A lire en filigrane « Errance en enclave ».
Tous les ouvrages et oeuvres cités sont à retrouver dans la page Highlights.
Au sommaire de cette Gazette : Duel Territoire – Réseau. Monde post-Brexit & post-Mr T. Divisions & Réactions. Hybridation, Repli & Réconciliation. Evasions et invasions. Tout est mélangé ! C’est ça le PG.
DUEL TERRITOIRE – RÉSEAU
Bon puisque j’ai promis, alors listons.
I. Divisions territorialistes –> Réactions
Villes-Monde vs Nation. Mouvement de résistance « Aux États-Unis, l’élection de Donald Trump risque de changer le visage du pays à jamais. Alors que la Californie a entamé une procédure pour devenir indépendante, la ville de San Francisco montre l’exemple de la résistance en se proclamant « ville sanctuaire ». Plus de 200 villes en ont fait de même !« (lien)
Réaction au Brexit aussi… d’artistes très inspirés, à Leeds. (Magazine Metropolis, Arte, 2 juillet).
Réaction encore, de multinationales, comme Starbucks, qui embauche des réfugiés. Libérer et protéger. Sans ouverture, pas de commerce. Sans commerce, pas d’inclusion. D’abord le commerce donc, ensuite l’inclusion. CQFD.
Réaction toujours, des principaux intéressés. Sondage du 16 juillet. Seulement 36% des Américains sont favorables à l’action de Mr T. Beaucoup s’interrogent sur les capacités mentales du président pour conduire le pays…
Réaction des dirigeants mondialistes Merkel et Macron enfin. « Le président français Emmanuel Macron a déclaré jeudi que Paris et Berlin partageaient la même vision sur « le libre et juste commerce » et la lutte « contre le protectionnisme », mais aussi sur le climat et sur Donald Trump.« 13 juillet 2017. (lien)
Des réactions et des tentatives d’explications aussi. A ce propos, intéressante l’idée avancée par Edward Snowden dans le documentaire « Meeting Snowden » (Flore Vasseur, 2016, diffusion Arte 11 juin) qui interroge entre autre l’état de la démocratie. Ou comment la corruption des démocrates ainsi que nos propres renoncements ont pu permettre l’avènement de Mr T. Mais plus intéressant, l’idée que ce qui a fait triomphé Mr T c’est son authenticité. Dans un monde précisément en quête de cette valeur-là, ça se défend… Authentiquement scandaleux peut-être, mais authentique. Donc le sacre des territorialistes serait appuyé par la corruption des partis, nos propres renoncements, mais aussi par les arrangements avec l’autoritarisme que font nos dirigeants, notamment pour contenir le mouvement. Arrangement avec la Turquie pour contenir les migrants, avec la Syrie pour contenir les terroristes, pour ne citer que ceux-ci.
Et moi ? Moi j’ai regardé Trump Saison 1 sur TMC et je n’en dirai rien, voilà. Fidèle à la ligne, à la promesse du PG. L’optimisme vs la pollution. Quant au reportage Trump, mon nouveau président (« Pour comprendre comment Donald Trump a réussi à l’emporter, et comment ses partisans ont vécu les trois premiers mois de sa présidence, David Muntaner s’est rendu dans l’Amérique profonde, celle qui l’a élu« ) et bien je l’ai carrément effacer, sans même le visionner. Je ne veux plus me faire l’écho de tout ça, d’autres s’en chargent bien mieux que moi.
II. En simultané. Reax au Réseau et quête d’authenticité
2017 est marquée par La révolte des premiers de la classe aussi (Jean-Laurent Cassely, éditions Ardhé, collection vox, 182 pages).
« Le hipster pâtissier est aujourd’hui plus valorisé que le cadre sup’ de la Défense » (Le Monde, 17 juillet).
Génération en quête de sens. De faire du commerce (avec) un récit. De retourner à l’artisanat « et en même temps » de le poétiser et lui donner un récit. De mixer artisanat et poésie.
