Au sommaire de cette Gazette, des escales méditerranéennes, une revue de presse métissée, des plaidoyers pour la circulation, des visions burlesques ou désenchantées, une indépendance avortée, un Mot galvaudé, trois Mots-Résumés, une échappée urbaine, du lait et un film AOC, un Dictionnaire amoureux d’Emmanuel M., une réflexion sur la laïcité, des romans-réconciliation, des poètes en circulation, le Retour de l’année, les incontournables Brèves du Territoire, Les Boutades du mois, la Minute mélancolie, un Dimanche consolation, …
Octobre – Semaine 1
Le docu de la semaine. Fuocoammare, par-delà Lampedusa. En septembre il a beaucoup été question de « migrants ». En entamant octobre avec le documentaire de Gianfranco Rosi qui a obtenu l’Ours d’or de la Berlinale en 2016, la transition est toute trouvée. Le documentaire de Rosi renferme la promesse d’une immersion à Lampedusa, cette petite île italienne perdue en Méditerranée qui tient le haut de l’actualité depuis quelques années. La promesse de faire connaissance avec un lieu dont on ne connaît guère que les images associées à la « crise des migrants ». Mais soyons clairs, si on cherche un guide de voyage sur Lampedusa, on a de grandes chances de ressortir frustrés. Absence de gros plans, de contextualisation, d’images de l’île. Le propos supplante le lieu. C’est Lampedusa, mais ça pourrait être n’importe où.
En fait le documentaire propose une double immersion sans narrateur. Parmi des habitants pour lesquels le temps semble s’être arrêté. Aux côté des migrants, dans le mouvement. Deux mondes qui s’ignorent. Ne s’entrecroisent jamais. Et deux films qui n’ont rien a voir, ne communiquent pas, ne se métissent pas. Comme une métaphore du message du réalisateur. Reste le personnage du jeune garçon, qui malgré l’apparente quiétude voire monotonie de son existence, se fait l’éponge des troubles de son île et est en proie à des crises d’anxiété. Il est celui qui fait le lien entre les deux mondes. Calvaire des migrants, souffrance psychique d’un jeune local, deux maux auxquels le réalisateur donne le même poids et traite avec la même gravité.
L’intérêt principal du film tient dans l’opportunité d’assister à un processus de sauvetage d’un bateau de migrants. Et de ce qu’il nous dit de ces mouvements migratoires. Il n’est pas question de quelques migrants qui auraient trouvé une barque abandonnée au bord d’une plage mais d’une économie à grande échelle. Une économie de la migration abandonnée aux passeurs. Et leurs « Titanic » du 21ème avec premières, deuxièmes et troisièmes classes. Ici, pas de représentant de l’armateur à bord, le but n’est pas que tous les migrants arrivent vivants. Il suffit que certains d’entre eux survivent pour assurer la publicité…
L’album de la semaine. Cette semaine, Bernard Lavilliers, dont le seul nom évoque le mouvement, le voyage, le métissage, fait la tournée des médias pour la sortie de « 5 minutes au paradis« . Dans son dernier album, cet artiste engagé et grand voyageur consacre notamment une chanson aux réfugiés avec Croisières méditerranéennes (texte à découvrir dans Highlights)
La boutade de la semaine. Invasions dans toutes les directions !!!! Est-ce qu’on s’expatrie pour une meilleure couverture santé ? Certains commencent à se poser la question au moment où les primes maladie de l’an prochain viennent de tomber… Dans notre merveilleux pays où par ailleurs vient précisément d’être élu à l’exécutif un représentant du lobby des assurances maladie…
Le sujet actu de la semaine. L’indépendance de La Catalogne. Comme à Genève où certains ont cru un temps qu’on était riches indépendamment de son intégration au Monde, que les multinationales appartenaient aux locaux, en Catalogne on croit qu’on est plus riches que le reste du pays indépendamment de celui-ci, indépendamment de l’Europe aussi. L’économie déteste l’incertitude et l’isolement. Déjà les banques font leurs valises. Alors les Catalans vont-ils opter pour la reconnaissance pleine et entière de leur Identité dans la pauvreté ? En est-on là du huntingtonisme et de la balkanisation identitaire ? Ca laisse songeurs… Le débat ? Nation vs Régions. Europe, Espagne, Catalogne, une échelle de gouvernance, une échelle identitaire de trop ? Si l’Espagne est déchirée, la Catalogne aussi. Les anti-indépendantistes sortent du bois et se mettent en marche en ce dimanche 8 octobre.
Les sorties ciné de la semaine
The Square, Happy End, Faute d’amour, etc., les films présentés à Cannes déferlent enfin sur nos grands écrans. Si peu d’entre eux ont comme sujet le mouvement ou la cohabitation, ils n’en sont pas moins intéressants par leur vision désabusée, sarcastique sur le monde, sur nos modes de vie. Cette semaine sort aussi le Sens de la fête, « premier film macronien » selon Laurent Delmas de France Inter (On aura tout vu). Mais si le film défend la Loi travail, cet opus écrit dans le contexte des attentats et qui devait d’abord s’appeler Les temps sont difficiles, propose aussi une métaphore d’un possible vivre ensemble sans naïveté, dans une micro-société diverse et métissée, et confrontée aux défis et difficultés qu’impliquent toute cohabitations. Enfin il est peut-être macronien aussi dans l’envie revendiquée par ses auteurs de montrer le côté lumineux des choses.
