Les Voies de la Résistance. Retour au FIFDH

« Rendre visible l’invisible ». Le mois dernier à Genève le FIFDH a intensément rempli sa mission. Quant à moi, j’ai profité de cette immersion pour m’adonner à mon activité préférée, butiner et faire l’éponge. L’occasion de capter l’émotion ainsi que l’urgence des participants au terme des projections, au terme des forums, au terme du Festival. Qu’est-ce qu’on peut faire ????? Certains nous ont soufflé qu’il fallait commencer par trouver sa voix et une voie pour témoigner. Ca tombe bien, le Festival en avait convié d’innombrables, inspirantes et inspirées. Du coup j’ai tendu l’oreille aux moyens d’actions et autres motifs d’espoir évoqués puis croisé les voix pour vous bricoler une esquisse de « boîte à outils du résistant », melting pot subjectif et modeste, circonscrit pour l’essentiel aux « combats » du PG.

 

 

Escales

  • Soirée d’ouverture. Discours. Responsabilité et droits humains & Forum. Sur leurs épaules : le combat des femmes défenseuses des droits humains (On Her Shoulders d’Alexandria Bombach)
  • Exposition. Pourquoi Gaza ? De Khalil Hamra
  • Rencontre avec Bruno Boudjelal – Exposition Ne mourrons pas fatigués
  • Forum. Faire du droit au logement décent une réalité (Push de Fredrik Gertten)
  • Promenade Rousseau
  • Forum. Une croix sur les valeurs suisses ? (La preuve scientifique de l’existence de Dieu de Frédéric Baillif)
  • Autour d’un film. Autour d’Opération Papyrus (Opération Papyrus de Béatrice Guelpa & Juan José Lozano)
  • Les personnes migrantes vous accueillent. Au Centre des Tattes
  • Poésie photographique. Haïti – En bas la ville, de Gaël Turine et Laurent Gaudé
  • Forum. Pour les peuples, contre les populismes (When The War Comes de Jan Geb)
  • Forum. Qui parle encore des Palestiniens ? (The Occupation of the American Mind de Loretta Alper & Jeremy Earp)
  • Après Demain. Défis écologiques à Carouge. Visite interstices urbains / Après Demain de Cyril Dion & Laure Noualhat / Rencontre avec des acteurs locaux
  • Forum. Migrations. Quand la solidarité est criminalisée (Strange Fish de Giulia Bertoluzzi)
  • Exposition Être et avoir, de Thierry Dana
  • Rencontre avec Amos Gitaï (Lettre à un ami de Gaza & Un Tramway à Jérusalem)
  • Retour sur l’édition 2019 du FIFDH
  • Forum de clôture. Les nouveaux damnés de la terre : discussion avec Edouard Louis (A Northern Soul de Sean McAllister)

 

 

 

 

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Avec les Voix de

Nadia Murad - Prix Nobel de la Paix 2018, Voix du peuple yézidi Sareta Ashrap - Équipe d'enquête de l'ONU sur les crimes de Daesh Chaloka Beyani - Ancien rapporteur spécial de l'ONU sur les droits des personnes déplacées Tetiana Pechonchyk - Directrice Centre d'information sur les droits humains en Ukraine Hajer Sharief - Cofondatrice Together We Build It en Libye. Khalil Hamra - Photographe palestinien Bruno Boudjelal - photographe, membre Agence Vu Fredrik Gertten - Réalisateur, Suède Leilani Farha - Rapporteuse spéciale de l'ONU sur le droit au logement, Canada Maria Lucia de Pontes - Juriste, avocate et militante contre les expulsions, Brésil Jean-Jacques Rousseau - Penseur et Citoyen libre Frédéric Baillif - Réalisateur, Genève Christine Beerli - Avocate, politicienne et ancienne vice-présidente du CICR Tim Guldimann - Ancien ambassadeur et conseiller national, Suisse Dick Marty - Ancien procureur général TI et député, Suisse Richard Stallman - Cofondateur du mouvement GNU, Président Free Software Foundation Thierry Apothéloz - Conseiller d'État chargé de la cohésion sociale, GE Anne-Frédérique Widmann - Réalisatrice et journaliste, RTS, Genève Jean-Philippe Ceppi - Producteur Temps Présent Béatrice Guelpa & Juan José Lozano - Cinéastes Marianne Halle - Responsable communication Centre de Contact Suisses-Immigrés Thierry Horner - Secrétaire syndical SIT Laurent Gaudé - Écrivain Gaël Turine - Photographe Raymond Loretan - Club diplomatique de Genève Bertrand Badie - Professeur Sciences-Po Paris Jan Gebert - réalisateur, Tchéquie Ninotchka Rosca - Romancière et journaliste, Philippines Ludimilla Teixeira - Militante, "Groupe de femmes unies contre Bolsonaro", Brésil Annalisa Camilli - Journaliste d'investigation spécialisée en migrations et droits humains, Italie Noura Erakat - Avocate spécialisée dans les droits humains Sami Mshasha - Porte-parole UNRW. S. Michael Lynk - Rapporteur spécial sur la situation des droits humains dans les territoires occupés Stéphanie Lammar - Conseillère administrative Carouge Sébastien Lutzelschwab - Association LargeScale Studio Jean Rossiaud - Conseiller municipal Les Verts, Forum démocratique mondial, Président monnaie Le Léman Chamseddine Mazoug - Pêcheur de Zarzis, membre Croix-Rouge tunisienne Jordi Vaquer - Codirecteur Open Society Initiative for Europe Sara Mardini - Militante humanitaire syrienne réfugiée à Berlin Amos Gitaï - Cinéaste, Israël. Sean McAllister - Réalisateur, GB Steve Arnott - Héros de A Northern Soul et fondateur du Beats Bus Edouard Louis - Ecrivain Caroline Abu Sa'da - responsable éditoriale du Forum FIFDH Isabelle Gattiker - Directrice générale FIFDH.