Mais sous d’autres latitude le localisme = une autre signification…
« Hong Kong, Génération rétrocession ». Ici le localisme ne se rapporte ni au trend nationalisme ni à l’écologisme. Il s’exprime contre l’État tout puissant. Pour la démocratie et l’identité mondialisée, pas contre la mondialisation. Le Mouvement des Parapluies vs Nuit Debout, même génération, autres revendications.
« A Hong Kong, une génération de jeunes gens politisés se mobilise pour préserver le statut particulier du territoire. Nés à la fin des années 1990, à l’époque de la rétrocession, ils ne se sentent ni Anglais, ni Chinois. Dénonçant l’autoritarisme croissant de Pékin, ils sont prêts à se battre pour imposer la démocratie face à ce qui est ressenti comme une volonté de domination d’un nouvel occupant« . (Alain Lewkowicz, 2017, 55′, Diffusion Arte, 4 juillet 2017). (Lien Hong Kong PC)
Et moi pendant ce temps-là ? Et bien je lis sous les pins… A la recherche de clés pour réconcilier.
III. Lectures d’été
Je termine d’abord de lire Les Gens dans l’enveloppe dont je vous parlais en juin.
« Lorsqu’en 1976 s’ouvre le chantier de l’autoroute, Clerval vit un autre âge d’or. C’est l’époque où commence mon roman. Les gens ont du travail, les filles se marient avec les ouvriers du chantier autoroutier, les familles ont un peu d’argent puisque s’est transmis, avec les héritages, le sens paysan de l’économie.
J’imagine des années jupes courtes, légèreté et belles voitures. Je me demande si Michel-« Serge » savait en profiter.
Peut-on dater le jour où la poussière est venue jusqu’à tout griser ? Comme la vieillesse vous tombe dessus un jour sans prévenir, tout a changé à Clerval. Le village qu’ils me racontent ressemble à un homme déclinant. Jadis vigoureux, il sent ses forces l’abandonner, il doute de lui, la tristesse le prend d’un coup.
Aujourd’hui est un combat perdu d’avance. Les magasins ferment sans trouver de repreneur. Les gens vont au supermarché à quelques kilomètres. Les sous-traitants automobiles se sont multipliés, employeurs fragiles pour salariés précaires. Le kirsch vient de Pologne. De grosses entreprises se sont bien installées sur le territoire, avec leurs capitaux mondialisés – une fromagerie, qui collecte le lait 50 kilomètres à la ronde, et une usine de plasturgie. Au total près de 1 000 personnes travaillent à Clerval mais toutes ne trouvent pas à s’y loger puisqu’on n’a pas investi dans le logement. La mondialisation inquiète, dont on ne sait pas très bien si elle niche dans les capitaux étrangers et impalpables des actionnaires trop lointains, chez les quelques familles turques qui se sont installées ou dans ces prénoms, bizarres aux oreilles des anciens, apparus dans les faire-part de naissance, ces Lilas, Lilou ou Rosie-Lola. Certains finissent par se sentir perdus chez eux. Aux élections européennes de 2014, la liste du Front national est arrivée en tête, avec presque 40% des voix. Dans l’air flotte l’idée de l’effritement, un sable invisible qui enraye tout.« (279-280)
Réactions et contre-réactions donc. Réactions à la mobilité. Réactions à la réactions à la mobilité. Tout est lié, tout le temps. Tout est constamment sur un fil.
Mais Réconciliation possible. Des deux côtés. Volonté perceptible dans le récit d’Isabelle Monnin. On sent dans ses Mots une profonde tendresse pour cette périphérie. Ce lieu fermé, c’est notre papa, notre grand-papa diminué dont on dit qu’il a tourné réac, cet être aimé qu’on n’a pas compris. Un lieu qui rejette le monde qu’on représente souvent par sentiment d’être lui-même rejeté par ce dernier. On l’avait déjà vu en juin, réconciliation possible avec les mots, avec les récits, etc. mais avec la tendresse et l’empathie surtout. Avec le coeur tout simplement.
