2018. Coeur-Monde ardent. Pèlerinages

Avril 2018. Avant d’arpenter les Nouvelles Routes de la Soie, avant de boucler la tournée des Villes-Monde, avant de clore celui-ci et d’entamer un nouveau chapitre du PG, il est temps. Temps de lier Projet Glocal et Projet Méditerranée, temps d’ajouter la pièce manquante, temps de se rendre dans la Ville-Monde d’entre toutes, dans le coeur du Monde, temps d’effectuer ce pèlerinage…

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Temps de prendre le pouls de ce territoire sensible. Temps de laisser ses sens opérer et rencontrer une société civile effacée par les voix(es) géopolitiques. Temps de finalement aborder l’étape incontournable pour compléter cette étude et tenter de saisir ne serait-ce qu’une bribe de la complexité de cette « cohabitation ».

Temps de plonger dans le coeur du monde, où tout commence et… tout fini ? De là la foi s’est propagée. De là s’exportent et se banalisent désormais les Murs. Là-bas le Territoire est en passe de triompher. Oui c’est là que je dois aller, et maintenant.

Le projet initial ? S’ancrer à Jérusalem et observer. Plan vite révisé suite à un départ un peu « mouvementé »…  Comme toujours le voyage impose sa volonté…

Alors suivez-moi dans une escale placée sous le signe de L’INTENSITÉ !

Sommaire : Murs & Bulles. Livre I - Bâtarde infiltrée. Livre II - Carrefour des Diversités. Livre III - Nation, Territoire et Cohabitation. Livre IV - In Jerusalem we pray, in Tel Aviv we play, in Haifa we work. Livre V - West Bank via Jérusalem-Est et la Cirsjordanie. Livre VI - Construction d'une Nation exclusive(ment) (emmurée?). Livre VII - Du Territoire au territorialisme. Livre VIII - Option culte du Réseau & Mythe partagé ? Livre IX - Abraham the first Routard... Livre X. A stomach like a giant pea. Livre dernier - Sur les traces de Jésus. Epilogue. The Good Tourist. In exil (?).

Préambule – La guerre transnationale commence Ici

The Passport Book von

Je n’ai pas été habituée à ça… D’ordinaire mon passeport rouge constitue un sésame. Pas pour la guerre apparemment. Voici le topo. J’émerge à peine d’un mariage à charge émotionnelle élevée, dû organiser mon futur déménagement dans la foulée, je suis encore perchée, complètement à l’ouest, je n’ai rien préparé… et je me pointe au guichet de la compagnie nationale pour me rendre à l’Est. Ou au centre plus précisément. Centre du monde exactement. J’apprends à mes dépens qu’on ne chemine pas vers un terrain miné la fleur au fusil, les yeux embrumés, sans baliser. Du coup je n’étais pas préparée… à deux interrogatoires hyper musclés, à ce que tous mes déplacements soient scrutés, mon mode de vie jugé, mon passé professionnel étudié. Bref, pour mon profil, louche assurément, pas de laisser passer. En gros, encore 30 minutes après l’horaire prévu du vol, défense d’entrer. Mon crime ? Voyager seule, sans plan précis, durant + de diiiiiix jours, une vie quoi (!) le tout avec un passeport tamponné dans des terres « arabes » (Istanbul, KL, Dubaï… fascinantes V-M qui évoquent à mes interlocuteurs Turquie, Malaisie, Émirats Arabes Unis et une potentielle connivence avec des États ennemis…), à un moment particulièrement sensible, pis avoir travaillé par le passé à la télé aussi…  A un moment j’avoue avoir songé à renoncer et rentrer chez moi. Heureusement j’étais trop épuisée pour réagir. Voilà, welcome to Israël. Secouée.

MURS & BULLES

Livre I. Bâtarde infiltrée

Oui, je m’apprête à atterrir sur un territoire sensible… entouré de voisins ennemis, géopolitique qui entrave mon projet initial de rayonnement-sur-Méditerranée … qui plus est à un moment particulier. Depuis le 30 mars s’organise en effet chaque vendredi du côté palestinien une « grande marche du retour » le long de la frontière avec Gaza. Un rassemblement qui commémore le grand exode, la catastrophe, la Nakba de 1948 et doit culminer le 15 mai, lendemain de la date anniversaire de la proclamation de l’État d’Israël et date du déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem… En miroir, vous l’aurez compris, du côté israélien c’est le 70ème anniversaire de l’État d’Israël qu’on s’apprête à célébrer.

N’en déplaise aux maîtres de la frontière, mon parti à moi c’est d’y aller sans à priori, résolue à ne me priver d’aucune voix. Rencontrer des sociétés civiles, indifféremment. Esprit vierge. Confondre calligraphies arabe et hébraïque, confondre les communautés. Placer cette escale sous l’angle des rencontres et leur laisser, à toutes, spontanément, la chance de s’opérer. A l’encontre du trend à observer, ne pas s’assigner, ne pas s’enfermer, ne s’intégrer à aucune communauté. Posture d’ouverture. Posture hybride obligée. Polyphonie revendiquée. Pour comprendre, sentir, se faire l’éponge de leurs visions, se faire une idée. Privilégier l’intensité et l’éphémère. En mode schizo ? En mode hybride, tout simplement.

Alors si ça fait de moi un profil douteux, même si ça fait mal, même si ça remet en questions, je prends acte. L’indépendance s’acquiert de haute lutte. No one can stop you ! me lancera ce laywer tel avivois qui m’aborda sur le pavé. CQFD.

Livre II. Carrefour des Diversités

Il suffit de poser le pied sur ce micro-territoire pour saisir instantanément pourquoi il cristallise tant de passions et désirs d’appropriations. Richesse inouïe du coeur du monde qui offre une palette d’émotions et de pèlerinages différents.

Sur cette Terre on croise une étourdissante variété de couvre-chefs, beaucoup beaucoup beaucoup de drapeaux et autres marqueurs territoriaux, des pèlerins de toutes religions et toutes géographies, on goûte des idiomes de tous les crus et un concentré de terroirs différents. Sur cette Terre flotte un esprit d’Orient et battent des coeurs chaleureux. Partout on fredonne aussi, toutes les âmes chantent même le klaxon, sport (trans)national imposé pour s’imposer dans une circulation chaotique. Pis on occupe tout l’espace surtout, collines y compris, paysages impressionnants et fil à retordre aux moteurs garanti !

Une Terre-Carrefour. Des religions, des récits, des projections. Lieu de pèlerinages trans-monothéismes et territoire qui cristallise tellement d’enjeux. Des milliers d’années d’Histoire, autant d’imaginaires imprimés. Berceau du monde euro-méditerranéen et par extension, par mondialisations successives, un peu du monde aussi, rien que ça. On s’étonne cependant que cette terre si pleine, si chargée, laisse en même temps de l’espace pour de nouveaux fantasmes. Et la possibilité pour chaque visiteur de composer son menu : Jésus, la playa, les bulles ou le conflit du Moyen-Orient, voire l’option déconnectée et la possibilité de passer totalement à côté de cette réalité. Car cette Terre offre ça aussi. A ce « talent »-là.

Mount of Olives religious pilgrimage vs Mount of Olives political pilgrimage… Same place, same picture, totally different  mood, totally different vision…

Si la cohabitation des hommes s’y trouve provisoirement empêchée, rarement un lieu ne m’aura offert la possibilité de faire cohabiter une telle variété de pèlerinages : urbain, naturel, religieux, politique, historique, touristique, sportif, balnéaire… C’est sans doute ce concentré de possibilités, cette incroyable diversité qui créé cet irrésistible pouvoir d’attraction. Et vous me connaissez, je suis incapable de choisir, ne veux pas me contenter d’un seul angle mais les embrasser tous… Alors forcément pour moi ce sera l’option menu presque complet… Le menu Intensité !

Pèlerinage urbain en errant dans des villes aussi différentes que Tel-Aviv, Jérusalem, Naplouse, Nazareth ou Haïfa.

Pèlerinage naturel. Le Créateur a concentré sur cette terre un échantillon étonnant de types paysagers auquel on accède aisément en rayonnant depuis le coeur de l’humanité. Comment Il s’y est pris pour planter sur un territoire aussi limité une telle variété de décors, mystère de la Création…

Terre montagno-rocailleuse autour de Jérusalem et en Cisjordanie, Terre émeraude-turquoise autour de la Mer de Galilée, Terre dorée de la Vallée du Jourdain, Terre rouge et blanche du désert de Judée, Roches craie-salées du canyon de Massada, Palmiers et sources de l’Oasis d’Ein Gedi, Paysage industriel de Haïfa…

Le tout lové entre quatre mers : pureté originelle de la Mer de Galilée, paysage solaire de la Méditerranée, paysage lunaire de la Mer Morte…

Pèlerinage géo-politique dans les murs, au coeur du conflit, des enjeux et de la dynamique territoriale. Dans le Grand Jérusalem et en Cisjordanie.  20180426_140429

Pèlerinage historique. Les férus d’Histoire sont repus eux aussi. Le paysage palimpseste dévoile ses couches à Jérusalem et sur tout le territoire. Une coupe suffit pour lire les sédiments de civilisations et d’empires qui se sont succédé ici. Et dont on retiendra cette leçon : le pouvoir consiste souvent à détruire et à tout refaire par dessus…

Pèlerinage touristique.  On peut aussi se contenter de suivre l’itinéraire du guide touristique et d’aborder ce territoire en mode parc d’attractions.