Les Maux & les Mots du FIFDH

Bazar rhizomique

Contre les atteintes aux droits humains, résistons tous azimuts !  Le FIFDH articule et fait converger des combats à priori éloignés, tissant ainsi un réseau de luttes inter-connectées pour en dresser les états généraux. Droit au mouvement, au refuge, aux origines, à la justice, au logement, à la ville, à la connaissance, à la dignité, à un environnement sain, à la solidarité, à la Liberté, à la vie tout simplement… Interdépendance du monde, interdépendance des droits. Dans ce grand Bazar, on fait coexister et cohabiter les combats. On ne hiérarchise pas, on n’oppose pas, on ne met pas en compétition. On ne choisit pas. Les Hommes ou l’Environnement. Le Peuple ou la Globalisation. Les points cardinaux. Mobilité, populismes, luttes sociales, écologie, conflits armés, territoires oubliés, minorités. Tous les grands enjeux contemporains sont abordés.

Polyphonie métissée

Résistons sous toutes les formes ! Reflet d’un monde hybride, le Festival mélange les formes – Fictions, Forum, expositions, performances, événements, etc. – et croise les voix d’artistes, d’activistes, de citoyens, d’intellectuels, de politiques,…

Hommage aux Bédouins

Résistons vrai ! Leïla Slimani, Amos Gitai, Bruno Boudjelal, Aïssa Maïga et bien d’autres… Le Festival a mis en avant des réconciliateurs, des héros transnationaux qui refusent de jouer la parodie de la pureté et préfèrent accumuler les identités. Qui proposent de raconter le monde vrai, le monde authentiquement hybride d’aujourd’hui.

« Mais qui êtes-vous exactement ? »

Qui refusent de s’assigner, comme ces Palestinienne-Hollandaise et Israélienne aux origines multiples du film d’Amos Gitai, qu’un soldat israélien somme de s’identifier…

« Nous sommes tous des bédouins »

Telle est la posture du cinéaste venu présenté « Un Tramway à Jérusalem« , film qui parle de déplacement. Déplacement d’un tramway qui en traversant la Ville-Monde divisée permet les germes d’une société et d’une cohabitation. Déplacement de l’humanité surtout. « Toute l’humanité est déplacée, elle est dans sa phase nomade« . A contre-courant du mouvement de fermeture, Amos Gitai dresse le portrait d »Un pays composite, de gens déplacés, un pays moderne. »  Une métaphore du monde contemporain.

Communion dans l’Agora

20190314_214537Résistons Ensemble ! Le FIFDH c’est aussi un caravansérail, lieu de convergence des luttes et des bédouins qui les portent. Zone neutre, territoire protégé de l’hystérie, au coeur d’une cité-monde capitale éphémère des Droits humains. Pour permettre l’émotion, la communion, la consolation, la réflexion, l’émulation. Pour vibrer, s’indigner, réfléchir ensemble. Ici gloire est rendue aux héros humanistes qui sortent de l’écran pour rejoindre la scène au terme des projections. Ici les combattants viennent reprendre force, courage et espoir. Ici, assurément « ça a été la semaine du câlin« .

Au FIFDH on créé les conditions de la rencontre. Bazar où on troque, plateforme d’échanges de solutions et de bons procédés. Ici, il se passe quelque chose. Behind the scene aussi. Des ressortissants de RDC se retrouvent au terme d’un forum pour s’organiser. Un musicien prend ses quartiers et fait groover un Festival qui le lui rend bien en participant au financement de son projet. Des artistes, des activistes se mêlent à l’audience pour poursuivre l’échange. Un public lance l’idée d’un réseau international de possibilités d’accueil des réfugiés de la dé-mobilisation.