Je lis « Le Pays qu’habitait Albert Einstein » aussi. Et comme avec Colette, je retrouve dans l’époque du génie plein d’analogies… Cette fois, le héros est un apatride et antinationaliste convaincu, amoureux du mouvement, en quête perpétuelle d’une formule d’unité. Qui cherche dans la science un remède pour triompher des aberrations de la politique.
Extraits
« Il en va des hommes comme il en va du vélo: c’est seulement quand on bouge qu’on peut confortablement maintenir son équilibre. » (12)
« Comme j’aimerais qu’il existe un île peuplée uniquement d’hommes sages et de bonne volonté ! On m’y verrait devenir, moi aussi, un fervent patriote« . Et cette patrie, c’est à l’Hôtel Métropole qu’il la trouvera. Ca ne s’invente pas… Une patrie d’esprits scientifiques frères, avec laquelle il partage la joie de penser en toutes les langues. « Compatriotes d’un pays situé au-delà de l’histoire et de la géographie » (187) « C’est à Bruxelles, dans ce QG du cosmopolitisme scientifique naissant, qu’Einstein fit son entrée officielle et triomphale dans sa communauté de coeur ». (185). Un cosmopolitisme très vite ramené à la réalité, chacun de retour dans son pays où « aux antipodes de l’esprit qui venait de souffler à l’hôtel Métropole, la patrie n’était jamais que le sol, l’ancrage, les racines, l' »origine », irrémédiablement, définitivement. » (188)
L’esprit libre et le dictateur. « (…) l’univers étant en expansion continuelle, il deviendrait un jour trop grand pour un dictateur (…). Malheureusement, sur Terre, les nations n’ont pas les dimensions requises (…) : nulle n’est protégée, par la seule étendue de son territoire, contre la violence qu’un pouvoir tenterait de lui imposer. L’Allemagne était en passe d’en devenir la meilleure preuve. Einstein et Hitler étaient deux hommes radicalement incompatibles, appartenant à deux galaxies antipodiques. Dès que le second accéda au pouvoir, le premier décida de renoncer pour la seconde fois à la nationalité allemande. La patrie d’Einstein, si elle existe, ne saurait être qu’une terre de liberté. » (214)
Albert Einstein l’exilé. Accusé « d’intellectualisme culturel, de trahison intellectuelle et de débauche pacifiste ». » (216) et d’anti-patriotisme « au motif qu’il avait choisi un paquebot belge plutôt qu’allemand » (204). Il traversera l’Atlantique parmi les « migrants, pauvres et riches venus des quatre coins de l’Europe pour rallier le Nouveau Monde » (204). Il s’installera définitivement aux États-Unis, devenant « un réfugié dans une nation de réfugiés. » (228). Etienne Klein, sur les traces du génie, visitant le musée de la Red Star Line ne peut s’empêcher d’y voir une analogie avec aujourd’hui. « Me frappa la ressemblance de ces femmes et ces hommes avec les réfugiés syriens, libyens ou afghans qui fuient aujourd’hui la misère, les guerres et les persécutions. Tous ces êtres au bord du monde… Le temps a beau s’écouler irréversiblement, l’histoire s’évertue à repasser certains plats. » (204)
La quête scientifique de sa vie : la recherche d’une théorie unifiée. « L’unité correspond à une nostalgie tenace, à un appétit d’absolu, à une impatience ontologique que la diversité en apparence irréductible du monde semble toujours contredire. » (206). Quête vaine aux yeux de ceux pour qui « l’homme ne pouvait rassembler ce que la main de Dieu a dispersé. » (208)
Chapitre 19. The No Land’s Man.
« Je suis véritablement un « voyageur solitaire », et je ne me suis jamais senti pleinement chez moi, ni dans mon pays, ni dans mon foyer, ni avec mes amis, ni même dans ma famille proche. » Albert Einstein.