Pèlerinage religieux. Last but not least. Berceau des trois monothéismes, ce territoire attire des pèlerins du monde entier. Plonger au coeur des cours de catéchisme et toucher des yeux les légendes de notre enfance, combien d’autres terres offrent une telle opportunité ?

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Livre III. Nation, Territoire & Cohabitation

Pèlerinage géo-sociologique oblige, le pèlerinage religieux attendra, ma foi… Car je suis avant tout ici pour observer la cohabitation, à échelles intra-urbaine (partage du Vieux Jérusalem,  scission du Grand Jérusalem), inter-urbaine (Tel Aviv, Haïfa), intra-nationale, transnationale (Cisjordanie), locaux-touristes. Mais d’abord, quelques bribes de présentation.

État israélien : composition

Au-delà de la diversité des paysages urbains, naturels et de la diversité des options proposées, une des caractéristiques d’Israël est sa complexe diversité démographique, aussi. 

L’État israélien est composée de citoyens juifs et de minorités. La majorité juive est divisée entre juifs ashkénazes, séfarades et russes, ainsi que de nombreuses tribus : Beta Israel, Falash Mura, Hébreux noirs, Bnei Israël, etc. Parmi les minorités, on trouve la majorité arabe (Musulmans, Chrétiens et Druzes), ainsi que d’autres groupes comme les Bédouins, les Circassiens, les Samaritains, etc.

La majorité juive est loin d’être homogène : différents pays de provenance, vagues d’immigration, cultures, degrés de religiosité, statuts, courants religieux, qui se sont fondus, se fondent, ou pas, pour composer la nation juive. On distingue les « sabras », nés en Israël et les immigrés plus récents ayant fait leur Aliyah. Une grande vague post-URSS a vu un million de Russes s’installer et modifié sensiblement la démographie du pays.

Certains affirment que tous les sabras se seraient fondus et la division intra-juive plus d’actu, à l’instar d’un de mes hôtes, dont les origines sont si mélangées qu’il ne puisse toutes les citer ! Leurs ancêtres ont afflué du monde entier, la dernière génération se revendique elle indifférenciée. Ce ne serait pas encore le cas des immigrés plus récents aux caractères plus enclavées et mentalités culturelles plus marquées.

État israélien : une nation ?

Empêchée par le projet territorialiste, la division semble those days damer le pion à la possibilité d’un trait d’union entre État et Nation. 

A entendre mes interlocuteurs, des droits et devoirs différents seraient accordés aux nationaux juifs et arabes, à savoir à peu près tous les autres. L’occasion de chaque côté de se sentir floués. On entend tantôt que Juifs et Arabes ont les mêmes droits mais pas les mêmes devoirs, seuls les premiers étant astreints à l’armée. Tantôt que les Arabes paient les mêmes taxes mais n’ont pas accès aux mêmes services.

Les Juifs et les Arabes parlent des langues différentes, fréquentent des écoles différentes, vivent dans des lieux différents. Pour un de mes guides, rien de très différent de notre cohabitation Alémaniques-Romands : chacun son pré carré, chacun sa langue, chacun se contentant d’ignorer l’autre pacifiquement. « You too don’t care about each other« … Parallèle intéressant, raccourci pas convainquant. Car il y a la réalité du terrain et le message d’en-haut… Le message appuyé par des lois… Qui en n’offrant par exemple pas de possibilité de mariages civils ne favorisent de fait pas les unions intercommunautaires et la mixité. 

Séparée par l’Histoire et des histoires parallèles, par une absence de récit territorial collectif, divisée par le présent et l’uniformisation sociétale en cours, force est de constater que s’il existe une nation israélienne, c’est celle qui se forme à l’armée. Mais nous y reviendrons…

En attendant, depuis ce séjour, la loi définissant le caractère juif de la nation et Israël comme l’État-nation du peuple juif a été adoptée en juillet 2018, provoquant un certain écoeurement chez tous les autres

Cohabitation

20180422_172113 (2)Quels sont les incitateurs qui influent et sculptent le paysage démographique de cette si complexe nation ? Entre Mur de division du Grand Jérusalem, projet territoraliste en Cisjordanie, entre incitations à occuper dehors et tentative de mixité dedans, L’État joue évidemment un rôle important en organisant le territoire d’une certaine façon, reflet de sa manière de composer avec sa diversité et de sa vision de la nation. L’économie influence elle aussi, le prix de l’immobilier poussant tantôt à occuper, tantôt à se mélanger. Comme dans l’arabe Galilée où le gouvernement tente d’installer de jeunes couples juifs pour créer de la mixité. Evidemment la culture reste un facteur important, plus basiquement la présence du réseau, la proximité de la famille : quartiers ultra-orthodoxes, quartiers français de Tel Aviv ou de Netanya, enclaves russes, montagne des Samaritains, villages arabes et villages juifs dans toutes régions du pays… Le mode de vie joue aussi : villes occidentalisées, plus traditionnelles ou plus mélangées. Enfin dans le Vieux Jérusalem, c’est la religion qui fait coexister plus que cohabiter les communautés.

Livre IV. In Jerusalem we pray, in Tel Aviv we play, in Haifa we work

Allez, il est temps de laisser un peu d’espace aux impressions, observations et autres échos d’errance. Alors en route pour la fervente Jérusalem, Tel Aviv la juive, Haïfa la mélangée. Ancrée dans une micro-enclave trans-communautaire, nous ferons encore escale de part et d’autres de la Ligne verte, dans une Grande Jérusalem planifiée et les zones cisjordaniennes A-B-C.

Jérusalem Ville-Monde berceau

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Berceau de trois religions, la cohabitation reste inéluctable intra-muros du Vieux Jérusalem. Un savant partage de l’espace entre les différents cultes et un tourisme à intégrer partout indifféremment entre les murs d’un paysage palimpseste dont une vie ne suffirait pas pour en lire toutes les couches.

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L’espace de la Vieille Ville est divisé en quatre quartiers – juif, musulman, chrétien et arménien. On se perd avec plaisir dans ses ruelles, on butte contre des frontières, se retrouve éventuellement coincée avec son kebab à l’heure de la grande prière. On assiste au ballet parfaitement orchestré entre les recueillements des uns et des autres, les week-ends des uns et des autres. La ville qui se vide, la ville qui se remplit. Des musulmans qui se rendent en masse à la prière du vendredi. Une prière protégée par des gardes israéliens armés et un quartier entier bouclé durant celle-ci. Un Mur des lamentations, rebaptisé Western Wall, interdit pour Shabbat dès le vendredi après-midi. Le moderne quartier juif, reconstruit après avoir été détruit pendant la guerre d’indépendance de 1948, portes closes le samedi. Le quartier arménien qui conserve ses secrets bien gardés derrières les murs  imprenables de ses monastères contraste avec les bazars plein de vie des bouillonnants quartiers chrétiens et musulmans. Enfin le tourisme de masse qui lui occupe chaque espace, sans distinction. Oui, serpenter à travers le Vieux Jérusalem est un jeu très amusant, mais un jeu sous haute protection, un jeu sous tension.

Quatre quartiers…

Quartier juif

Quartier arménien

Quartier musulman

Quartier chrétien

… sous haute sécurité

… qui se vident successivement

Frontières, accès interdits, marqueurs territoriaux et portes dérobées

Lieux sensibles, lieux de passage et espaces…

… à partager avec pèlerins du monde entier…

Vieille Ville de Jérusalem : ferveur partagée, espace à diviser, cohabitation ultra-sécurisée et partage de l’espace réglé comme une ballet entre trois grandes religions, une myriade de courants y possédant une représentation ainsi qu’un flux continu de touristes qui occupent eux tous les espaces, tous les lieux, à tout moment, indifféremment.

Territoire et… semaine partagée 😉 Une nation, trois religions, trois week-ends différents : vendredi musulman, samedi juif, dimanche chrétien.

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Ferveur et… atmosphère partagée. De ces murs se dégage une certaine unité

Ville nouvelle, nouveaux murs

La Jérusalem moderne, jalouse trop longtemps des fortifications de sa sœur aînée, se barricade désormais elle aussi… A l’intérieur, derrière ou entre les murs, elle se veut juive, arabe, ultra-orthodoxe, russe, internationale… Éclipsée par son Mur, elle recèle néanmoins de nombreux points d’intérêts qu’on aurait tort de bouder : Musée d’Israël, First Station, Yehuda Market, etc.

