. Donne une voix aux anciens d’ici ou d’ailleurs, à une jeunesse aussi, qui se dessine une territorialité (dans les) des interstices. Se concentrant sur le territoire, l’attachement au lieu, ce lieu qu’on fait sien, quel qu’il soit. Son projet ? Donner une trace, une existence aux petites vies, créer des ponts. Dans le territoire d’Alice, au final, tous les yeux brillent et rêvent sous le Grand Feu de la fête nationale…
HABITER LE FLUX (NATUREL)
Lucas Ackermann. Suisse. 14 min
» En Suisse, quatre jeunes adultes explorent, contemplent et, sous la forme d’unelettre, disent adieu à leur site naturel préféré. Forêts, montagnes, glaciers et lacs à la beauté étourdissante se succèdent, comme des cartes postales qui tentent en vain de figer ces paysages bientôt transformés par les catastrophes climatiques dont cette génération sera inévitablement témoin. »
Kind Regards… ou l‘utopie du paysage vierge, non humanisé, non territorialisé, « naturalisé ». Kind Regards… ou la nostalgie qui s’empare de ceux qui tentent de s’opposer au mouvement, de figer le mouvement « naturel » d’un paysage « naturalisé ».
12. SLOW RETURN. Habiter le Fleuve
Philip Cartelli. États-Unis, France. 90 min
« D’une extrémité à l’autre, Slow Return remonte le cours du Rhône. Entre les pêcheurs de Salin-de-Giraud et le glacier du Rhône, Philip Cartelli multiplie les rencontres et interroge la relation entretenue par la population avec le fleuve. Explorant les héritages de dépendance et d’exploitation ancrés dans ces paysages, le film compose une archéologie sensible du lieu. »
Slow Return met en lumière la territorialité des habitants du Rhône. Peuple de la rivière, peuple de la mer, peuple de la montagne. Grand fleuve jonché de petites vies et de multiples territoralités qui se recomposent au fil de son débit. Certaines disparaîtront bientôt, emportées par le mouvement global, le flux du fleuve de la vie. Slow Return montre avec finesse la relation complexe qui lie l’homme et la nature, « aussi bien soumise aux activités de l’homme qu’imposant ses propres lois« . Jeu de transformation mutuelle, mouvement perpétuel…. et cohabitation équilibrée qui reste à inventer.
16. AFTER THE FLOOD. Habiter le Flux
« Le long du fleuve Jaune repose la métropole chinoise de Lanzhou. Sur une période de quatre ans, le réalisateur Yuan Zheng y poursuit les traces qu’auraient pu laisser les grands aménagements du fleuve, entrepris dès les années 1950. Mais étrangement, plus rien de semble subsister de ce grand bouleversement et la population, prise d’une amnésie générale, poursuit sa vie. »
After the Flood ou la « fiction » du changement, du mouvement perpétuel, du fleuve qui coule inexorablement, du flux, de l’oubli, de la vie tout simplement. After the Flood ou la résilience et la capacité d’adaptation des hommes à leur milieu sans cesse bouleversé et bouleversant. After the Flood ou le goût des hommes pour leurs minuscules vies, ce qui subsiste, inexorablement.
Pour Habiter poétiquement
[…] sont de retour ! Explore, Salon du Livre en Ville, Black Movie, FIFDH, Visions du Réel pour citer ceux auxquels Le PG a consacré des billets. Mais aussi une marée de Festivals Verts, […]
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