Invariance des lieux. Tout lieu étant égal par ailleurs. « Il semble que l’identification d’une personne à une région de l’espace-temps ne veuille pas s’user : tout homme serait d’abord d’un pays, d’un « endroit dans le temps » pour parler comme Charles Péguy, « où tenir sa place, où habiter pour vivre, en sa finitude, une vie d’homme en chair et en âme. Albert Einstein en fut un contre-exemple. Il incarna même une sorte de « génie du non-lieu« . (229) Sous adresse, il inscrivait « Aucune ». Pour lui, « L’endroit où l’on s’installe, ce n’est pas important. En tant que parfait déraciné (…). L’idéal, pour un homme comme moi, est d’être chez soi n’importe où » (230). La géographie fut le cadet de ses soucis « Les coordonnées n’ont pas de sens physique, tous les systèmes de repérage dans l’espace-temps sont équivalents. » Pratiquant un « genre de travail qui peut se faire n’importe où » (232) , « ce qui avait lieu dans son esprit était beaucoup plus important à ses yeux que les coordonnées du lieu où il se trouvait être. » (231). Alors qu’Etienne Klein va précisément à la rencontre des idées du génie dans des lieux bien déterminés, a contrario Einstein ne précise jamais le lieu où lui est venue telle idée, « Comme si elles avaient glissé avec lui dans l’espace-temps, sans s’être laissé marquer par les paysages ou l’environnement, (…) comme si le monde était agéographique. » (232)
« Einstein ne fut l’homme d’aucun pays, ni d’aucune nation. A n’en pas douter, la notion « d’identité nationale », sous les feux de tant d’attentions, l’aurait agacé. » (…) Pour cet homme citoyen du monde, de l’univers même, le nationalisme était la « pestilence des pestilences » (…) Dans un monde agéographique, on n’est d’aucun pays. Pourtant Einstein fut d’un pays, celui de l’imagination. » Un pays inassignable. » (232-233)
Einstein, en gros, le premier transnationaliste extrémiste hi hi. Mais un parti-pris qui nous forcer à re-penser notre rapport aux lieux.
Je lis « Zinc » enfin, récit d’un drôle de territoire ayant changé XXX fois de nationalité. Moresnet-Neutre, « premier État au monde à adopter l’espéranto pour langue officielle« , Moresnet-Neutre et son « point des quatre pays », Moresnet lieu tampon tout désigné, au carrefour des liaisons ferroviaires transcontinentales, à la jonction de trois domaines linguistiques. Moresnet pas si neutre et ses habitants ballotés avec hébétement entre les nationalismes environnants…
Extrait
« Et le voilà, Emil, au milieu de soldats allemands et d’anciens nazis, lui qui a donné à son fils le prénom du roi des Belges, et dont la femme a refusé le Mutterkreuz. Le voilà, lui, l’homme qui a participé à l’occupation de l’Allemagne sous l’uniforme belge et à celle de la Belgique sous l’uniforme allemand, lui, l’enfant adultérin, l’homme dont l’identité, tel un bloc de minerai de zinc, a été fondue et refondue si souvent qu’il en est résulté détachement et résignation. » (65)
IV. Réconciliations
Je lis donc. Et me gave de tout ce qui sonne « réconciliation ». Docu, actu, films, …. Parce qu’il n’y a pas que les voix des gens de l’enveloppe qu’il est urgent d’écouter pour se réconcilier… Pour coller à la volonté du PG, je choisis de me plonger dans des productions de tous les partis.
Je vais au cinéma voir le documentaire encensé à Cannes « Visages, Villages« . Projet conjoint de la cinéaste Agnès Varda et son nouvel ami le photographe JR. Un Voyage dans les villages pour poétiser, a-politiser les périphéries. Louable projet. Dommage qu’il soit mal exploité, que le documentaire fasse trop de place à la rencontre des deux artistes. On reste sur sa faim. Pour le coup, bien qu’il colle à l’intention du PG, l’hybridité des deux récits – mise en lumière d’une rencontre artistique et mise en lumière des périphéries – ne fonctionne pas. Trop d’égos, pas assez de voix. Récits qui n’ont rien à voir. Enchaînés, mais pas fondus-enchaînés.
Je regarde le film « Les Héritiers« , et cette rencontre me fait pleurer. Pas d’angélisme, cadre posé, radicalisation des communautés. A l’intérieur de cette réalité-même, une possibilité…
Le 11 juillet, je regarde les imams marcher contre le terrorisme, et ce mouvement me fait du bien.