Jaffa Road

Yehuda Market, centre nourricier névralgique de la communauté juive 

Enclave russe et quartier ultra-orthodoxe de Mea Shearim

Tel-Aviv – Bulle déconnectée

« Tel Aviv is The best city in the world ! »

Ainsi dès l’avion le ton était donné. Moi Tel Aviv j’allais y débarquer à un moment très spécial… promis rien planifié !

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Tel Aviv, la plage, la fête, le refuge des LGBT. Tel Aviv et son CBD, Tel Aviv économique Global City, bulle déconnectée du conflit, cocon pour oublier les tensions, a-politique volontairement. Tel Aviv, la Ville-Monde connectée, la ville-exil des modérés. Tel Aviv et sa population chaleureuse et accueillante. Tel Aviv, son désir de légèreté et… d’entre soi… Tel Aviv, la cité occidentalisée qui semble avoir perdu son âme arabe. Tel Aviv, l’Israël de l’économie florissante et du coût de la vie élevé. Tel Aviv, où je retrouve les mêmes trends qu’en Occident : Green wave, enjeux de mobilité, réhabilitation & gentrification.

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Tel Aviv c’est Jaffa, Rabbin Square ou la playa, Newe Zedek, Rotschild Avenue, Florentin, Musée de la Diaspora, quartier yéménite, Habimah Square, et … de l’amour aux murs 🙂

Tel Aviv et la société israélienne, c’est en partie à travers les yeux de mon hôte couchsurfer que je l’ai lue et y fus initiée. Salarié trentenaire d’une compagnie informatique dans le vent et membre d’une communauté globale assurément : une jeunesse en quête de sens. Membre d’un mouvement national également : celui qu’on appelle communément la gauche israélienne et dans lequel on enferme et caricature tout citoyen qui s’élève contre la politique territorialiste actuelle. F., membre d’une société civile qui se refuse désormais à parler de politique. Symbole de la disjonction entre géopolitique et citoyens… ou quand une politique qui devrait être le porte-voix de (s)ces citoyens, s’en affranchit pour mener son propre combat. Mon hôte lui est capable de distance et d’humour politique. Ainsi, alors même qu’il a récemment troqué la télé pour les puzzles, il ne peut résister à se tordre devant une parodie télévisée des turnmoils nationaux diffusée le jour d’Independance Day.

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Finalement mon nouvel ami ressemble au Genevois lambda que je pourrais fréquenter. Adepte du vélo qui tente de cohabiter avec ses amis végan. Rêveur qui privilégie la qualité de vie à celle du porte-monnaie, préfère CouchSurfing à Airbnb. Citoyen global qui aime voyager, particulièrement dans des terres où la nature a gardé tous ses droits. Dans des terres arabes aussi. Citoyen local soumis aux lois de l’immobilier, empêché de rejoindre ses amis dans le quartier ultra branché, arty, vintage et étudiant de Florentin. Citoyen glocal, qui à défaut de faire communauté nationale, accueille des gens du monde entier, curieux d’entendre ce que le monde occidental « pense des Juifs« . Un hôte ouvert et généreux, qui se sent enfermé. Ville-cage dorée, job cage dorée.

Memorial Day & Independance Day. Même décor, autre état d’esprit. Le recueillement avant la célébration, sur une place symbolique qui porte le nom de celui qui aura été assassiné pour avoir voulu la réconciliation.

A ses côtés, j’ai eu l’occasion d’assister aux commémorations de Memorial Day. Mon nouvel ami n’est pas nationaliste, il respecte toutefois ce moment de gravité. On termine la soirée trankilou posés à siroter une bière sur son balcon, profitant du spectacle des cours de l’école ultra-orthodoxe de l’autre côté de la cour. L‘occasion pour lui de me briefer sur la situation religieuse dans le pays. Une religion qui se renforce à l’intérieur d’un État qui tente d’imposer un mode de vie. Injonction qui pousse des familles de plus en plus nombreuses, face à l’augmentation de la religiosité dans le public, à placer leurs enfants dans le privé (je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec la France où s’observe le processus inverse, des jeunes juifs sont sortis de l’école publique pour intégrer un enseignement communautaire). Qui commence à déchirer des familles aussi. Lui et ses amis restent choqués par la rupture d’un des leurs, alors que son mariage mixte avec une non-juive était imminent. F. lui revendique sa laïcité et la brandit désormais comme un acte de résistance. Le lendemain soir, il m’emmène aux célébrations d’Independance Day, concerts et feux d’artifice à la clé. Mi ironique mi ému de me convier à une fête que lui-même n’avait plus fréquentée depuis des années.

Comme mon hôte prend goût à redécouvrir sa cité en mode touriste, on ne s’arrête pas en si bon chemin et on arpente Jaffa, ancienne ville portuaire arabe, plus vieille ville du pays à l’histoire mouvementée.

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Alors qu’on arpente les ruelles historiques du vieux Jaffa, mon guide tente de m’éclairer sur la dynamique territoriale en cours. Ainsi ce Memorial autel, placé au coeur du quartier arabe n’a rien d’innocent…

Where you see tourism, I see politic, provocation.

Le principal port de Palestine fut tantôt égyptienne, romaine, arabe, chrétienne, croisée, française, ottomane, britannique, avant de devenir le principal port de retour à Sion et enfin le quartier arabe de la ville, aujourd’hui divisé entre partie touristique Unesco/musée et partie branchée et cours de gentrification, où gentiment la population arabe se voit remplacée. Arabes et F., mêmes victimes de la gentrification. Une gentrification qui a le mérite au moins dans les premiers temps, avant de tout uniformiser, de mélanger les gens, d’apporter de la mixité et un avant-goût de cohabitation.

Jaffa en gentrification

On sillonnera ensuite Newe Zedek, autre quartier historique d’importance. Si on lui trouve aujourd’hui des petits airs de Soho, il fut par un passé pas si lointain la colonie juive originelle de la cité.

Le seuil de tolérance de nationalisme de mon hôte atteint, j’assisterai seule aux célébrations diurnes des sept décennies de la création. Pour humer l’ambiance en tentant de me frayer un chemin parmi la foule qui se presse, légère, pour assister à la parade militaire dans le ciel de Méditerranée.

Sur Rotschild Avenue – artère principale où les disciples du Bauhaus réfugiés en leur temps tentèrent d’importer un morceau d’Europe – comme à Rotschild Square, les queues s’allongent pour participer aux animations et visites guidées organisées pour l’occasion. Dans toutes ces processions disséminées le long de l’Independance Trail résonnent particulièrement les mots de mon voisin d’avion… effectivement « y’a pas d’Arabes ici« …

Rotschild Square, Allenby, Marché Carmel

La Grande Synagogue

C’est enfin guidée par un rabbin dépité en mode « plus-assez-de-fidèles-synagogues-vides-gens-préfèrent-le-pub« , discours écho inversé à celui du « renforcement-imposition religiosité-par-l’autorité« , que je visiterai la Grande Synagogue. Peurs des uns, pleurs des autres dans un État sans constitution faute d’un consensus sur la place donnée à la religion, qui apparemment est loin d’être tranchée. 

Peut-être les synagogues se vident-elles, quoi qu’il en soit, lors de Shabbat, de surcroît le jour d’Independance Day, il y a consensus sur l’immobilité. Pas de bus pour Jérusalem, où mon ami ne m’accompagnera pas, malgré ses jours fériés. Il boudera ce « musée à ciel ouvert, too much, too heavy » pour lui. Il lui préférera un territoire vierge, le désert. Il préfère le Sud à Jérusalem, les grands espaces aux territoires trop chargés. Cinq heures seront nécessaires pour sortir de la ville et entamer a sunset journey to Jérusalem, où j’arriverai finalement de nuit. Whaou effect. J’atterris à côté de la Tour de David, dans une pension de pèlerins au confort ultra rudimentaire, mais avec un vue magique sur la vieille ville.

Haïfa, another cohabitation ?

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Au-delà de quelques initiatives confidentielles, de quelques villages pilotes, il existe au sein de l’État israélien, une grande ville dont on dit qu’elle serait celle de la cohabitation : Haïfa. Mon amie M. et son chéri palestinien disent d’elle qu’elle est la plus ouverte, la plus sympa. Alors mon petit tour et puis s’en va ne m’aura pas permis de trancher, mais j’ai tout de même eu le loisir de repérer quelques indices.

Haïfa, ville universitaire industrielle, semble toute tournée vers son port. Quelle meilleure ouverture au monde qu’un port, ça commence bien. Haïfa abrite une grande université où Arabes et Juifs ont pour un temps au moins le sentiment de partager un destin commun. Autre cadre de potentielle influence, Haïfa est la capitale mondiale de la religion Baha’i, une religion dérivée de l’islam chiite apparue en Iran au milieu du XIXème et qui compte aujourd’hui plus de six millions d’adeptes, dont quelques uns à Genève 😉 Une religion « dont le but est d’unir tous les peuples du monde dans une cause universelle et une foi commune », rien que ça… qui accepte la validité de la plupart des religions du monde, et dont les Jardins et le mausolée Baha’i surplombent et embrassent toute la cité. Haïfa accueille aussi la German Colony, Gefen House, un centre culturel arabe-hébreu, le Musée de l’Immigration clandestine, ou le Fattoush, un lieu qui annonce d’emblée sa bonne volonté…

Une volonté de cohabiter affichée loin d’être anecdotique à une époque où le message compte autant que les actes. Sinon à Haïfa on célèbre aussi le Holiday of Holidays Festival. Une célébration commune Noël-Hanukah-Aïd tout à la fois. Alors oui, Haïfa a Bubble still, mais Haïfa pourquoi pas !