Accountability

« Les dominants ne sont jamais responsables, les dominés toujours« . Qui est responsable ? Qui est concerné ? Qui doit résister ? Du Forum d’ouverture au Forum de fermeture, Responsabilité a été le mot-clé. Parce que personne n’est à l’abri, parce que nous sommes tous concernés. Parce qu’il vaut mieux s’activer aujourd’hui pour ne pas avoir à résister demain.

Des Voix & des Voies

Résistons mais contre qui, contre quoi, comment ? Résister contre le Pouvoir quel qu’il soit quand ils bafouent nos droits. Résister contre le nihilisme, la fatigue morale et la résignation aussi. Et pour ça rendez-vous dans l’agora éphémère où on se rassemble après la diffusion des oeuvres. Pour esquisser des pistes d’actions pour se mettre en mouvement, se mobiliser individuellement ou collectivement. Pour révéler des moteurs d’espoir aussi.

Les Voies de la Résistance

La « Boîte à outils du Résistant » ce sont 43 moyens pour agir ou pour espérer. Et si elle vous paraît un brin utopique, tant pis pour vous ! Parce que tout ce qui suit est inspiré de voies réelles. Et j’ai (presque) résisté à ma tendance à en rajouter…

1. Le pouvoir du Récit. « Tout est histoires qui embarquent et font changer l’Histoire« . Tout est fiction, tout est construction. Il n’y PAS de fatalité. Tout est à inventer. Construire des imaginaires = résister.

« Tout est histoires qui embarquent et font changer l’Histoire« 

2. Le pouvoir de l’Art. Les oeuvres nous donnent la possibilité d’être l’Autre, d’être pluriels, de s’enrichir, d’habiter des Ailleurs. Elles tendent un miroir au monde. Créent une émotion collective. Fabriquent de l’empathie. Elles posent des questions ouvertes. Ne prennent pas partie. Elles transcendent, au-delà de la géopolitique. L’artiste n’appartient à personne, il est l’Autre pour tous. Devant un pamphlet, c’est l’homme qui « appartient à » qui réagit. Devant une oeuvre, c’est l’humain qui ressent. Devant une oeuvre, on est Ensemble.

« Les défis se relèveront grâce aux nouvelles formes d’organisations sociales et politiques« 

3. L’ère du RéseauSi le monde d’hier était pyramide, celui de demain sera réseau. Horizontal. Démocratique. Généreux. Au niveau local, il est partenariat et mise en commun des ressources. Au niveau global, il est interconnexion des hommes et des lieux. Il est la possibilité pour les activistes de créer des liens, de s’incarner dans des réseaux internationaux. De tester des actions localement puis les exporter globalement. De créer des communautés d’intérêts. D’élargir leur champ d’actions et d’inspirations. Car des solutions existent partout. Réseau de luttes, réseau d’actions.

Glocal issues, Glocal actions. Transition écologique, populisme, financiarisation, gentrification, etc., autant de processus globaux déclinés localement. Des maux « locaux » qui appellent des solutions globales et… déclinables.

4. Un multilatéralisme civil, une société civile transnationale. Qui redonne espoir aux victimes de conflits, face à un multilatéralisme institutionnel international, machine de paix trop lourde, trop souvent « impuissante, néocoloniale et arrogante ». Monde des États. Monde d’avant ?  » All those civil voices give us hope« .

« It is time to be actively good« 

5. L’engagement citoyen individuel. Le « Citoyen-Acteur ». Chacun joue son rôle, chacun fait sa part. Accumulation et conjonction de petites actions et de micro-initiatives.  « The power in individual act. » Contre le tout ou rien, pour « Des actions locales et superposées, une multitude de lignes de fuite. » L’homme de demain agit et s’engage à son niveau. Politiquement, économiquement, écologiquement. Citoyen-acteur, consommateur-acteur, citadin-acteur. 

6. L’engagement politique. « Contre la raison d’État, le citoyen a toujours un droit. » Grève des loyers à Toronto, grève des jeunes pour le climat, des femmes pour l’égalité, marches, bulletin de vote, littérature de confrontation, boycott, manifeste pour un « Shift« , pression populaire qui met en échec un projet de loi, procès en inaction intenté contre l’État. On dirait qu’on dispose d’un véritable festival de droits civiques !

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7. L’engagement poétique. Pour « révéler l’âpre beauté du vivant« , l’esthétique dans le chaos, la poésie partout. Changer les lunettes, proposer un autre regard que le regard politique. Contrer les images dramatiques et dénoncer par la beauté. « Réenchanter le monde » et la ville autour de la poésie d’un jardin. Combattre le goût pour l’aseptisation généralisée et embrasser à la fois l’ombre et la lumière. Révéler un rythme, la grâce, le style, l’énergie, la vitalité, la création. Réhabiliter la richesse du monde. 