La leçon de la semaine. Sinon, dans mes Cours RH, on nous apprend que l’économie c’est d’abord un circuit dans lequel la seule indispensable est que la circulation ne soit pas grippée. Le mouvement, tout le temps, partout jvous dis. On nous apprend aussi qu’il est important que les collaborateurs soient en phase avec les valeurs de leur employeur. Mais face à un prof désabusé par son entreprise dont les valeurs consistent actuellement uniquement à réduire les coûts, je me dis que reste maintenant à rééquilibrer valeur du mouvement et réductions des coûts… au risque de voir disparaître… le mouvement justement.
Ptite revue de presse de fin de semaine. Ce week-end, j’ai enregistré pour vous les talk shows et autres émissions d’actualité, ce qui m’a par ailleurs éviter de me confronter toute la semaine durant à l’actualité politique instantanée. J’avoue que je suis assez friande de la version résumée qui permet déjà un brin de distance. Voici ma petite sélection :
- One World. Le métissage, on est tous concernés. Cette semaine 300 millions de critiques comme Maghreb Orient Express (TV5 Monde), nous présentent une génération d’artistes de l’autre rive de la Méditerranée qui ont à coeur de métisser leur art pour s’inscrire dans l’universalité et conquérir le monde. Métissage de la musique africaine d’abord avec Fally Ipupa (album « Kiname ») et la nouvelle rumba congolaise qui mêle musiques traditionnelles et sonorités urbaines, ou Pierre Kwenders qui fait éclater les barrières en remplaçant le terme Musiques du monde par pop internationale.
- Métissage de la musique algérienne aussi avec la chanteuse Amel Zen, qui a grandi dans la ville romaine de Tipaza, dans la musique andalouse et transforme en musique toute la pluralité culturelle que porte en elle. Dans son nouvel album, elle a eu envie de découvrir d’autres sonorités, à travers le chaabi, style populaire, patrimoine de l’Algérie, qu’elle adapte à la nouvelle génération et mélange avec de nouvelles sonorités. Son projet ? Faire une musique ethno-pop pour s’inscrire dans l’universalité, ouvrir la musique algérienne sur le monde. Pour donner un message de liberté à la nouvelle génération aussi et créer des passerelles entre passé et présent. Invoquer l’art pour montrer que la société n’est pas monolithique et lutter contre les obscurantismes, utiliser l’art pour contrer les discours et la visée homogénéisante des islamistes et montrer que le monde arabe est divers. Amel Zen nous présente aussi le Festival Rencontre Arts de Kabylie qui met en scène une Algérie plurielle, de la tolérance, du vivre ensemble. Ce message, ces valeurs universelles de partage, la chanteuse a envie de les perpétuer partout en Algérie, mais sans oublier son identité, parce que revendiquer ses origines est fondamental aussi.
- Génération désenchantée. Avec le mélancolique Régis Debré dont le dernier opus « Le nouveau pouvoir » est débattu par les chroniqueurs de 300 millions de critiques (TV5 Monde). Le philosophe et écrivain français y analyse le sacre d’Emmanuel Macron à travers le prisme civilisationnel. Le propos ? Macron est le symbole d’une politique dont le protestantisme et le management anglo-saxon se sont emparés. Moi je me dis qu’il est plutôt rassurant que nos politiques connaissent un minimum le monde de l’entreprise pour faire marcher un pays au temps de la mondialisation. Même si personnellement je n’ai rien contre les intellectuels déconnectés du réel… Reste que je les préfère dans l’analyse qu’aux commandes… A l’extérieur qu’à l’intérieur du ring…
- Economie = mouvement. Sur le plateau de Salut les Terriens (C8), on est tous d’accord pour dire qu’au-delà de la polémique, de la politique de l’anecdote, du tollé provoqué par les propos maladroits d’Emmanuel Macron sur le « bordel », il faut juger le fond et pas la forme du message du président. De quoi parle-t-il lorsqu’il dit que les salariés pourraient aller chercher du travail dans la ville à côté ? Simplement que de mobilité économique = une réalité qui concerne l’homme depuis le début de l’humanité. De tous temps on est parti chercher le travail là où il se trouvait. De tous temps les hommes ont bougé pour travailler. Une réalité qui n’est rien de moins que la base de toute immigration. Bouger pour se nourrir, rien d’autre que l’histoire de l’humanité…
- Immersion dans les périphéries. J’aimerais revenir sur l’enquête d’Anne Nivat (Dans quelle France on vit) invitée cette semaine de Salut les Terriens, et dont je vous avais parlé pour mettre en évidence mon malaise face au caractère ethnologique de l’enquête d’une intellectuelle parisienne sur la périphérie. Ce que j’aimerais mettre en évidence cette fois c’est que cette grande reporter de guerre, qui jusqu’ici s’était intéressée au Monde, aux lointains, est elle aussi « rentrée à la maison », pour étudier la France des périphéries dans son cas. Et puis mettre en évidence le contenu de l’enquête aussi, qui propose un découpage intéressant, consacrant un chapitre par thématique (à découvrir dans Highlights).
- Le « Vivre ensemble » version déjantée. Finissons ce tour d’horizon par une touche d’humour et la dernière comédie de Fabrice Eboué « Coexister« , qui propose une parodie du concept désormais très galvaudé du « vivre ensemble.