Livre V. West Bank – Via Jérusalem-Est et la Cisjordanie

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« Welcome to Palestine ! »

De l’autre côté de la Ligne verte, sous l’aile de guides bienveillants, je sillonnerai tantôt les pentes de Jérusalem-Est, tantôt les pistes de Cisjordanie. Avec bien sûr, comme chaque fois, une frustration à la clé, car « Yes Palestine has so much to see« , pour quoter un guide-ami amoureux de sa contrée. Je reviendrai, forcément, pour découvrir Hébron et sa cohabitation compliquée, Bethléem ça va de soi, Jéricho ou Ramallah. En attendant, je saisis l’opportunité d’être initiée au Grand Jérusalem et aux trois zones A, B, C. Sur la mappe et sur le pavé : en mode colonies (settlements israéliens), camps de réfugiés (pour Palestiniens), cité bouillonnante (Naplouse) ou « gated community » (Montagne des Samaritains).

Et que ce soit à Jérusalem-Est ou dans le reste de la Cisjordanie, le territoire semble subir une partition programmée. Colonisation de Jérusalem-Est, où quartiers juifs et arabes sont reconnaissables à l’œil nu. Pour les uns, quartiers flambants neufs avec toutes commodités. Pour les autres, toute nouvelle construction relève du parcours du combattant. Combattant qui finira éventuellement par sauter sur ce visa à destination du Canada ou de l’Australie qui lui est si gentiment octroyé… Ici vivent en effet les Palestiniens détenteurs du sésame résidentiel israélien, des résidents tolérés sous condition, reconnaissants pour leur « droit » à la circulation et réduits au silence par la même occasion…

Quittons donc cette Jérusalem-Est en mutation où les murs s’élèvent plus que les voix, pour cheminer à travers les paysages rocailleux de Cisjordanie. Et le Grand Jérusalem, passage obligé. Ici c’est traversées de check-points au faciès et découverte à travers la vitre, médusée, d’érection de routes « communautaires ». Construction de routes et de destins parallèles. Découverte d’un paysage mité. Murs et settlements. Dans le Grand Jérusalem, un quartier central appartient subitement à West Bank, un village de 30 minutes éloigné se voit embrassé dans La cité des Dieux… On assiste quasiment en live à l’accélération de la décohabitation. A l’amenuisement d’une possibilité. A l’érection non pas de deux Etats, mais de bulles et d’une prison. Traitement différencié. Enclavement généralisé.20180421_153513 (2)

Enclavement derrière des murs, enclavement dans des colonies. Où tout est fait pour encourager l’urbain en manque de confort ou de moyens à s’installer. Prêts à taux imbattables accordés bien plus volontiers dans ces lieux désignés, services et qualité de vie inconcurrencés, vie communautaire et Le mot-clé : sécurité assurée. Petit à petit, la partition se banalise. Little by little, le processus fait son nid. Et progressivement, avec lui, la culpabilité diminue. Chacun connaissant quelqu’un habitant une colonie. Et dans le pack des commodités sont en bonus inclus des arguments clés en main à brandir contre les premiers colons, les colons de la création qui eux ont envoyé dans des camps ou exilé des millions de Palestiniens… Contre ces settlements illégaux au regard du droit international, plus rien à opposer.

Quittons ces bulles grillagées, partons plus loin, sur d’autres routes de Cisjordanie avec des Palestiniens au statut spécial qui que ce soit en visitant les cousins du Camp de réfugiés de Balata ou de Naplouse, se sentiront toujours un peu traitres, un peu vendus. Oui à l’instar de celle de son voisin, la population de Cisjordanie est loin d’être homogène. Complexité, toujours, partout. La peur et les compromis induits par la coexistence économique du quotidien pour les uns, la peur de perdre le « droit au retour » qui assigne les anciens dans des camps de réfugiés depuis 1948… 

Dans le camp de Balata, les photos des martyrs sont partout affichées, martyrs aussi d’une Autorité palestinienne, « sbire d’Israël » plus zélée que l’ennemi, m’a-t-on ci et là soufflé. Autorité apparemment gangrénée par la corruption et jalouse de ses avantages. Une Autorité qui a trahi, poussant une partie des Palestiniens, ceux qu’on ne visite désormais plus, à choisir un parti aux positions plus radicales… Une Autorité enfin qui a élu Naplouse comme hub économique, prenant soin de relayer dans des cours invisibilisées certains bastions de résistants…

« I Don’t go to those places, I Don’t like bubbles. Haifa ? Bubble… Tel Aviv, Yehuda Market ? Bubbles in a Bubble. »

En traversant ces terres si chargées, introduite par de jeunes guides transnationaux, se composant un destin entre Palestine, Europe ou bien plus loin, en compagnie d’un jeune journaliste juif new new-yorkais aussi, qui en repérage d’universités sur la terre de ses aïeux prit conscience de la réalité du terrain, en compagnie de touristes curieux ou de membres d’ONG, … je me demande quand toute cette inextricable dynamique politico-territoriale a bien pu commencer. Lors de la partition de l’Empire ottoman me répond-on, lorsque les Britanniques contèrent fleurette à toutes les parties présentes…

Livre VI. Construction d’une Nation exclusive(ment) (emmurée ?)

Si la territorialité consiste à intégrer harmonieusement des éléments dans un cadre donné, le territorialisme a un aspect bien plus bricolé… Dans le territoire sous contrôle israélien, certains éléments se fondent sans s’intégrer dans le décor. Étonnement géographique toujours, mais différente vibration… Dans le territoire sous contrôle israélien, on croise par exemple à chaque coin de rue des jeunes filles à peine sorties de la puberté mitraillette à la main…20180421_093135

L’armée … grosse affaire dans le pays. L’armée, a big deal, sur toutes les lèvres d’une jeunesse qui sacrifie trois ans de sa vie à la sécurité. L’armée, qui modifie tout le parcours de vie du jeune Israélien. Études tardives, familles encore plus tardives. Armée qui consolide une nation juive surtout. L’armée israélienne, « fait social total » pour lequel mes jeunes interlocuteurs expriment une position ambivalente, entre fierté et rejet. Ils louent l’armée qui  les a fait grandir, leur a donné le sens de la communauté, de la solidarité, de la nation. Les a en prime fait voyager, découvrir la géographie, la démographie et les classes sociales de leur pays, leur a appris à se mélanger. Oui, ils sont reconnaissants pour tout ceci. Ce qui n’empêche pas nombre d’entre eux de « flee from Israel right after the army« . Tous voyagent apparemment, certains s’expatrient  plus longtemps… juste le temps nécessaire pour échapper à un statut peu envié, « réserviste armé »…

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N’empêche… la nation se construit à l’armée. Ce qu’un membre du club des Arabes de Jérusalem au statut « privilégié », qui a en outre apprécié ses études à Haïfa, ville universitaire de mélanges où Juifs et Arabes « get along », n’a pas démenti, car « at the end some go to army and the others not« . Ainsi s’ancre la division, inéluctablement.

Livre VII. Du Territoire au… territorialisme

Israël, où quand le Territoire dérive au territorialisme. Territorialisme : quand la propriété dérive à l’appropriation exclusive et excluante. Un territorialisme qui joue cette partition : Cohabitation –> Coexistence ultra-sécurisée –> Division consommée. (Co)habitation(s) étatico-emmurées. Entre les murs, parler de cohabitation ne fait plus guère de sens. Murs, checkpoints, barbelés, colonies à protéger. Mot d’ordre et unique idéologie : SÉCURITÉ.

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Sauf qu’on peut légitimement s’interroger : quelle sécurité ? Quel piège est en train de se refermer ? Quel ghetto se bâtit pour ceux-là même qu’on entend protéger ? Un monde où des nouvelles générations ne se seront jamais rencontrées, mélangées, dépassé leurs barrières. Une cocotte-minute. Un piège pour les citoyens d’ici. Une punition pour les transnationaux de là-bas, qui subissent des représailles envers lesquelles le gouvernement ne semble guère se soucier de sa responsabilité… Un gouvernement trop attelé à décrédibiliser toute voix dissidente en lui apposant l’étiquette réductrice de gauchiste. 