Je m’astreins également à quelques spécimens cinématographique pile dans l’air du temps, le trend du retour aux cultures régionales, à la nature, à l’authenticité. Je pars donc en Provence avec « Avis de Mistral« et tente de m’intégrer dans « Un Village presque parfait » aussi, en tentant de faire abstraction de son raz de marée de clichés.
Enfin je mixe les Routes de la migration et le village et enchaînant le film Hope de Boris Lojkine, et le documentaire Un Paese di Calabria de Shu Aiello et Catherine Catella. Le premier, une fiction, conte l’errance de Leonard le Camerounais et de Hope la Nigériane pour atteindre l‘Europe promise. Au menu : les différentes étapes, la découverte des terrifiants « Chairmen », le racisme intercommunautaire, un peu de répit, de la violence, la fin/faim qui justifient les moyens. Le deuxième conte l’histoire du petit village italien Riace, terre d’exil et d’accueil calabraise, terrorisée non par les passeurs cette fois-ci mais par la mafia. Au menu : le départ mis en perspective avec les arrivées, une ambiance pré-électorale dont le résultat pourrait signer le glas du programme d’intégration-réhabilitation, des migrants vus non comme des dangers mais des alliés dans la lutte contre un ennemi plus grand. Riace ou l’histoire de deux « périphéries », deux oubliés de la mondialisation, qui s’unissent pour renaître.
Après avoir visionné Hope et Un Paese di Calabria, je me dis que s’il y avait plus de Riace, Leonard et Hope n’auraient pas eu à subir toute cette souffrance… On n’arrêtera pas le mouvement, mais la criminalisation de ce dernier a donné naissance à un large réseau transnational criminel, une économie de la mobilité criminelle organisée… qu’on peut opposer aux grandes migrations transatlantiques du 19ème, encadrées, organisées, villes-étapes contrôlées.
Et après après avoir visionné Un Paese di Calabria et Un Village presque parfait, j’ai mixé les deux et imaginé les villages du futur : des locaux, des réfugiés du territoire et de l’exode urbain, familles bobos exilées volontaires en quête de sens et d’espace pour la famille et pour le potager qui exporte la permaculture et la dynamique de la ville. Nouvelle dynamique ? Nouvelle poétique ? (Conclu PC)
L’été
L’été, la saison des amours. Et les couples cosmos se multiplient autour de moi. Mica présente son amoureux palestinien à trois couples d’amis dans la même situation. Couple Suisse-Vénézuélienne mariés et installés à Genève, parents d’un petit garçon, couple Turco-Suisse et Italienne fiancés et installés à Berlin, couple Suissesse-Brésilien mariés et installés à Genève, attendant leur deuxième enfant. Quant à ma soeur, elle s’apprête à convoler avec un Français toulousain installé depuis quelques années à Paris et qui s’apprête à émigrer dans un petit village lacustre helvétique. C’est précisément ça qu’il veut, la nature, de la simplicité, une atmosphère de petite communauté… En voilà un qui idéalise la vie de village… Dans celui-ci j’y ai moi-même vécu… Mais il a l’air décidé à tout faire pour s’intégrer, alors ainsi-soit-il.
L’été, la saison de l’évasion, pour les docus du moins. Règle à laquelle les 66 minutes Grand Format ne dérogent pas. Chaque épisode est l’occasion de suivre une communauté française expatriée dans un coin du monde. Ce 23 juillet, rencontre avec les Français de Tel Aviv, l’occasion de visiter l’endroit où Mica a rencontré son amoureux palestinien. S’agissant de la France l’exil israélien a surtout le vent en poupe chez les bi-culturels franco-juifs ces derniers temps. Mais il semblerait qu’on ne tienne plus en place dans l’hexagone. Bordeaux est notamment prise d’assaut par l’exode urbain. Bordeaux à la croisée entre la région authentique et la cité dynamique. Combo gagnant de l’époque néo-post-moderne. Une invasion citadine bien facilitée par une France qui rétrécit encore cet été avec l’inauguration de deux nouvelles lignes de TGV.