8. Ensemble I. La force du collectif. « La valeur n’est pas dans le code source, la valeur est dans la communauté. » L’individualisme n’est plus d’actualité. L’engagement se conjugue au pluriel. Amitié, fédération, union, rassemblement. Structuration et association des petits moyens et des grandes convictions. Mise des compétences en commun. Responsabilisation de tous pour contrer le cynisme de quelques-uns.

« Together » We Build It

9. Ensemble II. La conjonction des forces. Pour faire changer les choses durablement Après Demain, il faut le concours de TOUS les acteurs. Une association des élus, des entrepreneurs et des citoyens.

Un pragmatisme win-win. « En fait, il n’y a pas de projet plus libéral qu’Opération Papyrus. » Les gardiens du Réseau-économique et du Territoire-État sont aussi capables de s’associer pour mener à bien une entreprise humaniste. De s’associer autrement que pour créer l’alliance du pire, se faire la guerre, aboutir au grand « displacement »… 

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10. La grande Mobilisation. Créer des mouvements. Une puissante voie d’action ainsi que l’ont démontré les innombrables mouvements portés par les intervenants qui ont été au coeur du Festival. Un mouvement, la mobilisation pour une lutte crée « une dynamique porteuse d’espoir« . Un mouvement permet d’afficher son pouvoir et lancer à Goliath « We are a global movement« . Créer du mouvement. « Make some noise ! » Marcher, dénoncer, faire du bruit. Pas de troubles, pas de vagues, pas de résultats ? Se mettre en mouvement. Pour révéler l’invisible, pour témoigner, pour défendre une cause et convaincre. Réhabiliter le mouvement. Pour que Nadia et les autres n’aient pas en permanence à convaincre pour avoir le « droit de sauver leur vie ». Pour que Sara faute d’avoir eu le droit de passer, retourne reconstruire son pays avec le goût de l’amertume ancré. Pour ne pas perdre une génération. Pour que cette jeunesse n’ait pas seulement le droit de ne pas « mourir fatigués« . Pour que les travailleurs de l’ombre n’aient pas à choisir entre un emploi ou un permis. Parce que l’immobilisme est toujours la cause ou le résultat du problème. Parce que le monde vivant et vibrant doit rester un idéal. Croire au mouvement, donner sa chance à l’autre, croire qu’il peut changer.

Make some noise !

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11. Ouvrir. Faire progresser les frontières, toutes les frontières. Les frontières des communautés, des nations, du savoir, des droits. Ouvrir sa maison, accueillir pour sauver, éduquer, construire un monde with less haine for tomorrow. Ouvrir pour éviter l’alliance du pire, « l’enclosure », la disparition progressive des droits et à terme, l’extinction.

12. Dénoncer. « Not step aside when you see a conflict in another part of the world« . Because in doing so, you could be the next victims. Confortables aujourd’hui, les compromis avec les autoritarismes et les drames d’ailleurs sont un piège pour demain. Choisir son camp en gardant à l’esprit que l’Histoire est toujours en mouvement et les bannis du jour seront éventuellement les héros de demain. Et c’est pas ce brave Jean-Jacques qui nous contredira…

Do not step aside

Dénoncer. « Ce ne sont pas les actes qui gênent, c’est le témoignage qui gêne« . Faire circuler les images, de Gaza, de Syrie, de Méditerranée, des injustices de partout. Pour informer, créer l’empathie, ré-humaniser. Parce que face au visage de l’autre se développe le sens de la responsabilité. Faire circuler les mots, dénoncer, témoigner, confronter.

13. Le pouvoir des Mots. Si tout est fiction et récit, ces derniers se construisent avec des mots. Tandis que Saskia Sassen insiste sur la nécessité d’inventer un nouveau langage pour comprendre le monde « financiarisé » d’aujourd’hui, d’autres proposent de redonner une substance aux mots, un sens aux concepts : dimension morale du mot politique, dimension souveraine du  mot citoyen. Le film sur la colonisation des esprits par le gouvernement israélien met quant à lui en avant de façon spectaculaire la puissance de la rhétorique stratégique. Les mots, pour décoloniser les esprits. Les mots, pour expliquer la complexité aussi. Une urgence en France où l’échec politique est surtout le résultat d’un langage inapproprié. Les Mots = arme de construction massive pour le résistant !!!