« Le mur qu’on a construit se referme sur nous. Parfois j’ai l’impression qu’on a construit notre tombeau. » Le rabbin dans « Holly Lands », 2018

Trop d’idéologues traitres à la patrie dans ce pays ? parce que j’ai ouïe dire qu’une majorité d’Israéliens agree sur une solution pour la Palestine. It sound’s encourageant. Reste que je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec ma lecture du moment… « Un jour le Cachemire aura poussé l’Inde à se détruire de la même façon. Ce jour-là vous pourrez bien nous avoir rendus aveugles, chacun de nous, avec vos carabines à plomb. Vous, vous aurez encore des yeux pour voir ce que vous nous avez fait. Vous ne nous détruisez pas. Vous nous construisez. C’est vous-mêmes que vous détruisez.«  (Le Ministère du bonheur suprême, p. 519)

Résonance, écho troublant… Un consensus pour lâcher des terres de son voisin donc, et un consensus pour ne pas lâcher le Plateau du Golan aussi, territoire trop stratégique pour un pays influencé par la géographie. La Bible aurait désigné un refuge trop exigu, trop sec. Un refuge constitué à 60% de désert. La géographie associée à une histoire tragique. Aboutissant à une obligation d’innover, de travailler fort, et une tentation à exclure aussi, apparemment. Une nouvelle mentalité de propriétaire associée à l’Histoire, aux textes pour soutenir le territorialisme ?  20180418_144606

Aujourd’hui, le projet territorialiste amenuise la possibilité de la cohabitation de deux États… Quelle alternative ? la cohabitation au sein d’1 seul État israélo-palestinien uni ? Utopie ? Aujourd’hui, clairement. Ressenti ? NOTHING religious here, meaning in this conflict. It’s all about territoire & politic. Rien de religieux, excepté la référence à un territoire mystifié, désigné dans des textes. Des textes parallèles, racontant des histoires parallèles. Une envie de « chambre à part » faute d’Histoire commune. Et une source de conflit territorial et pas d’ordre culturel, pas lié à une intolérance vis-à-vis de croyances, modes de vie et rites différents.

Livre VIII. Option culte du Réseau & Mythe partagé ?

Dans un monde où Territoire et Réseau joueraient à égalité, le processus d’ancrage d’un peuple exilé exilant à son tour un peuple ancré aurait des chances de cesser. On ne le répétera jamais assez : le Réseau crée des communautés transnationales, le Territoire lui créé des réfugiés. Dans un monde où le réseau serait valorisé, la maison embrasserait sa nation d’ici et d’ailleurs comme un tout au lieu de l’exhorter à rentrer.  Dans un monde où le Réseau triompherait, on aurait toutes les raisons d’être fiers d’être palestinien, ce grand peuple, cette grande nation dispersée. Toutes les terres d’ancrage ou de passage de la diaspora constitueraient autant de morceaux de transnation. Une diaspora louée qui redonnerait sa fierté au peuple palestinien dans son entier.

Et si cette dynamique de chassés-croisées était née d’un malentendu ? « Le récit de l’exil des Juifs, après le destruction du Temple de Jérusalem par les Romains, est un épisode déterminant pour la théologie juive mais aussi pour l’histoire de l’Europe et du Moyen-Orient. » (Exil, enquête sur un mythe, 2011).

C’est en tout cas ce que semble suggérer le documentaire « Exil, enquête sur un mythe. » Un mythe qui a réduit l’exil du peuple juif à une rupture, une punition, et la diaspora à un état forcément provisoire. Or si après la destruction du Temple il n’avait pas été seulement question d’exil forcé ? Si certains, inspirés par Abraham, avaient sciemment fait le choix du Réseau ? Si l’Empire avait proposé une option soumission en Galilée et non l’exil systématique de tout un peuple ? Si à Sephara les rabbins par d’autres nations avaient continué à être loués ? Sepphoris – Safara – Tsipori… Ce lieu aurait-il pu rimer avec continuités et non uniquement avec ruptures ?

Et si le peuple juif en devenant Territoire exclusivement perdait un peu de son mythe justement. Le mythe d’un peuple adaptable aux environnements. Un peuple qui ne se limite pas à une terre mais capable de les embrasser toutes. Un peuple capable de faire vivre sa culture dans l’intime, de l’exporter et de réussir la transmission dans le mouvement ?

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Aujourd’hui j’entends des voix dites progressistes s’élever pour dénoncer le danger de dilution d’une partie de ce qui fait l’essence-même de la l’histoire juive : le dialogue entre des mondes, des cultures, des lieux, un état perpétuellement en mouvement, jamais vraiment installé. Une caractéristique du judaïsme asphyxiée par un processus de sédentarisation, d’installation définitive, d’assignation, par une recherche de pureté. Aujourd’hui des voix nous rappellent que l’intelligence en hébreu signifie « entre-deux », ou la capacité d’habiter des mondes simultanément, un nomadisme, mental ou géographique, l’idée qu’on est en chemin. 

Il y a donc urgence à réhabiliter le Réseau, et puisqu’il n’est pas de cohabitation sans mythe, sans récit collectif, il y a aussi urgence à inventer une Histoire commune, appréhender l’histoire de ce territoire dans la continuité et non sous le seul prisme des ruptures. Car sans Histoire commune, pas de vivre-ensemble, forcément. Que dire d’un territoire où même les pèlerins se croisent dans l’indifférence, se revendiquant d’histoires parallèles… Dans une optique historique palimpseste, l’histoire de cette terre cesserait d’être une suite de destructions et de re-territorialisation. La diversité remplacerait enfin le perpétuel Grand remplacement. Une Histoire commune remplacerait toutes ces histoires qui s’excluent mutuellement. Les strates formeraient une com-pilation.

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L’Histoire ne nous apprend-elle donc rien ? Quel pervers mécanisme a pu conduire un pays né suite à l’holocauste à construire à son tour un mur ? Reste qu’en arpentant le quartier de Newe Zedek, on saisit à quel point cette douloureuse Histoire a accouché d’un besoin de commémoration, d’appropriation, de marquage territorial. L’urgence, après avoir été chassé de partout, après avoir échappé à l’extermination, de crier à ce monde qu’on a désormais à lieu à soi…

Ici au cœur du Monde, la cohabitation Territoire – Réseau se fera ou ne se fera pas. Ici, au cœur du Monde, on a l’opportunité de tout inventer. Où d’autre que dans le foyer de la foi l’espérance est mieux permise ? Dans un pays où sont présentes les trois religions monothéistes pourrait s’épanouir une démocratie laboratoire de tolérance, d’acceptation de l’autre, un laboratoire exportable du vivre-ensemble. Aujourd’hui, le rêve est autant acte poétique que politique… Et l’espérance un totem. Car il n’y aura dans ce conflit pas de gagnant. Tout organisme vit du subtil équilibre entre intérieur et extérieur, toute communauté entre besoin de couver les siens et s’ouvrir aux autre. Mais tout organisme privé d’échange avec l’extérieur, en vase clos, est voué à mourir.

En attendant le cercle vicieux se réjouit. En attendant, dernièrement le Territoire gagne par k.o. En rentrant de mon pèlerinage je tombe sur un débat sur l’augmentation de l’antisémitisme en France. Qui serait pour partie une réponse à la colonisation. Un antisémitisme auquel répondent davantage d’alyah en Israël. + d’alyah = fatalement besoin de + d’espace = davantage de colonies = aussi un Territoire qui prend l’avantage sur le Réseau dans l’imaginaire juif = la solution d’une cohabitation à deux États-Nations qui s’amenuise = + de tensions et de transnationalisation de celles-ci = un processus fatal sans fin. 

Ainsi, l’é(É)tat de ce Territoire influence la marche du monde en même temps qu’il est influencé par celle-ci. Ainsi cette Histoire nous concerne tous, sachant que tout ce qui germe ici se trans-nationalise partout. Cette Histoire-là me concerne moi aussi. Même si je suis ici pour rechercher avant tout ce qui nous unit. La foi, la curiosité pour d’autres contrées, un viscéral besoin de mobilité, une envie de comprendre Notre Histoire en visitant notre noyau commun.

Oui, on voudrait pouvoir se deviner, ensemble, au autre destin. Mais finalement, comme s’en console un ami palestinien, cette réalité-là ne constitue qu’une toute petite partie de l’Histoire, et, dans 1000 ans peut-être ne la mentionnera-t-on même pas…

Livre IX. Abraham ? the first Routard ;-)…

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Tous les espoirs sont peut-être finalement permis… Car dans le coeur du monde, c’est quand même un Routard, un partisan du Réseau qui fait consensus… Abraham, le guide, le prophète en mouvement, un espoir de réconciliation…

…  et à son image, l’Abraham Hostel, un micro-échantillon de cohabitation… et la meilleure des options pour rencontrer des opinions… Accoudée au bar ou devant un concert… Un soir tu refais le monde avec une archéologue londonienne qui vit la moitié de l’année à Tel Aviv et reste persuadée que l’avenir du monde va forcément dans le sens des mélanges et de la cohabitation. Après tout, elle vit à Londres… Ou Geoffroy, un jeune pro-Trump de Chicago fils de deux immigrés mexicains, partisan d’un idéologue « authentique et successful » davantage que d’une idéologie… et très fier de sa boutade « Oh because you don’t agree with Trump we can’t be friends then« . N’empêche, on a bien ri. On poursuit le dialogue Dieu merci. Moi tout encore trempée d’un déluge du cru, intense lui aussi, forcément. De retour au dortoir, tu veilles tard, occupée à refaire le monde avec des routards de tous âges et  de tous horizons. Tu ne te prives d’aucune voix.