Le pitch ? Un prêtre, un rabbin, un imam qui partent en tournée. L’humour pour parler de cohabitation comme un créneau français, dans la veine de Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu, Amour sur place ou à emporter, Le nom des gens ou encore Il a déjà tes yeux…Et pour se moquer un peu aussi d’un concept désormais devenu marketing et un peu démago, selon Fabrice Eboué, qui remarque que pour vendre une marque de couche aujourd’hui on pense qu’il suffit de mettre un bébé de chaque couleur sur l’emballage…
Octobre – Semaine 2
Le Sujet Actu de la semaine : Région vs Nation
Dimanche : défilé des Catalans pro-unité. Mardi : indépendance ou effet d’annonce ? Une indépendance qui aura duré … 20 secondes… Mais déjà 6/7 grandes entreprises clé déplacent leur siège, les croisières boudent Barcelone et passent par Valence,… enfin ils vont retrouver la tranquillité qu’ils scandaient il y a quelques semaines à peine à San Sebastian. Unionistes majoritaires mais silencieux. Règne du cri, règne des minorités hurlantes. Majorités silencieuses à réhabiliter.
Mais pourquoi pas plusieurs échelles identitaires ? Catalans, Espagnols, Européens… Paraît que l’Europe n’oublie pas les régions (Comité des Régions), paraît que le problème n’est pas le trop d’Europe, le problème est qu’il n’y aurait jamais eu d’Europe, paraît qu’une Europe des régions pourrait constituer une alternative. Et si la Catalogne faisait sécession de la nation mais pas de l’Europe ? L’État de trop ? (Chapitre Etat PC) Le nationalisme étatique a sacrifié des millions de siens par le passé, qu’en est-il du nationalisme régional ? En attendant, l’Europe organisation supra-étatique soutient l’Etat espagnol et la Maire de la Ville-Monde Barcelone n’est pas pour la sécession non plus.
Régionalisme, replis nationalistes, transnationalisme –> le match. Trois mots pour résumer ce prologue de 21ème siècle. Et trois livres pour lire le monde contemporain : Après le colonialisme… d’Arjun Appadurai, Le choc des civilisations de Samuel Huntington, et ... ? des idées, des suggestions ? Il me manque le troisième livre, le Grand livre qui théoriserait le régionalisme contemporain. De Rougemont, non, … Peut-être n’en avons-nous pas besoin. Il est partout le goût de l’ethnicisation régionale contemporain, ce petit goût de retour. Dans les chansons, les romans, dans l’enfance de chacun.

En attendant l’avènement du transnationalisme populaire, cette deuxième décennie du 21ème on aura assisté au triomphe retrouvé du trans-étatisme, du transnationalisme des rois. Des rois dont la sur-réaction disproportionnée à leur perte de souveraineté en début de 21ème nous aura conduit à ça : un chef d’Etat turc qui chasse ses opposants partout en Europe ou un gouvernement érythréen qui fait pression sur Genève pour une simple célébration culturelle… Oui le transnationalisme étatique a supplanté le transnationalisme des citoyens. Après ce retour de balancier… équilibre bientôt trouvé ?
L’échappée urbaine de la semaine
Un vendredi (13!) dans ma petite Cité-Monde… Au menu
Le Festival Ici c’est Ailleurs
Au Théâtre Saint-Gervais la photographe Ariane Arlotti expose sous forme de photographies et de vidéos les 28000 kilomètres parcourus de la Belgique à la Grèce à traquer frontières et check points (Destination checkpoints). L’association Appartenances présente elle les polaroïds de femmes récemment arrivées dans la cité et qui nous font partager les lieux dans lesquels elles se sentent bien avec leurs enfants (Quel est le lieu de mon quartier où je me sens bien avec mon enfant ?)
Après avoir affiché à son menu de midi les célèbres momos tibétains, le centre culturel Foound accueille en fin de journée le Refugee Food Festival et confie les clés de sa cuisine à un cuisinier érythréen.
Puis avant de retourner au Théâtre Saint-Gervais pour assister à L’échappée belle, résultat d’un atelier participatif mené par Salam Yousry qui tente de répondre à la question « De quelle(s) voix Genève parle-t-elle ?« , petit détour par le bout de la rue de Lausanne pour y découvrir un nouveau café vegan étonnement fermé, se consoler d’un muffin au chocolat dans une boulangerie portugaise de cette rue bigarrée où les commerces ethniques se glissent entre les hôtels, puis découvrir le magasin en vrac des Grottes, un autre commerce bien dans l’air du temps.
Verdict ? Si j’ai déambulé seule dans les allées des expos de Saint-Gervais, j’ai croisé une foule dense entre la gare et les quartiers bouillonnants qui l’embrassent et dû me frayer un passage parmi la queue agglutinée devant le remitances shop de Corvavin. Encore une fois l’occasion de constater qu’à Genève c’est dans le quotidien que se vit finalement le mieux la cohabitation. Pas lors des « events ». Pas d’explosion, pas de conviction ? Plutôt un consensus silencieux, pudique, calviniste… Après avoir passé ma journée dans le quartier Grottes-Pâquis, prototype de l’évolution des quartiers populaires de la Cité du 21ème… en gentrification. Après une journée à mixer mondes « végé » et « ethno », mélange des styles typique de la nouvelle cohabitation desdits quartiers, je traverse mon village en pierre de la campagne genevoise, sa belle église, sa place et ses piliers de rue… Encore un autre monde proposé par Genève 😉
Bon c’est terminé pour aujourd’hui, mais si vous en voulez encore ce mois-ci à Genève on peut aussi assister à un des nombreux concerts de jazz donné dans le cadre du festival transfrontalier Jazz Contreband (lien), s’adonner à la gastronomie japonaise-péruvienne dite « nikkei » au Kampai (lien), ou encore voyager avec Les Nuits du Labyrinthe – Musiques d’Orient et de Méditerranée données par les ateliers d’ethnomusicologie (lien)
Le clin d’oeil de la semaine
Bon alors Max Havelaar ou Jean-Claude Gaillard, faudrait savoir ???