14. Le rôle des Médias. Une étude a analysé le contenu des news sur la période précédent l’élection du gouvernement actuel en Italie. 50% de ces news traitaient des migrants… Résultat, aux images d’invasion ont suivi des décrets de restriction des libertés…

15. Connaissance & Education. « Le savoir est un outil d’émancipation au service de la communauté« . L’éducation qui permet à une société de ne pas s’effondrer. La connaissance qui permet de comprendre les mécanismes à l’oeuvre et de résister. La connaissance, à ne pas confondre avec l’information, qui est un leurre.

16. L’art du compromis. « Sortir d’une discussion avec un compromis est une bonne chose« . Et si dans un monde qui prend goût à la radicalisation, la neutralité avait une utilité ? Et si la neutralité et les valeurs suisses étaient d’abord un outil d’action, de médiation, pour résister, être utiles et non un « outil de lâcheté » ? Si ce savoir-faire était davantage sagesse que renoncement ? Il semblerait que le pays de la capitale des droits humains ait encore un rôle à jouer, pour autant qu’il résiste aux compromissions.

« La logique du partage est le moteur des sociétés émancipées« 

17. Participer à la Révolution du partage. « La logique du partage est le moteur des sociétés émancipées. » Un moteur qui existe en germe avec des expériences de communautés qui se mettent en place un peu partout. On assiste aux « germes d’une société nouvelle qui s’expérimentent au quotidien. » L’avenir est fondé sur le partage, sur l’Open Source, la mise en commun des savoirs, des idées, des solutions, des biens. Sur un nouveau rapport à la propriété.

18. Con-tribuer. Faire le deuil de l’engagement total pour l’option vie hybride. Comme tous ces bénévoles engagés, associatifs, qui ont été mis à l’honneur dans les oeuvres et sur le podium, qui mobilisent leur temps libre pour la société, une cause, un combat.

19. Le Courage. « L’Opération Papyrus est une histoire de courage cumulés. » Une somme de courages politique, associatif, économique et citoyen qui a conduit à une double opération de visibilité, légale et financière. Le courage se cumule donc au pluriel, mais aussi au singulier. Car le courage, c’est aussi accepter le prix à payer pour l’engagement. Déplaire, cliver, se brouiller avec les siens, être exclu ou banni. Car « ces gens qui prouvent par leur courage que cette souffrance n’est pas inévitable » tendent un miroir à la lâcheté et questionnent le pouvoir. Le courage, c’est savoir désobéir enfin. Faire preuve d’audace, d’initiative. S’opposer aux ordres, au  climat ambiant, au boss ou aux siens pour suivre ce qu’on sait être juste, défendre un projet de loi, dénoncer une injustice. Se faire objecteur de consciences.20190316_153453

« Aimer son pays dans la justice, la vérité, l’espoir« 

20. Un patriotisme engagé. « Aimer son pays dans la justice, la vérité, l’espoir« . Droit de réponse des héros diffamés, violentés, salis, accusés par les pouvoirs d’être des complices, des criminels, des « agents des passeurs » ou des « traitres à la patrie« . Que ce soit un réalisateur qui s’élève contre la partition ou des associations qui sauvent des migrants, tous défendent une humanité plus grande que la nationalité et militent pour un cercle vertueux. « Élargir les droits de l’autre, c’est élargir ses propres droits.« . Réduire la circulation de l’autre, c’est s’enfermer…

21. La Génération We. Des Millenials ultra connectés, impliqués dans la révolution du partage et la lutte pour l’écologie. En faisant circuler les images, ils font et défont les tendances et trembler des gouvernements, en mettant à sac leurs entreprises de diabolisation.

22. Le localisme. Cultiver son jardin. Consommer chez son voisin. Opter pour une monnaie en circuit fermé. Limiter sa mobilité. Se re-localiser.

« Cities are to be the leader »

23. La Ville-Monde. Dans un monde interdépendant et face aux nouveaux gouvernements nationalistes autoritaires, « Cities are to be the leader« . Agissant au niveau local, les villes s’organisent au sein d’un réseau global, s’activent, légalisent, résistent. La Ville-Monde, conceptualisée par Saskia Sassen dont j’ai regretté l’absence sur le festival. Je me souviens avoir assisté il y a quelques années à une de ses conférences sur l’avenir de la ville globalisée après le collapse financier de 2008. Dans le contexte actuel, je mourrais d’envie de lui demander à quoi pourrait ressembler la « Ville-Monde nationaliste »…

24. L’important c’est la cause. Privilégier les causes aux carrières politiciennes. Dépasser sa personne pour défendre quelque chose de plus grand que soi. « La défense des droits humains n’est pas censée nous faire des amis.« Défendre des causes et non des personnes. Ne pas jeter la cause quand l’individu nous déçoit. 