Mais ce micro-territoire fort heureusement ne constitue pas l’unique tentative de réconciliation 😉 Sur cette terre aride poussent des fruits dont on aurait pas osé rêver. Sur cette terre fertile germent quelques belles initiatives conjointes aussi, comme le village pilote de Neve Shalom et ses rejetons. Comme toutes ces initiatives de la société civile. Comme tous ces métissages culturels et artistiques, dont le Mekudeshet Festival de Jérusalem est une vibrante vitrine.

Livre X. A stomach like a giant pea

Lors de mon séjour, alors qu’une moitié de mes guides célébraient les 70 ans de la création de l’État d’Israël, l’autre pleurait la Nakba, le grand exode palestinien. Pas de communion possible dans pareilles circonstances ça s’entend. Mais pour autant, mes guides bienveillants sont-ils si différents ? Ai-je eu le sentiment de pactiser avec des frères ennemis ?

D’un côté on fuit une Jérusalem « too politic » où on ne met éventuellement les pieds que pour l’avoir vu une fois, de l’autre on s’y accroche par tous les poils, bien décidés à ne pas y renoncer, allant jusqu’à se jurer de « never give up on that place« . D’un côté on est persuadés que si les Gazaouis étaient appelés à revoter jamais ils ne referaient pareil choix, de l’autre on estime le courage de ses cousins qui sont un peu la fierté et la mauvaise conscience des Palestiniens. D’un côté on est assignés à Jérusalem-Est, de l’autre on se sent enfermés en Israël, ne sachant guère, except Tel Aviv, où aller ?

Au-delà de ça, ce qui lie le plus mes interlocuteurs c’est leur laïcité revendiquée. Une laïcité de résistance. Evoluant au cœur d’un conflit qui mêle enjeux territoriaux et religieux, et faisant porter au second les intentions du premier, ils ont été privés d’un bien précieux, la foi. Une foi qui permettrait d’adoucir la cohabitation… Cette foi qui permet d’espérer… autre chose, à l’instar d’un de mes guides, qu’un tremblement de terre ou un tsunami qui raserait tout et forcerait à tout reprendre dès le début… Ainsi leur résistance à la politisation de la religion les a punis de ce cadeau. Le territoire gagne-t-il décidément toujours par ko ?

Un conflit qui les aura peut-être détournés de la foi mais une incertitude qui aura révélé un bien résilient mantra ma foi, celui de vivre chaque jour intensément, parce que « you never know how it turns the day after« . 

I don’t want to pretend

Sinon, des deux côtés on refuse de « pretend ». Mais alors que d’un côté on se dit « used to terror attacks« , de l’autre on ne peut se résigner à l’assignation, aux contrôles au faciès, à la peur de se voir retirer son permis de résident. Si du côté dominant la cohabitation consiste à se contenter de s’ignorer, de l’autre on mène une véritable lutte pour accepter les clauses de cette « cohabitation ». Mais ne pas « pretend« , n’est-ce pas souscrire ainsi et malgré soi à l’esprit de rupture ? N’est-ce pas se priver d’une alliance possible ? Pas de foi, pas d’espoir…

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Mais qu’ils appellent ce territoire Israël ou Palestine, mes guides s’étaient donné pour mission de m’initier au meilleur houmous de La Terre ;-). Confirmant que s’il existe une seule vérité ancrée dans ce bas-monde, c’est que la nourriture rapproche les peuples. Dans le coeur du monde on fait certes consensus sur Abraham, mais sur le trio humus-pita-fallafel aussi… du coup ben au retour ton système digestif ressemble à un GIANT PEA. Oui dans le coeur du monde qu’on le veuille ou non on partage une culture commune. Et pour ce qui est de mes guides, à côté d’un refus de religiosité, un grand sens de la communauté, une importance donnée aux fondements d’une culture juive assumée, une âme arabe portée avec fierté, quelques bribes de Méditerranée, une plâtrée de houmous, bref les bases d’une culture orientale qui unit.

On s’en réjouit… mais que se passera-t-il le Jour du grand rassemblement, le 15 mai ? Une scission consommée ?

Livre dernier. Jesus Trail – Sur les traces de Jésus

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Je délaisse pour un temps ce questionnement et le turnmoil géopolitique pour La Paix. Il est temps de m’accorder une respiration, un moment de sérénité. Temps d’atteindre cet instant de plénitude qu’on espère du paroxysme de tout voyage. Encore toute habitée par la ferveur du récent mariage religieux auquel j’ai assisté, j’entame mon pèlerinage.20180420_140223 (2)

Je laisse ici mes guides laïcs pour un nouvel ami plus concerné par les questions de spiritualité. Mon pèlerinage religieux, c’est en partie guidée par M., membre de la communauté évangélique strasbourgeoise que je vais l’effectuer. Ce chaudronnier mulhousien a choisi pour terre d’élection Strasbourg, cité internationale et ouverte. Capitale française de la communauté juive aussi. Qui dans une volonté de prolongement le conduira naturellement dans cette nouvelle terre d’élection, Israël. Où sa maman effectue un volontariat de deux ans dans un kibboutz, bénéficiant de la seule possibilité d’escale longue durée pour une non-juive dans le pays. Prolongement et lien avec sa propre religion aussi. La possibilité de lire les textes bibliques en hébreu. M. se rend régulièrement ici pour perfectionner une langue qu’il apprend à Strasbourg au sein d’un centre culturel et d’échanges juif qui lui a donné l’envie de faire plus ample connaissance avec un peuple auquel il voue une véritable admiration. Un peuple de volonté, qui va toujours de l’avant. Il n’en délaisse pour autant pas ses frères chrétiens d’Hébron et de Bethléem, les oubliés du conflit, qui quittent leur terre en masse, fuyant un quotidien devenu trop dur et incertain et auquel M. vient apporter son soutien.

Pèlerinage, épisode I. De la Via Dolorosa au Mont des Oliviers

Une dizaine de stations composent la Via Dolorosa, le chemin du Christ portant sa croix à travers le Vieux Jérusalem, de la porte des Lions via le quartier musulman jusqu’au Saint-Sépulcre. 

Dans le Vieux Jérusalem, le recueillement est compromis par l’agression commerciale des rabatteurs et les convoitises dont on fait l’objet le long de la Via Dolorosa. Pour trouver la paix, il faut se réfugier dans une église ou s’élever, tout en haut du Mont des Oliviers, pour fouler les derniers lieux fréquentés par Jésus. 

Pour la tradition juive, le Messie entrera dans Jérusalem par le Mont des Oliviers qui compte aussi le plus grand cimetière juif du monde. Pour le pèlerinage qui nous occupe, le Mont des Oliviers abrite entre autres le tombeau de Marie, le jardin de Gethsémani, la basilique de l’Agonie ou église de « Toutes-les-Nations », enfin l’église de l’Ascension, d’où Jésus serait monté au paradis, désormais mosquée du village arabe d’A-Tur.

Pèlerinage, épisode II. En Galilée sur les traces de Jésus

Le pèlerinage se poursuit en Galilée, dans cette terre où chaque action de Jésus est marquée territorialement par un lieu de culte, de commémoration. Ici la Bible fait office de GPS et les cours de catéchisme de mon enfance défilent en live, sous mes yeux !!! Beaucoup d’émotions et l’impression de rentrer dans le Livre.

Un pèlerinage au nombreuses escales via Nazareth, plus grande ville arabe du pays, Église Saint-Joseph, Basilique de l’Annonciation, Mont du Précipice, Mont Tabor, Plaine de l’Armageddon, Tabgha, Église de la Multiplication, Mont des Béatitudes, …

… Autour du lac de Tibériade, à Capharnaüm, où Jésus vécut avec ses pécheurs, avec une petite « escale » géopolitique et un retour à la réalité le long du plateau du Golan, toute proche d’une Syrie à feu et à sang… Avant de poursuivre un Yardenit pour un baptême dans le Jourdain. Et rentrer via Jéricho et la Vallée de « l’Or ».

Epilogue. The Good Tourist. In exil (?).