Cette semaine en tout cas j’ai le vague sentiment qu’on penche plutôt pour Jean-Claude Gaillard, à en croire la sortie au ciné du premier film « AOP », certifié « tourné en Sologne », « L’école buissonnière« …
L’article de la semaine : « La différence dérange un tiers des Suisses » (ATS, repris sur Bluewin.ch, 10.10). Article basé sur la dernière enquête OFS. Mais je croyais qu’on goûtait la différence, la diversité, qu’on recherchait partout l’autre AUTHENTIQUE ?! Ah ben pas « ici » apparemment. Paradoxe, quand tu nous tiens. Evidemment quand tu rentres dans le texte et dans le détail des chiffres c’est plus complexe. Dans le détail, sur les 36% des interrogés qui se disent « pouvoir être dérangée par la présence de personnes perçues comme différentes« , « Six pourcents de la population se déclarent dérangés au quotidien par une personne ayant une couleur de peau ou une nationalité différente, 10% par une religion différente et 12% par des langues différentes. Enfin, 21% se disent gênés par la présence de personnes ayant un mode de vie non sédentaire. » L’étude rappelle que la Suisse est par ailleurs une société tolérante, multiculturelle, avec plus de dix communautés religieuses et 190 nationalités. 56% des interrogés estiment que l’intégration fonctionne bien, et le rapport du DFI sur la lutte contre le racisme sorti en même temps « constate que les opinions hostiles envers les étrangers et les minorités ne semblent pas avoir évolué de façon significative, en dépit de la politisation de l’immigration. » Bref circulez tout va bien.
La lecture de la semaine
Dont je vous propose une review en mode Dictionnaire amoureux, parce qu’au fond c’est bien un peu ce que nous propose Philippe Besson, à commencer par la lettre A comme Admiration pour Emmanuel M. comme il l’appelle.
- Complexité. Emmanuel M. veut des « coalitions de conviction » plutôt que d’appareil, se pose « en alternative aux extrêmes » (51), veut « incarner le contraire du fatalisme » (52), martèle qu’il « faut se méfier des simplifications » (129).
- Courage. Philippe Besson revient sur l’épisode des deux « bourdes » : la qualification de la colonisation comme « crime contre l’humanité » et la déclaration sur l’humiliation subie par les les opposants au mariage pour tous. Pour moi, loin de fracturer, ces prises de position oeuvrent au contraire pour la réconciliation. Une réconciliation de fond impensable sans rouvrir l’Histoire et soigner les plaies, impensable aussi en méprisant les valeurs d’une partie de la société.
- Espoir. Les autres candidats parlent d’une France sinistrée, une France à calfeutrer d’urgence, Emmanuel M. lui parle d’ouverture et d’optimisme.
- Essence. Emmanuel M. ? une singularité et une détermination absolues, une intelligence hors norme, le courage de ne pas faire dans la démagogie, une dimension christique, insaisissable, funambule, une anomalie, une sympathie, …
- Foi. « Entendez-vous le murmure du printemps ? » (212). Emmanuel M. (y) croit. Et il cite René Char aussi « A (me) regarder, ils s’habitueront » (172).
- Gravité. C’est « la période très grave » qui aurait convaincu Emmanuel Macron a se lancer. (17)
- Hybridité. Le mantra d’Emmanuel M. ? « Mais en même temps« . Libérer et protéger. Europe et Patrimoine français. Un parcours taillé pour la réconciliation Réseau-Territoire aussi : enfance provinciale, produit de la méritocratie, famille singulière et moderne, compagnonnage avec les forces de l’argent. Emmanuel M. refuse de se laisser circonscrire, enfermer. Hybridité comme prélude à la réconciliation, ce qu’il n’hésite d’ailleurs pas à rappeler lorsque les intellectuels français s’y opposent : « Ce qu’ils détestent, c’est l’idée même de réconciliation » (245).
- Méprises. Lors de la déclaration des patrimoines « on apprend que les trois champions de la défense des « petites gens » et de l’incarnation de la « France réelle », c’est-à-dire Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Nicolas Dupont-Aignan, sont les plus fortunés et qu’Emmanuel M., supposé candidat de l’argent et suppôt de la finance mondialisée, fait figure de parent pauvre. Le monde à l’envers. » (174-175). Un monde que Philippe Besson a coeur de remettre à l’endroit, notamment par ces quelques vérités sur Marine Le Pen: la candidate anti-système ? Un Le Pen à la présidentielle depuis 40 ans… La candidate du peuple ? née à Neuilly, élevée à Montretout, cernée de domestiques, n’a jamais travaillé et hérité d’un parti politique… Les mains propres ? Un parti mis en examen, elle-même qui refuse de se rendre à la convocation des juges… Contre l’oligarchie ? ses liens avec la mafia Poutine… (215).