20190316_17194425. Les Porte-luttes. A contre-courant du délit « d’appropriation », porter les luttes des résistants fatigués. Pour leur éviter la double peine : être victime + mobiliser son énergie défaillante pour lutter. Porter les luttes des résistants est un combat qui incombe aussi aux diasporas. Le Festival a ainsi vu défiler sur l’estrade de puissants portes-voix transnationaux venus plaider la cause de leurs pairs assignés à résidence. 

26. Les Réconciliateurs. Rôle qui incombe aux hybrides géographiques. Pratiquer les allers-retours pour réconcilier, donner une voix et faire changer les voi(es)x. Faire converger les classes et les géographies. Comme Edouard Louis qui après s’être réconcilié avec son enfance s’emploie à réconcilier territoire périphérique originel et lieu monde électif. De se faire la voix des classes populaires de « là-bas » et leur « offrir la possibilité de dire Je suis, j’existe, je souffre » sans avoir honte. De recentrer leur voix en parvenant à les convaincre que le combat n’oppose pas des minorités mais des dominants et des dominés. Comme Bruno Boudjelal, dont le parcours géographico-identitaire et la double culture permettent d’incarner une oeuvre qui mixe histoire collective et autobiographie. Comme Jean-Jacques Rousseau aussi en son temps ;-), devenu véritablement « Citoyen de Genève » à Paris, âme libre, aux deux milieux, réconciliateur engagé du bas et du haut de sa cité.

27. Trans-. Transgresser, Transnationaliser, Traverser. Les communautés, la barrières, les frontières, les enjeux. Relier. Comme un tramway. Oser se paumer. Refuser la place qu’on veut nous assigner.

28. Communautés & Société. Pour permettre aux communautés de survivre, elles doivent paradoxalement militer pour la société. Parce que le modèle communautaire élevé à échelle nationale conduit, in fine, à l’exclusion voire à l’élimination des minorités. C’est l’ère de la « réethnicisation de la politique« , de la guerre menée par les gouvernements autoritaires contre les minorités tous azimuts. Pauvres, femmes, minorités ethniques, migrants. Chacun son bouc émissaire.

« Il faut que l’autre existe« 

29. Renoncer à la pureté identitaire « Il faut que l’autre existe« , pour que les victimes d’aujourd’hui ne deviennent pas les bourreaux de demain. Pour ne pas prendre le risque de « remplacer un despotisme colonial par un despotisme indigène« , parce que « Une société pure sera toujours prise en otage par une force autoritaire« . Renoncer à la pureté idéologique et à l’idéal-type du grand récit libéral. A la compétition effrénée, la guerre de tous contre tous. La guerre contre soi-même surtout. Renoncer à l’être total, au lieu total. Remplacer la compétition par la solidarité.

30. Responsabilité « microscopique ». La cohabitation, une société, le monde se construit à chaque instant dans les plus insignifiantes et quotidiennes de nos interactions. Parce que la guerre n’est somme toute que « l’addition de nos plus petites haines« . 

31. Exemplarité. Pour changer le monde, il faut commencer par « se changer profondément soi-même. Sinon, une fois « 68 » passé, on retourne dans ses pantoufles… » (La preuve scientifique de l’existence de Dieu)

32. Choisir ses armes. Dans le film de Frédéric Bailif nos activistes s’interrogent sur la forme que doit prendre leur combat. Répondre au terrorisme par l’action violente ? Dégommer les politiques défaillants ? Plus tard, dans les allées de l’exposition de Khalil Hamra sur Gaza, un visiteur constatait dépité à quel point un homme seul qui dégomme un politique peut changer le monde… pour le pire. Alors qu’on doit être des millions à répondre par la paix pour arriver au même résultat. A l’image de ce Palestinien qui après avoir passé 20 ans dans ses geôles devint un fervent militant pour la paix avec Israël…

33. Armés d’émotions. La honte et la colère comme moteur pour Edouard Louis « Ne pas cesser d’avoir honte et utiliser cette honte pour être autrement dans le monde« . Ne pas évacuer la colère. La colère est bonne, légitime. La colère doit toujours être réactivée. « La colère dit la vérité« . Se servir de sa rage et de son indignation pour Dick Marty. Dénoncer par le rire, en réalisant un « film volontairement délirant » pour Frédéric Bailif. L’humour, comble de l’insolence et de la… résistance ? Ne pas cesser de rêver comme Steve, comme le FIFDH.

« Et pourquoi pas la joie ? « 

34. Jouer. Il n’y a pas que le capitalisme qui soit plastique, qui s’adapte aux contraintes qu’on lui impose. Le citoyen sait jouer lui aussi ! Il joue avec les outils législatifs à disposition, il joue à récupérer les armes de l’adversaire et les retourner contre lui. Il joue à expérimenter de nouvelles formes d’organisation, à tâtonner, puis à exporter, partager la bonne formule. Il joue le jeu du compromis aussi quand il le sait être la moins mauvaise des solutions. Il joue à hacker, à désobéir quand le combat l’impose.