L’été, la saison de l’invasion aussi. Le trend cette année ? Les contrées « exotiques » accusées d’avoir perdu leur authenticité sont boudées. Peur de l’islam, du terrorisme, du virus zica. Ruée vers l’Islande. Et appel à l’aide de la Tunisie. Une solution pour le tourisme tunisien ? Etre moins offshore, + incluant. Surfer sur le trend authenticité et immersion culturelle.
Trend anti-touristes aussi. Et triste actualité simultanée… Tandis que se prépare à San Sebastian une grande marche anti-touristes, mouvement qui touche toute l’Espagne, le 17 août la saturée Barcelone est touchée par une attaque terroriste de grande ampleur. Plus besoin de marcher pour faire fuir les intrus… D’autres déjà lorgnent sur la cité… dans leur revendication, l’EI, évoquant la période Al Andalous, proclame que Barcelone fait partie du Califat…
L’été, l’heure des séries sur le mouvement. Cet été la RTS, chaîne nationale suisse propose un triptyque : Bonjour la Suisse (qui propose une vision périmée de l’intégration en mode ère néo-post-modernité, avec des migrants qui doivent jouer le jeu de l’intégration organisée et étatique. Une reprise en main politique et des sourires qui sonnent faux), Des Suisses à New York (14 000 Suisses sont installés dans la Ville-Monde) et Bye Bye la Suisse (en 2016, + de 30 000 Suisses ont quitté le pays). En dépit d’un ton légèrement soporifique et un manque certain d’intrigues, regarder ces séries permet de se rappeler que le mouvement ça va ça vient, qu’on a des Invasions dans toutes les directions !!! (lien chapitre PC).
C’est l’été, moment de célébration dans ma cité de Calvin. Une célébration, si j’écoute le discours de ma cheffe Genevoise de souche sur les Fêtes de Genève, qui serait boudée par les locaux et réservée aux touristes. Un snobisme, un communautarisme revendiqué exactement aux antipodes de mon projet de confusion des mondes. Du coup moi, le 12 août, aux Fêtes, j’y fais fisa, me mêler avec un bonheur non dissimulé aux touristes justement… Suspension du quotidien, occasion de mélanger une période d’immobilité avec le mouvement… des autres. Bouger par procuration sans bouger. Se rencontrer. S’offrir une respiration. Un instant d’évasion. Vive ma cité ! (VIDEOS)
Mouvements. Successions de flashes made from everywhere sous l'Horloge fleurie.
Retour du Réseau –> Hybridation T-R & perte de repères…
20 juillet. Sortie des chiffres de l’immigration en Suisse, qui n’ont jamais été aussi bas depuis 2010. Et débats à se tordre de rire. Particulièrement en les mettant en miroir avec ceux qui précédèrent l’initiative de 2014 « contre l’immigration de masse ». Nulle réjouissance, encore de l’anxiété. Et des interrogations : pourquoi la Suisse a perdu son attrait, la Suisse va-t-elle mal, risque de pénurie de main d’oeuvre qualifiée, etc. des peurs, encore des peurs.. Euh, non, juste une question d’offre et de demande, comme je l’avais écrit au moment des débats pré-9 Février. La panique vs … la panique. Faudrait savoir à la fin ! C’est vraiment surréaliste, jamais contents…
Y’en a un qui sait ce qu’il veut au moins, et qui propose une vision et un discours cohérents.
- 7 juillet. Appel d’Emmanuel Macron pour attirer des chercheurs internationaux.
- 26 juillet. Mesures d’Emmanuel Macron en faveur du tourisme. A contre-courant du trend anti-mouvement ambiant, facilitation des visas en faveur de dix pays.
- 27 juillet Annonce mesures Emmanuel Macron concernant les migrants.