La peur peut aussi être un moteur. Ainsi sans la secousse à l’aéroport mon séjour aurait été tout différent. Je me serais sûrement contentée selon le plan initial de m’ancrer à Jérusalem pour y prendre le pouls de sa cohabitation. J’ai finalement traversé le pays en long en large et en travers, run everywhere to get pictures to show and play « the good tourist ». Je n’ai pas ménagé mon énergie. Mobilité, mobilisée ! Saw so many places. Usually never travel this way. I made my Homework, did what was excepted from me… Et débarqué au check-in du retour avec plein de pictures de la parfaite touriste à montrer, toute trace du mur, de Cisjordanie et de mes guides palestiniens soigneusement effacées. Ben oui cette fois-ci j’étais préparée. Du coup interrogatoire moins musclé qu’à l’aller. Me suis même payée l’audace de plaisanter lorsqu’on m’a demandé ceci : « Do you have any connections in United Emirates ? » Euh, comment te dire, si j’ai voyagé avec Emirates à plusieurs reprises c’est juste que Emirates Airlines = a cheap company… Bref, I did a good job apparently.

Mais si cette expérience initiale aura intensifié exponentiellement mon expérience, elle aura aussi eu comme effet secondaire un peu surprenant un soupçon de… paranoïa. J’avoue qu’il m’est arrivé a posteriori d’une de ces nombreuses rencontres impromptues que permettent la chaleur et le sens de l’accueil des Israéliens de m’interroger sur la part de hasard d’avoir croisé un/e tel/le sur mon chemin. Doute accentué lorsque j’appris plus tard que dans les vols de la compagnie d’État quelques agents en civil étaient disséminés. Moi j’étais placée à côté de Ben, back home après avoir fui trois ans en Europe après l’armée. On a immédiatement sympathisé, il m’a guidée, conseillée les terres où aller et à éviter, sa famille m’a gentiment invitée… A la gare idem suis de suite tombée sur un monsieur qui m’a prise en charge et guidée. Tout au long du séjour je ferai des rencontres fort avides de connaître mon itinéraire et mes impressions.

Je rentre complètement vidée et si pleine de toute cette intensité, de ces rencontres, ces paysages, de toute cette complexité. Et un peu nostalgique aussi. Car j’ai si peu vu, si peu compris. Contrairement aux agents de sécurité dix jours c’est rien, nada, nothing. J’aimerais retourner ne serait-ce que pour étudier la composition de cette si passionnante nation, constituée d’ajouts de toutes cultures, de toutes géographies, courants religieux, degrés de religiosité, vagues d’arrivées… Aller au Sud, nager dans la quatrième mer, me perdre dans le désert, monter dans la cité de Napoléon, sillonner la Cisjordanie. Comprendre l’esprit du kibboutz aussi, là où le désert a été vaincu, la graine a pris, l’autosuffisance maraîchère s’est jouée. Là où un peuple s’est crée et un sentiment de fierté  nationale dessiné. En fait, rien que pour creuser Jérusalem il me faudrait une vie…

Oui mais voilà pour moi pour l’instant le voyage s’arrête là. Âme trop sensible. Esprit trop critique. Convictions en porte-à-faux avec la dynamique politique. Projet d’aller à Beyrouth aussi. Le tampon de trop assurément. Et Dieu sait si ça me rend triste, car Dieu sait à quel point j’ai adoré ce lieu. Mais c’est pipé. Mal à l’aise d’être embullée. Imaginez qu’à aucun moment du séjour je n’ai entendu d’échos sur les événements à Gaza dans l’actualité. Imaginez qu’au retour notre avion a été escorté par un char d’assaut…

Ce voyage m’aura fait buté contre la limite de la position du bâtard aussi. Territoire too sensitive. Sans cesse marcher sur des œufs, sans cesse être intimé à se prononcer, pas besoin mais quand même si tu pouvais prendre parti…. Sans cesse ménager. Culpabiliser de son ouverture, avoir le sentiment de betray de ne pas choisir UN camp, de ne pas s’engager. Trop bisounours pour la guerre ? Non mais je m’attendais à quoi ! A une ptite promenade d’harmonie ? Terre trop chargée, trop divisée, trop en lutte, où il faut trop lutter. On chill peut-être dans quelques bulles, mais sans les Arabes il va de soi… Et puis il y a les photos qu’on brandit mais come on, il y a tout ce qu’on ne montre pas. Les gardiens du temple poussent à se cacher, à mentir. Poussent les gens à s’ignorer, à s’enfermer, à être enfermés, à enfermer. Une position intenable à long terme. Quelle société pour demain ? Quelle sécurité ? Quels soutiens ?

Ouais, dommage pour moi qui ai justement rarement été aussi ouverte que pendant ce pèlerinage. Prise d’une énergie folle, d’une envie irrépressible d’échanger, de communier. Mais entre les commentaires l’air de rien de l’un, surpris qu’il n’y ait mot sur le conflit dans mon guide et avide de connaître la position des Occidentaux, allant jusqu’à faire un parallèle avec la position neutre de ma contrée durant les plus sombres heures de l’Histoire. Entre la déception d’un autre face à mon envie de m’adonner à d’autres projets que le copieux menu politique qu’il avait imaginé pour moi. Entre ces guides qui d’emblée annoncent la couleur, Aucune question sur la situation politique please,…

On est fatigués de pretend all the time, pretend la légèreté, jouer au « Suisse », se contenter de superficialité. Trop de tabous. Si peu d’authenticité. Pas d’échappatoire. La moindre parole pouvant être interprétée comme partisane du « mauvais » côté. Épuisés à force de marcher sur des œufs. Déjà tu dis quoi ? Je suis allée en Israël ou en Palestine ? Parce qu’on te LE demande… Ca commence déjà là. Et au retour ça ne s’arrête pas, ou quand le conflit israélo-palestinien s’invite dans nos amitiés genevoises… lorsque tu balises quand tu réalises que tu as acheté en toute innocence un body « Your auntie went to Israël » à ton filleul…

Malaise et violence aussi. Violence de la guerre. Violence des agents d’État lorsqu’ils te soupçonnent d’être un ennemi, pouvoir de créer une bulle enchantée pour les élus, un cauchemar pour les non grata. Pouvoir de faire de même avec la vie de chaque citoyen… Et j’avoue que malgré le chaleureux accueil partout reçu, durant le séjour la peur de m’aura jamais vraiment quittée. L’épisode de l’aéroport est resté difficile à digérer. 

Pas particulièrement fascinée par la guerre. Trop de charge, trop de sécurité. Profil qui ne cadre pas dans le territorialisme. Alors j’abdique. Et prie pour un jour pouvoir à nouveau pèleriner à Jérusalem. Et pour que cette terre qui est notre berceau ne soit pas aussi notre futur. Pour que cette blessure cesse de se transnationaliser. Que ce mode de décohabitation ne se glocalise pas.

Update

Depuis ce séjour, la grande marche du retour a été muselée. Le fameux rendez-vous du 15 mai n’en fut pas un. Heureusement la diaspora palestinienne peut encore s’imposer comme un porte-voix. En France, il y a quelques jours, c’est une autre marche, pour dénoncer l’augmentation de l’antisémitisme celle-ci, qui n’a pas rencontré le soutien espéré… Le gouvernement israélien de son côté a reconnu l’été dernier le caractère juif de la nation. 

Le voyage continue – Quelques voix

  • Jérusalem. Histoire d’une ville-monde, des origines à nos jours. Avec la collaboration de : Katell Berthelot, Julien Loiseau, Yann Potin / Ed. sous la direction de : Vincent Lemire. 10.2016

jéru vmJérusalem n’est pas un champ clos sur lequel se rejouerait depuis des millénaires le «choc des civilisations», la guerre des identités religieuses ou nationales. En se tenant à distance de ces catégories douteuses pour raconter la longue histoire urbaine de Jérusalem des origines à nos jours, en restant attentif à l’esprit des lieux autant qu’aux cassures du temps, on découvre au contraire une ville-monde ouverte aux quatre vents, le berceau commun dans lequel se sont inventés tour à tour le judaïsme, le christianisme et l’islam, et dont les lieux saints emblématiques reflètent autant les échanges et les influences réciproques que les conflits et les confrontations.(…) Une lecture indispensable pour comprendre pourquoi le monde s’est donné rendez-vous à Jérusalem.

  • Jérusalem, Biographie. Simon Sebag Montefiore, Calmann-Lévy, 2011, 672 p

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L’histoire de Jérusalem est l’histoire du monde. Jérusalem est la ville universelle, la capitale de deux peuples, le lieu saint de trois religions. Du roi David à Ben Gourion, de la naissance du judaïsme, du christianisme et de l’islam au conflit israélo-palestinien, voici l’histoire de Jérusalem, la cité universelle : trois mille ans de foi et de fanatisme, de conquête et d’occupation, de guerre et de coexistence entre diverses croyances.

  • Foxtrot. Film de Samuel Maoz, ISR, 2018

« Michael et Dafna, mariés depuis 30 ans, mènent une vie heureuse à Tel Aviv. Leur fils aîné Yonatan effectue son service militaire sur un poste frontière, en plein désert. Un matin, des soldats sonnent à la porte du foyer familial. Le choc de l’annonce va réveiller chez Michael une blessure profonde, enfouie depuis toujours. Le couple est bouleversé. Les masques tombent. »foxtrot

Foxtrot montre l’absurdité et l’effet réel dans la ville réelle de citoyens réels de cette guerre. Entre burlesque et drame. Des citoyens impliqués malgré eux dans un jeu armé qui les dépasse. Une société qui perd le contrôle de son destin, animée par quelque chose de plus fort qu’elle. Une rage contenue qui explose. Une rébellion étiquetée de psychose. Un film lauréat de nombreuses récompenses, et une « honte »  de salir ainsi l’image de l’armée pour la ministre israélienne de la culture.