35. « Peopliser » les combats. Faire porter le drame de Nadia par l’image d’une certaine Amal Clooney. Convier des voix qui comptent. Convaincre des cibles VIP pour diffuser une action. Créer « l’événement ». S’adapter au monde d’aujourd’hui. Mettre en lumière les porte-voix.

36. Se financer consciemment. L’argent, nerf de la guerre et de la paix. L’argent qui pousse des États à s’allier avec des monstres financiers, évinçant de concert des populations. L’argent, au coeur de la politique et de ses règles de financement. Financement qui décide de la paix. Ou quand le sort du coeur du monde se joue dans les hémicycles américains. L’argent qui manque aussi. Parfois pour le bien quand « less money » aboutit à « more ideas » ou quand il encourage le développement de nouvelles formes de financement. Un financement citoyen, un financement participatif. L’argent, dont les organisations humanitaires ne peuvent se priver. Ou quand le compromis avec le réseau économique vaut toujours mieux que la compromission avec des autorités criminelles. La corruption au coeur des guerres partout. La corruption, à combattre d’abord en chacun de nous. 

20190308_21544237. Women (strong) Voices. La Journée Internationale de la Femme a marqué l’ouverture du Festival, qui a consacré à son terme un film féministe et mis en avant durant dix jours des voix de femmes fortes. Hajer Sharief, Noura Erakat, Sara Mardini, Leilani Farha, Leila Slimani et bien d’autres. Des femmes qui face aux secousses contemporaines, au « straight men disorder » proposent d’autres visions pour un monde plus juste. Et si on optait pour la voie féministe ?

38. L’humanité. « Ne pas imaginer ne pas le faire« .

39. La grande Récupération. Pour qu’il n’y ait pas que les peurs et les algorithmes qui aient le droit de cité et de circuler. Les nationalistes récupèrent nos peurs, Blackstone nos villes, Monsanto et Microsoft nos savoirs et nos innovations. Alors récupérons !!!! Nos peurs prises en charge par des « entrepreneurs populistes » qui les instrumentalisent et les entretiennent à leur profit. Qui nous « ethnicisent » et nous transforment en communautés politiques identitaires. Récupérons le peuple pour pratiquer comme la Maire de Barcelone un « Good populism« , celui qui nous permet de récupérer nos villes colonisées par des monstres financiers qui ont récupéré à leur profit la crise de 2008. Récupérons nos savoirs pour inciter des géants comme Google à jouer le jeu « par pragmatisme »…

Avec le pessimisme on fait avancer seulement le nihilisme. Avec l’espoir, on mobilise, on est dans l’action, le futur.

40. Cultiver l’espoir. « L’espoir et les discours optimistes seuls peuvent combattre le populisme qui se nourrit des postures déclinistes et de la peur. » Et s’armer de Foi. La foi qui permet aux résistants d’y croire, donne aux militants la force de poursuivre le combat. Celle qui révèle des images de robes de mariées à Port-au-Prince ou à Gaza. Sans foi, pas d’espoir. La foi c’est la vie qui gagne, la vie qui continue. Malgré et au milieu des combats.

41. Le pouvoir de l’achat. Le consommateur-activiste n’a peut-être pas le poids pour s’attaquer aux lobbies et « Mettre en échec le pouvoir politique du monde des affaires« , n’empêche son pouvoir de résistance est énorme. L’argument économique remporte le combat face à l’échec des arguments moraux. Lorsqu’ils prennent acte que « ça ne marche plus« , lorsque la réputation et l’image sont en danger, les géants de la finance révisent leurs pratiques et les multi-nationales se rêvent éco-responsables… Le consommateur-activiste a le pouvoir de créer des incitations positives là où le politique se débat avec les alliances dans lesquelles il s’est empêtré.

Libre not Gratis !

42. « Libre not Gratis ». Le consommateur-activiste devrait renoncer au mythe de la gratuité. Car quand l’Autre devient gratuit, y’a fort à parier que le prochain à l’être soit ses enfants !

43. Épilogue : Des Voix & des Voies. Toutes ces pistes sont le fruit d’hommes et de femmes qui se battent pour ouvrir des voies. Des voix issues de la société civile, du monde culturel, politique, économique, … De tous les clans. Oui, dehors on trouve tellement de héros desquels s’inspirer, de personnages à mettre en scène pour inspirer. Tellement de modèles qui redonnent espoir en l’avenir. Et dire que l’être humain n’est plus à la mode… Malthus lui vole la vedette. J’ai été formée à penser que le malthusianisme était du passé… Alors qu’aujourd’hui on dirait bien souvent que l’homme trouve que l’Autre homme ou l’Homme tout court est de trop. Alors, pour éviter le sacre d’une idéologie qui mobilise sans humanité, réhabilitons l’Humanité !