Et l’ouverture ca peut payer
Mais le combat est loin d’être gagné… les préoccupations populistes loin d’avoir émigré…
Toujours la même chanson… Ouverture et réactions. Fermeture et réactions. Exemples
Le 1er août Genève organise une Fête nationale conjointe avec le Bénin... Esprit d’ouverture et communion majoritairement salués. Mais vitupérante réaction du parti populiste Mouvement Citoyen Genevois et pétition lancée dans la foulée. « Deux visions distinctes. La question oppose deux conceptions sociétales. D’un côté, celle d’une ville structurellement multiculturelle et ouverte sur le monde. De l’autre, des citoyens patriotes, identitaires et centrés sur leur culture. » (lien)
Le 25 août, pour protester contre la xénophobie, un supermarché de Hambourg, Edeka, vide ses rayons des produits étrangers…

A la même période, nos trois fast-foods chinois ferment à Genève, faute de permis pour ses cuisiniers… why now ? contexte favorable.
Mike Wong a fermé…
« Certainement vous avez appris par la presse que vos Mike Wong à Genève sont fermés. La seule et unique raison de cette fermeture est que le PCTN (police de commerce et travail au noir) n’est pas entrée en matière pour la candidature de notre administratrice au poste d’exploitante, (…) Il est inadmissible que le PCTN s’arroge le droit de choisir la personne qui dirige une entreprise privée, (…) Ils accusent et condamnent Mme Turtschi, par avance de servir de prête-nom, elle, qui est déjà administratrice et propriétaire de la société. Les autorités n’ont aucun état d’âme sur le fait d’envoyer plus de 60 personnes au chômage uniquement pour raison de formalités. Nous avons toujours employés certains cuisiniers sans autorisation de travail parce que nous n’en trouvions pas, ni en Suisse, ni dans la zone frontalière. Ces cuisiniers étaient payés dans le mêmes conditions que ceux avec autorisation, y compris charges sociales et impôts. Toute l’administration, inspecteurs et syndicats étaient au courant. Certes, il y a toujours des gens qui disent que n’importe qui peut faire la cuisine asiatique, si tel était le cas, nous ne courrions pas le risque d’employer des gens au gris.( et pas au noir ) À un moment donné nous avons voulu prendre des apprentis cuisiniers mais ça n’existe pas pour la cuisine asiatique. Nous avons également pris à l’essai des cuisiniers européen mais ils ont tous rapidement abandonné. Il est important de noter que ces cuisiniers sans autorisation travaillent chez nous depuis 10-15 ans, ils ont leur famille, leur enfants à Genève. Ils méritent de sortir de la clandestinité, ce qui est possible maintenant, grâce à Monsieur Maudet, dans le cadre de l’opération papyrus. Mais la légalisation ne se fait pas en deux jours et peut seulement se faire si les personnes concernées ont un travail. D’où l’importance de garder notre société en vie. Il se peut que nous fassions une manifestation pour montrer au public et aux autorités à quel point c’est important de maintenir à flot une société saine avec autant d’employés. ». (lien)
Heureusement pour Chloë, elle est née à Genève ;-)… Le localisme, c’est chic.
Bref, le Territoire et le Réseau vivent encore une cohabitation tendue…. Et surtout ce monde-là est quand même bien ancré…
Des « chasseurs de migrants » ou la xénophobie sans limite de Mr Orban.
De Sang et de Lumière
« Je viens de terres brumeuses Qui sentent l’odeur chaude des siècles, La teinture et le houblon. Je viens de terres que je ne connais pas, (…) Le Nord industrieux, (…) Le Nord qui sent la poudre aussi, Champ de bataille depuis des siècles. (…) Terres d’assaut, de fuites, (…) Je viens d’un jeune homme qui comptait les jours qui le séparaient (…) de ces terres du Nord qu’il avait peur d’oublier. Je viens d’un monde qui n’existe plus. (…) C’est le petit peuple de Chaumont, (…) Les enfants sont partout, ils poussent comme des champignons. (…) Et (…), en plus de la misère, (…) Il y a la guerre. (…) Il faut partir. L’exode, sur les routes de France. (…)
L’Europe est née là, De ces ruines que l’on a voulu un jour transformer en projet. (…) Je viens de ce vieil abattoir que fut notre continent, Jusqu’au jour où ce mot fut prononcé : Europe, (…) Avons-nous oublié ? Je viens de ces terres qui savent de quoi l’Europe les a sauvés. (…) L’Europe pour en finir avec un patriotisme aux mains rouges. (…) L’Europe Qui, aujourd’hui, a des airs de vieille dame frileuse. Chacun fait ses comptes, Chacun se demande s’il y aurait moyen d’avoir un rabais, Payer moins que celui d’à côté. On veut bien ouvrir ses frontières si cela fait rentrer l’argent, Mais à tout prix les fermer devant les réfugiés. L’Europe sans joie, sans élan, sans projet Comme un bâtiment vide. L’Europe, Et ma génération qui la croyait acquise Sera peut-être celle qui l’enterrera.