- Mondialisation. Emmanuel M. peut apporter une réponse au monde en mutation avec « sa modernité, sa capacité à identifier les opportunités de la mondialisation » (25)
- (En) Mouvement. Produit de son temps, Emmanuel M. crée une véritable « start-up », composée de « marcheurs » ultra motivés. Il se met très vite « En marche » lui aussi, allant dans un premier temps « au contact » comme il dit, rencontrer ses concitoyens et nourrir son projet de ces échanges. Il se rend tous les milieux. Mais choisit Saint-Denis, banlieue populaire, pour annoncer sa candidature.
- Nationalisme. « Moi, je viens d’une région de cimetières. Le nationalisme, c’est la guerre » (186). Une seule phrase pour incarner ses arguments…
- Paradoxe. Pour Philippe Besson, Emmanuel M. aurait ses chances, « Si on met de côté que les Français clament leur foi en l’avenir mais ne cessent de se réfugier dans le « c’était mieux avant », réclament toujours des réformes mais s’y opposent systématiquement dès que quelqu’un s’efforce de les mettre en place, aspirent à la révolution mais élisent un roi, vomissent les partis mais votent pour eux, jouent au loto mais haïssent les individus liés à l’argent » (26).
- Patriotisme. Emmanuel M. n’entend pas « laisser la fierté française à l’extrême-droite« , qui n’ont « à faire valoir qu’un nationalisme étriqué« , alors que « les vrais patriotes » ce sont eux, les progressistes. (154). Le vrai patriote c’est lui, Emmanuel M., qui aime le patrimoine et les symboles, et choisit de prononcer son discours sur la culture dans un château délabré, mais pas n’importe quel château délabré, celui où François Ier décida d’unifier les langues pour créer une patrie, la langue française. Il y livre un discours inspiré durant lequel il ne cite pas seulement Camus mais Brancusi : « En art, il n’y a pas d’étrangers« . Un discours durant lequel il salue en outre « les refusés, les insoumis, les affranchis » (168). Un discours qui rassemble.
- Pollution. Philippe Besson est frappé par le discours sur le « vivre-ensemble » du 18 octobre 2016 d’Emmanuel M., qui dans un premier temps oublie de pointer les atouts du pays. Ainsi même l’esprit d’Emmanuel M. est parfois « pollué par le discours dominant », dans un pays où « les questions de diversité ont été confisquées au profit d’un débat hystérique sur l’identité » (58).
- Pragmatisme. Emmanuel M. se pose comme le candidat du travail, celui de la protection, du plaidoyer pour l’Europe.
- Progressisme. Le désir d’Emmanuel M. : « faire travailler ensemble les progressistes et renvoyer les conservateurs à leur stérile nostalgie » (25); se veut le « rassembleur des progressistes » (84)
- Profil. Emmanuel M. est un « enfant de la crise » et un « enfant de la paix » (68).
- Ralliements. Une campagne qui bascule avec celui du centriste François Bayrou d’abord avec lequel ils partagent « la gravité du moment » (138). Puis multiplication des ralliements de tous bords : le communiste Robert Hue, Daniel Cohn Bendit, des écologistes, des chantres du libéralisme. Emmanuel M., sa vision et son plan économique équilibré parviennent à séduire dans tous les camps. A rassembler. Chapeau l’artiste.
- Rassemblement. A un moment de la campagne, Philippe Besson sent que quelque chose est en train de changer, observe des ralliements populaires aussi, même parmi ceux qui s’étaient tournés vers le FN.
- République. Alors qui est le vrai républicain ? Réponse de Philippe Besson qui convoque Victor Hugo et offre un des passages les plus forts du livre : « Quel est le républicain, de celui qui veut faire aimer la République ou de celui qui veut la faire haïr ? Si je n’étais pas républicain, si je voulais le renversement de la République, écoutez : je provoquerais la banqueroute, je provoquerais la guerre civile, j’agiterais la rue, je mettrais l’armée en suspicion, je mettrais le pays lui-même en suspicion, je conseillerais le viol des consciences et l’oppression de la liberté, je mettrai le pied sur la gorge au commerce, à l’industrie, au travail, je crierais : « Mort aux riches ! » En faisant cela, savez-vous ce que je ferais ? Je détruirais la République. Que fais-je ? Tout le contraire. Je déclare que la République veut, doit et peut grouper autour d’elle le commerce, la richesse, l’industrie, le travail, la propriété, la famille, les arts, les lettres, l’intelligence, la puissance nationale, la prospérité publique, l’amour du peuple et l’admiration des nations. Je réclame la liberté, l’égalité, la fraternité et j’y ajoute l’unité. J’aspire à la république universelle. Savez-vous à qui il faut dire : « Vous n’êtes pas républicain »? C’est aux terroristes. Vous venez de voir le fond de mon coeur. Si je ne voulais pas la République, je vous montrerais la guillotine dans les ténèbres et c’est parce que je veux la République que je vous montre dans la lumière la France libre, fière, heureuse et triomphante. » 1848… (216)
- Responsabilité. Philippe Besson n’entend pas éviter le procès en irresponsabilité à Jean-Luc Mélenchon qui refuse de donner une consigne de vote après sa défaite, refusant de choisir entre nationalisme et capitalisme… L’auteur assiste médusé à cet entre deux-tours, au manque de responsabilité durant ce moment de gravité et cite le patron de l’hebdomadaire Marianne, qui constatant que le rejet de Le Pen semble devenu accessoire par rapport à la haine de Macron pose cette question : « Sommes-nous devenus fous ? » (221).