Et pendant ce temps-là…

Pendant qu’on refaisait le monde, lovés dans notre bulle énergisante, dehors ce dernier ne s’est pas arrêté. Il cherche son désaccord harmonieux entre démocratie et tribalité, tradition et post-modernité, ouverture et fermeture.

On marche pacifiquement le vendredi... En Algérie pour la liberté, en Europe pour le climat. En Italie, Matteo Salvini loue Mussolini. Tandis que Mr T et Mr B entament un rapprochement et qu'en France, un Grand Débat tente de répondre au mouvement jaune. Deux conseillers sortent du Gouvernement Macron pour expliquer le progressisme. Le philosophe Raphaël Glucksmann crée son mouvement pour les Européennes. Le Qatar inaugure sa Rose des Sables à Doha tandis qu'en Nouvelle Zélande, c'est l'attentat contre le "grand remplacement". Le parti autoritaire du président Erdogan essuie un revers aux municipales en Turquie. Ce qui reste du président algérien Bouteflika lâche le pouvoir. L'immobilier Premium est en berne à NYC. Le territoire de l'État islamique n'est plus. 1 million de Britanniques crient Stop au Brexit à Londres. Un drame climatique fait des ravages au Mozambique.

Et demain ?

Le récit le plus puissant gagnera

On nous dit que tout est récit et que le récit le plus puissant gagnera. Alors lequel de ceux évoqués au Festival remportera l’adhésion ? Celui de parents qui voient l’Ecole Montessori comme le monde de demain ou celui des parents qui voient l’Ecole milicienne comme le monde de demain ? Peut-on réconcilier ces deux récits ? Peuvent-ils coexister ?

Je ne sais pas… Personnellement derrière le mot récit je vois un concept dont, de plus en plus, je me méfie : idéologies… Je leur préfère désormais des ptits mots tout simples – responsabilité, liberté, bon sens, humanisme, justice, solidarité – qui sont presque devenus honteux, qui ont été vidés de leur substance et ne signifient plus rien. Mais qui sait, en ré-embrassant à la fois la complexité et la simplicité peut-être serons nous moins friands de grandes idéologies, qui finissent toujours par diviser, inéluctablement. Totalitarisées, elles créent in fine des mondes où « les avis différents, les dissidences sont immédiatement taxés d’ennemis d’un peuple absolutiste et prétendument unanime… »

Think glocal !

Moi au milieu de cette « Bataille du libre« , je préfère la voie hybride proposée par la lucidité bienveillante des artistes, à la dictature des identités et au monde dirigé par le vide la colère la peur la culpabilité concocté par les marchands de peurs et de passions tristes. Je milite pour la Glocalité !!!

Think glocal ! Le modèle national a largement failli par le passé, il faillit encore largement à rapprocher aujourd’hui. Il leurrera peut-être un temps, qui sait… Quant au modèle d’appartenance locale, Rousseau a assisté à sa faillite, déjà en son temps et même dans une micro République comme Genève. Enfin, après ces dix jours de festival, on ne peut que constater au vu de l’état actuel des droits humains que le modèle global ait failli lui aussi. Mais si comme l’a expliqué Bertrand Badie « la quatrième vague populiste, universelle, qu’on vit en ce moment est centrée sur la peur de la mondialisation et de la dissolution« , si cette vague est glocale donc, alors la mondialisation peut être glocalisée elle aussi. Là où on a failli, c’est à expliquer aux peuples que la globalisation pouvait être récupérée, localisée, ré-appropriée, bricolée. Qu’ils étaient maîtres de ses variations. Qu’on peut tout à fait être citoyen du lieu où nous sommes et connecté à une globalité. Un « Citoyen du monde local » avec des racines et des ailes. Là où on a failli, c’est à substituer la nouvelle vague nationaliste par le « Happy Cosmopolitisme », phase de cohabitation globale d’un monde interconnecté et brassé par l’Histoire. Un monde post-colonial et multi polaire. Ce à quoi on doit s’activer, c’est à trouver le subtil équilibre entre passage et ancrage, Territoire et Réseau, mouvement et immobilité.

En attendant, militons, tout le temps, pas uniquement dix jours par an. Pour que demain ce ne soit pas une science-fiction qui l’emporte. Et pour que toute cette énergie ne sommeille jusque l’an prochain, l’idée a été lancée au Festival de créer un site de partage de voies d’actions et de possibilités d’engagements. Affaire à suivre donc. Et sinon, vivement l’an prochain et merci au FIFDH !!!!!!

Et pour clôturer le débat – Parole à la Présidente du Jury

 

 

 

 

 

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