  • A l’Ouest du Jourdain. Documentaire d’Amos Gitai, ISR, 2017

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West of the Jordan River décrit les efforts des citoyens, des Israéliens et des Palestiniens, qui tentent de surmonter les conséquences de l’occupation. Le film de Gitai montre les liens humains tissés par les militaires, les militants des droits de l’homme, les journalistes, les mères qui pleurent et même les colons juifs. Face à l’échec de la politique dans la résolution de l’occupation, ces hommes et ces femmes se lèvent et agissent au nom de leur conscience civique. Cette énergie humaine est une proposition pour un changement qui se fait attendre. [Communiqué de presse]

  • Wajib – L’invitation au mariage. Film de Annemarie Jacir, Palestine, 2017

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Shadi, installé à Rome, revient à Nazareth pour aider à la préparation du mariage de sa sœur Amal. Avec son père, il va délivrer en mains propres les invitations à tous ceux dont ils espèrent la présence. Road-movie urbain, mêlant humour et drame, Wajib prend prétexte des tensions entre le père et le fils pour évoquer la situation des Palestiniens d’Israël. Lien

 Palestine – Filmer c’est exister. Rencontres cinématographique, Genève, 2018
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Palestine : Filmer C’est Exister (PFC’E) a été créé en 2012 avec l’idée de donner la place au regard, à la créativité, à l’humour, aux convictions et aux espoirs des cinéastes palestinien.ne.s, et aux échanges avec le public.

Symboliquement, notre 1ère édition s’était ouverte le 29 novembre, Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien, qui commémore le vote en 1947 de la partition de la Palestine, puis la création de l’Etat d’Israël en 1948. C’est à nouveau le cas pour cette 7ème édition.

1948-2018: Les Palestinien.ne.s ne cessent de résister face aux dépossessions et aux déplacements forcés. La Nakba (la catastrophe) s’est déclinée et se décline jusqu’à aujourd’hui en une avalanche de Nakba. La 7ème édition de PFC’E offre des regards de cinéastes palestinien.ne.s sur ces 70 ans d’histoire mouvementée.

Les Rencontres cinématographiques PFC’E proposent cette année des films de cinéastes palestinien.ne.s qui, d’une part, évoquent les évènements de la Nakba et, d’autre part, abordent toutes les catastrophes qui se sont enchaînées depuis 1948. Ces différents regards portés par le cinéma nous permettent de tisser une continuité entre des situations historiques différentes, tout en établissant un pont entre le passé et le présent.

Plus précisément, l’édition 2018 nous fait découvrir plusieurs nouveaux longs-métrages dont Broken, documentaire sur la décision de la Cour Internationale de Justice relative au Mur, qui ouvre les Rencontres, Inner Mapping, road movie du GPS en Palestine à l’épreuve de l’occupation, The Truth: Lost at Sea, témoignages en direct de l’assaut tragique de la « flottille de la liberté » qui se rendait à Gaza en 2010, film réalisé par Rifat Audeh, qui faisait partie de la flottille.

La question des réfugiés et du droit au retour sont traités à travers Les Dupes, (1972) du réalisateur égyptien Tawfiq Saleh – adapté de l’œuvre « Des Hommes sous le soleil » (1963) de Ghassan Kanafani. Citons aussi Zinco, chronique sur la transformation des camps de tentes en béton en Jordanie, et Ours is a Country of Words, une plongée dans l’imaginaire des habitants du camp de Chatila au Liban qui se projettent dans un retour rêvé en Palestine. As the Poet Said rend hommage au grand poète palestinien Mahmoud Darwich, film de Nasri Hajjaj. Lien PalestineFCE

  • Exil, enquête sur un mythe. Documentaire de Ilan Ziv, 2012, 1h37

exil

Le récit de l’exil des Juifs, après la destruction du Temple de Jérusalem par les Romains, est un épisode déterminant pour la théologie juive mais aussi pour l’histoire de l’Europe et du Moyen-Orient. Archéologues et historiens enquêtent en Galilée, à Jérusalem et à Rome pour tenter de démêler le mythe de la réalité historique. Ils montrent que la diaspora juive existait déjà depuis longtemps tout autour de la Méditerranée. 

 

  • Secrets d’Histoire – Un homme nommé Jésus. France 2, diffusion mai 2018

Direction la Galilée sur les traces de Jésus. Sur les rives du Lac de Tibériade, dans les déserts de Judée et sur les bords de la mer Morte, Stéphane Bern retrace sa vie terrestre. A l’aide de reportages, d’images et d’interventions de spécialistes pour mettre en lumière le parcours de cette personnalité, retour sur une succession de faits indiscutables, de sa naissance à Nazareth jusqu’à sa crucifixion sous Ponce Pilate. Mais il reste de nombreux mystères, secrets et miracles autour de la vie de Jésus et de la naissance d’une religion comptant aujourd’hui deux milliards de fidèles dans le monde. Mystiques, scientifiques et historiens ne sont pas d’accord sur l’homme. L’Histoire le montre davantage tourmenté, tendre et coléreux. Des découvertes d’archéologues et d’historiens donnent de nouveaux éléments.

Les 70 ans d’Israël : les bougies du désenchantement (1/4) Socialisme kibboutznik et vanité israélienne. LSD, France Culture, 14.05.2018

  • Holy Lands. Film d’Amanda Sthers, 2019, 1h30

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Harry, juif apostat et cardiologue à la retraite, originaire de New York, décide soudainement d’aller s’établir comme éleveur de porcs à Nazareth, en Israël. Une décision mal vécue par les locaux comme par sa propre famille. Restée à New York, après s’être découvert un cancer, son ex-femme Monica tente de gérer la vie de leurs grands enfants Annabelle et David, et revisite son histoire d’amour avec Harry. Contre toute attente, c’est auprès du Rabbin Moshe Cattan, qu’Harry va accepter d’affronter la vie et son issue.

  • Visite guidée synagogue Genève

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  • L’Ours qui cache la forêt. Roman de Rachel Shalita, l’Antilope, 2019

oursNancy, la thérapeute désormais seule ; Daffy, la petite fille malheureuse depuis que son papa a quitté la maison et a refait sa vie en Israël ; Ruth, l’Israélienne endeuillée qui se demande ce qui la retient en Amérique ; Mili, la maman qui cherche à protéger son petit garçon pas comme les autres. En apparaissant petit à petit, les liens entre toutes ces femmes vont révéler une facette de notre époque, faite d’exils. Après Comme deux sœurs, Rachel Shalita confirme ses talents de conteuse. Lien éditeur

  • Amos Oz. Ecrivain israélien et cofondateur du mouvement La Paix « La Paix maintenant », mouvement opposé à la colonisation dans les Territoires palestiniens et prônant la réconciliation israélo-arabe. Décédé le 28 décembre 2018

 

  • Yael Miller. Chanteuse israélo-genevoise

miller

Originaire de Tel Aviv, Genevoise d’adoption, flirtant avec les frontières de l’indie pop-rock et de la musique minimale, avec des textes poétiques en anglais, en français et en hébreu.

  • J’apprends l’hébreu. Roman de Denis Lachaud, Actes Sud, 2011

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Un adolescent français, fragilisé par une enfance vécue au rythme des mutations professionnelles de son père, développe peu à peu de graves problèmes de communication. A dix-sept ans, Frédéric a perdu le sens de la phrase, seuls les mots lui parviennent, séparément. Après Paris, Oslo et Berlin, c’est en Israël qu’il doit suivre aujourd’hui sa famille. Comme chaque destination inconnue, Tel-Aviv s’impose tout d’abord à lui comme un espace angoissant – qu’il faudra apprivoiser. Mais lorsque Frédéric découvre que l’hébreu est illisible non seulement pour lui mais pour tous les étrangers, que cette langue se lit dans l’autre sens, et que son apprentissage pourrait augurer d’un véritable recommencement, ce pays réveille en lui l’espoir de trouver une place dans le monde. Rassuré, il part muni d’un dictaphone à la rencontre des habitants de Tel-Aviv, pour les interroger sur leur histoire et leur relation à cet Etat fait de contradictions et d’espérances.
Considérant plus que jamais le territoire comme le fondement de toute identité, Frédéric donne à ce pays choisi par tant d’individualités et de trajectoires conjuguées une résonance extraordinaire. Lien Actes Sud

  • Synonymous. Film de Navad Lapid, ISR, 2019, Ours d’Or Berlinale 

poster_bigYoav, un jeune Israélien, atterrit à Paris, avec l’espoir que la France et le français le sauveront de la folie de son pays.

RENDEZ-VOUS AU FIFDH !!!!

 

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