- Solennité. Emmanuel M. refuse d’être un président BFM, ne veut pas d’une « présidence de l’anecdote« , mais de la rareté et de la gravité. Il entend s’interdire de tout « commenter, de réagir à chaud » mais au contraire se faire rare, « donner un cap et du sens, porter une vision » (105), offrir aux gens une présence généreuse « désintermédiée« .
- Soulagement. Au soir du premier tour, Philippe Besson reçoit ce message d’Antoine Leiris, dont l’épouse a été assassinée au Bataclan : « Je suis fier de mon pays. Fier que trois jours après une nouvelle blessure en son coeur, il choisisse l’optimisme, l’ouverture, la liberté. Mais rien n’est gagné. Et la responsabilité est immense. Les frontières de ce que notre pays veut être et devenir se dessineront dans le moment démocratique qui nous attend dans deux semaines à peine. Ne le manquons pas. Il n’est plus seulement question d’Emmanuel Macron désormais. Il est question de la France. Une et indivisible. » (212). En un sms, le bonhomme a tout résumé…
- Spontanéité. Soulagement pour nous et joie pour Emmanuel M. auquel on va reprocher de la célébrer dans un lieu trop connoté. Sa réponse : « La Rotonde ? J’assume totalement. C’est nous. On fête avec les gens qui ont fait et je les emmerde. C’étaient pas des people, c’étaient des courageux. Je protégerai les faibles et je célébrerai les braves, c’est la France que je veux. Je ne leur céderai rien. Qu’ils aillent à Montretout chercher les châteaux. Chez moi, on fait et on fête. » (214)
- Tension. Libération et immense joie du 24 avril. Soulagement de courte durée. Tout s’enchaîne durant l’entre-deux tours, qui commence par l’épisode de La Rotonde et une certaine tristesse voire une sidération partagée par Philippe Besson qui constate que « le ressenti a une fois pour toutes pris le pas sur le réel » (213-214). Qui observe une France amorphe aussi, sans réaction face à Marine Le Pen, « comme si tout était normal » (215) (LIEN GAZETTE PC). Moi je revis à travers les pages de l’ouvrage le suspense, la tension, la peur, l’abattement d’avant premier tour, puis la joie immense puis de nouveau la peur, puis l’espoir à nouveau avec le coup de fil d’Obama, etc. Un véritable ascenseur émotionnel.
- Triomphe. La libération. Et l’épilogue, on le connaît… Au terme d’une campagne qui aura confirmé pour Philippe Besson qu’il est désormais « inutile de raisonner par analogie« , son héros romanesque porté par un souffle épique, « En Marche » inexorablement pour nous offrir de l’espoir, une respiration. Good luck Emmanuel M. Ton avènement signe pour moi le basculement du PC au PG. Au moment où quelques mois plus tard, son effronterie lui joue des tours, c’est bon de se rappeler…
La rencontre du mois. A travers la formation en Ressources Humaines que je suis depuis la rentrée, j’ai rencontré Fatima, française originaire d’Algérie qui vient de Grenoble, vit à Annemasse et projette de s’installer prochainement avec son mari à Lausanne. Fatima porte des tenues hyper stylées, elle porte le foulard aussi. L’occasion pour moi de m’interroger sur ma vision de la laïcité. Le foulard ? 1. un vêtement à banaliser pour faire société, pour ne pas couper le lien surtout. 2. un vêtement qui peut être culturel, adapté à l’histoire familiale, à un lieu (au pays origine ou à des lieux intra-nationaux. Le signe religieux se fond, s’inscrit, s’adapte à la logique du lieu. Périphéries de la nation ? Propre logique, propre société) Ainsi le foulard peut venir de la transmission culturelle d’un territoire passé, mais aussi d’un territoire d’ici avec ses règles intra-territoriales 3. Le foulard ? une conviction religieuse 4. Le foulard ? une identité qu’on souhaite afficher. Donc s’il attire toute cette attention, c’est que ce bout de tissu syncrétise à lui-seul le subtil compromis à faire entre Société, Communauté et Personnalité. La réconciliation passe par l’hybridité mais aussi par un subtil équilibre entre le droit à la différence et le droit à l’indifférence.
Et en ce qui me concerne, au final ce qui m’importe c’est est-ce que je me sens rejetée ou pas ? Si oui, réflexion why, qu’est-ce que ça nous dit sur notre société ? Pour sûr, un besoin de déradicaliser les esprits des deux côtés. Donc voilà tout ce que je pense de ce bout de tissu. Mais en même temps, quand je parle avec Fatima, je n’en pense rien du tout. Je prends tout simplement du plaisir à échanger avec une camarade avec laquelle j’ai choisi la même voie et ne pense à rien de tout ça.
Octobre 2017 – Semaine 3
Les romans de la semaine. On a trop vite fait à la rentrée littéraire 2017 le procès d’être hantée par le passé, d’avoir peur de s’attaquer au présent. C’est faux, me dis-je, quand je commence à déguster un de ses romans phares, Alma, de JMG Le Clézio et voyage avec lui jusqu’à l’Île Maurice qui jusqu’à présent ne symbolisait pour moi que le lieu dont la diaspora indienne voulait faire sa capitale (Chapitre PC). Un centre pour une transnation. Un centre post-national, un centre métissé. Or je découvre que l’Île Maurice c’est bien que ça, à travers l’histoire que nous raconte Le Clézio. Celle de l’esclavage, des colons, des plantations. Celle de la culpabilité, de la transmission, d’un monde révolu, d’une nature à préserver. Un roman qui aux côté de ceux d‘Alice Zeniter et de ces autres qui nous parlent de l’Algérie en cette rentrée participent d’un momentum. Un présent par lequel on est désormais prêts à passer pour se réconcilier.
Réconciliation du passé et du futur aussi. Qui passera nécessairement par un changement de perception. Grâce aux auteurs notamment, dont Grande Librairie du 19 octobre nous présente deux spécimens et deux immersions à Calais, carrefour des mobilités : version roman avec « Une fille dans la jungle » de Delphine Coulin ou version thriller avec « Entre deux mondes » d’Olivier Norek. C’est bien, on est de + en + nombreux à dire que c’est un mensonge. Que le mouvement n’est pas = à une exception. Que le mouvement = notre condition. Et puis Léo Ferré il dit « Poète circulez » alors…
La sortie ciné de la semaine. « Tous les rêves du monde » de Laurence Ferreira Barbosa (France – Portugal / 2017 / 108 min) s’intéresse à la quête identitaire de la deuxième génération de Portugais en France. A entendre sur (France Inter)
« Paméla est une jeune portugaise de la deuxième génération née ici, en France. Empêtrée dans ses contradictions, ses échecs et l’amour absolu pour sa famille, elle se sent perdue et paraît incapable d’imaginer comment elle pourrait vivre sa vie… C’est sous l’influence de Claudia, adolescente intrépide et insoumise, que Paméla osera faire le choix de l’inconnu et de la liberté« . (Lien)
Le retour de l’année !!! Ce jeudi 20 octobre on se réjouit que Barack Obama sorte de sa réserve pour inviter les électeurs à faire obstacle aux « politiques clivantes« , à l’occasion de l’élection des gouverneurs de Virginie et du New Jersey. Il déplore un retour en arrière politique, sans toutefois nommer Donald Trump : « Les politiques clivantes que nous avons si souvent vues ne sont plus possibles. Elles ont des siècles« . Il ironise aussi : « La politique actuelle… on croyait en avoir fini il y a longtemps… Les gens ont 50 ans de retard! On est au XXIe siècle, pas au XIXe« .
La pépite de la semaine. Cette thèse à laquelle a participé l’ancienne camarade d’un ami : « Néo-nomades, travellers et autres habitants non ordinaires, mobiles et invisibles » (Lien).
Octobre 2017 – Semaine 4
Brèves du Territoire – Revue de Presse de fin du mois
"Le nationalisme est un poison", scande Jean-Claude Juncker, au moment où l'Europe se bat contre tous les nationalismes, infra-supra.
- Lors du XIXème congrès du Parti communiste chinois, le président Xi Jinping a rappelé qu’il n’était pas question de fermer les frontières.
- Elections en Autriche. Le conservateur Sebastian Kurz, 31 ans, remporte les législatives et envisage une future coalition avec l’extrême-droite (Parti de la liberté). Une alliance qui pourrait infléchir la ligne europhile du pays et marquer un rapprochement avec les pays du groupe de Visegrad – République Tchèque, Hongrie, Pologne et Slovaquie. Ainsi, après les derniers triomphes de la Région, le retour de la Nation, voici le retour de l’Empire 😉 Tiens j’y avais pas pensé à celle-là.
- Pendant ce temps-là, d’autres perdent leur territoire pour redevenir réseau transnational. Fin annoncée du territoire de l’EI avec la chute de Raqa.
- Union européenne encore. La discussion sur les travailleurs détachés est lancée. La route pour un possible équilibre amorcée. On croise les doigts.
- Italie. Référendums organisés par la Ligue du Nord en Lombardie et en Vénétie, deux régions qui se sont prononcées en faveur de plus d’autonomie.
- République tchèque. Sursaut nationalisme et élection d’un « populiste milliardaire » à la mode Trump.
La Minute Territoire. En cette fin de mois, épidémie d’un nouveau genre dans l’agglomération bordelaise, prolifération d’autocollants « Parisien rentre chez toi« . Le Maire Alain Juppé qualifie les « attaques anti-nouveaux arrivants » comme une honte. Il défend une ville accueillante et envisage de saisir la justice. Ci-dessous une illustration de cette mouvance identitaire « antibobos », ce rejet d’une invasion qui devrait encore s’accentuer avec le TGV.
» Ce qui se passe à Bordeaux est grave. Nous assistons, à grand renfort de propagande médiatique, au travestissement de l’histoire de la ville, et au rapt de cette dernière par une classe aisée mobile. Nous avons suffisamment fait le constat que « nos » deux grandes métropoles excentrées, Bordeaux et Toulouse, étaient des freins à la réémergence d’un mouvement culturel gascon et en avons souvent déduit la nécessité d’agir dans les villes moyennes et la ruralité. Ce constat fait, ce n’est pas une raison pour ne pas défendre l’identité profonde de ces villes. Le discours contemporain sur Bordeaux est littéralement à vomir. Tous les pires clichés, assénés au premier degré. (…) Une « ville ensoleillée », où l’on fait son marché aux Chartrons, va boire des coups au Mama Shelter, où l’on mange vegan. Une ville extirpée de son arrière-pays, au profit de l’île de Ré, de la « Nouvelle Aquitaine ». Bref, une ville dont l’identité est travestie sur l’hôtel des fantasmes des bobos parisiens. Face à ce mouvement médiatique absolument dingue, des voix s’élèvent, sur le ton de l’humour dans un premier temps : c’est le cas du FLBP, le Front de Libération Bordeluche face au Parisianisme. Je vous invite à aller voir leur page Facebook. » (lien)
L’instant Réconciliation. Avec les sorties ciné de la semaine d’abord. Dans « L’Atelier » de Laurent Cantet, le héros est un jeune FN. Dans « Lucky Logan« , Steven Soderbergh filme le fief de Mr T. sans condescendance. Avec La Grande Librairie aussi, où Alain Finkelkraut, le réac’ souvent conspué et trop souvent interrogé sur l’identité politique est cette fois invité à s’exprimer sur l’amour de la langue. Avec l’exposition de Patrick Willocq enfin, qui met en scène la rencontre réussi entre migrants et villageois à Saint-Martory, petite commune de Haute-Garonne, un an après l’ouverture controversé d’un centre d’accueil.
La Boutade de la semaine. En ce 23 octobre, apologie du localisme sur le plateau de l’émission C’est à vous sur France 5. Un invité dont j’ai oublié le nom, venu présenter son livre de cuisine, nous exhorte « à chaque fois qu’on mange à se demander d’où ça vient« . Quid des restos ethniques alors, leur économie et leur approvisionnement transnationaux ? Moi j’abonde dans son sens, je dis ok pour tout ce qui peut être produit ici. Question de bon sens. Mais à côté de ça, je compte bien continuer à me régaler de mes algues au wasabi sans culpabiliser. Comme un écho, le 26 octobre j’entends à la radio qu’une dramatique sécheresse touche une partie de la France depuis un an, avec des conséquences dramatiques sur les récoltes. Alors surtout n’oubliez pas… protectionnisme et « mangez local » ONLY…
La Minute Mélancolie. Aujourd’hui, vendredi 27 octobre, dans le cadre de la Déclaration d’indépendance de la Catalogne j’ai entendu « Ce qui compte pour nous c’est de pouvoir être enfin vraiment nous-mêmes« , et puis « On verra lundi« , ils ont dit… Ce soir j’avais d’abord l’intention de visionner le documentaire « Erasmus, notre plus belle année » qui pose cette question : 25 ans après, que reste-t-il de l’idéal européen au moment des replis ? Mais ce soir c’est trop douloureux je ne peux pas. Je me contente de l’enregistrer. Valeurs fondamentales décennie 2000 pas = valeurs décennie 2010 (cf. gazettes 2016). L’Inter a été supplanté par le national puis le local. Mais moi je ne veux pas choisir !!!! Je veux les trois !!!!
Un Dimanche Consolation. Dimanche 29 octobre un million de Catalans défilent en faveur de l’unité à Barcelone… Tandis que pour clore le mois en beauté je vais voir le documentaire d’Amos Gitai « A l’Ouest du Jourdain » au ciné.
Dans ce documentaire, Amos Gitai s’attache aux signes d’Espoir en faveur d’une réconciliation israélo-palestienne et dresse notamment un inventaire des petites initiatives de la gauche israélienne. Il interroge des habitants des deux côtés du mur. Un Palestinien témoigne de l’importance de ne pas perdre le contact, et sa tristesse de voir le mur couper les gens, qui désormais ne peuvent plus que se fantasmer, à travers le médias, le politique, le média politique. Un activiste déplore qu’avec le mur, outre l’enfermement, on a arrêté le mouvement. Qu’il n’y ait plus des deux côtés les mouvements naturels d’avant. En forme de conclusion, Amos Gitai insiste sur le partage à travers la culture arabe. Palestiniens et Israéliens, une Culture en partage.
Ma peur à moi ? La ministre des Affaires étrangères, la Marion Maréchal Le Pen israélienne. Digne représentante du Monde d’après, du monde de Samuel Huntington. J’ai toujours pensé que l’espoir était notre génération mais je n’avais pas réalisé que dans l’âme de celle d’après, le choc des civilisations et le paradigme identitaire sont si profondément ancrés qu’ils ne sont plus capables de voir le monde sous un autre prisme.
Epilogue. Des murs et des -ismes
Je dois comprendre, faire le lien. Reprendre Le Projet Méditerranée. Suite logique au Projet Cosmopolis, parallèle indissociable du Projet Glocal. Jérusalem, la pionnière, là où ont pris les trois grandes religions. Là où aujourd’hui le Territoire a triomphé. Tout commence là-bas. La foi en est partie et s’est propagée. Aujourd’hui les murs s’y banalisent et se propagent. C’est là-bas que je dois aller.
Des murs = plus de mélanges, de métissages possibles. Localismes, régionalismes, nationalismes –> MURS ??? Je crois que bientôt les seuls mots en -isme que je vais tolérer sont optimisme, pragmatisme, … L’époque nous redonne décidément le goût des choses simples, du bon sens vs le non-sens des grandes idéologies.
Allez, see you en novembre !