Je viens de terres où je suis étranger, De terres où je ne suis pas né, Dont je ne parle pas la langue, Et qui sont miennes, Pourtant, Parce qu’aimées.
Je suis né d’un regard posé sur la Méditerranée, Cette mer déchirée, Qui fit toujours commerce (…) De tout. Et les mélanges, (…) Les miracles dans le mariage des formes, (…) J’ai ses lumières en moi. (…) Je ne peux pas imaginer qu’il n’en reste rien. (…) J’ai dans les yeux ce Sud Que je n’ai plus jamais cessé d’aimer, de contempler, Ce Sud qui m’est étranger Et m’enivre. (…) la rue vit à pleines dents. (…) Le Sud, Où tout se chevauche, (…) Tout est là, depuis toujours, l’argent, La rivalité, (…) L’hospitalité, (…)
L’Europe et la Méditerranée. Les deux saignent, hésitent et tremblent. Je viens d’un combat permanent, De sang et de lumière. Le monde entier regarde l’Europe avec envie, Elle seule ignore qu’elle est riche Et s’enferme, peureuse, Avec des hésitations de vieille égarée. La Méditerranée a visage de cimetière. Chaque jour on meurt en tentant de la traverser. Depuis des siècles, Chaque pays a connu ses réfugiés. Grecs, Turcs, Algériens, Siciliens, Pieds-noirs,Ceux qui fuyaient l’Andalousie d’Isabelle la Catholique, Ceux qui partaient en Israël, Les Libanais, Je viens de cette foule pressée par l’Histoire, (…) Je suis fils de blessures, de contractions Mais de la vigne et de l’olivier. Nous sommes vieux comme le monde, Héritiers de villes rasées, de peuples en mouvement, Du désir fou de bâtir pour l’éternité, D’offrir des temples, des statues, à ceux qui nous suivront.
Nous sommes les fils de l’incendie. Et notre devoir est de contenir les flammes Chaque fois, le même combat renouvelé, Les contenir, Pour qu’elles rayonnent Plutôt que de tout brûler. »
Terres du Nord, guerres, Europe, économie en mouvement, Méditerranée, tout est lié. Rencontre du Projet Glocal et du Projet Méditerranée.
Oui, rencontre possible entre les terres abandonnées et les hommes en mouvement qui fuient le trop dur et le trop plein. Ré-équilibrage tout trouvé. Alors pourquoi pas cohabiter ? Migrants, touristes, réfugiés… Sinon, on continuera à voir des Hope et entendre les pleurs déchirants d’une Golshifte Faahradi, actrice franco-iranienne qui se confiant sur l’impossibilité d’avoir à nouveau des racines et de la solution qu’elle a opté : des ailes le + larges possibles, fut prise d’émotion à la radio (émission Vertigo, La Première, 9 août 2017).
Oui il devient urgent de cohabiter. Et en visionnant On the Milky Road, le fantasque dernier opus du réalisateur serbe Emir Kusturica, je m’interroge. Peut-être que le peuple occidental désirera bientôt le combat. Car à les observer, nos sociétés hyper-policées ont des airs de cocottes prêtes à exploser ! Ils n’en peuvent plus d’être aussi raisonnables et formatés. Raison, aseptisation, principe de précaution… Une impression amplifiée par mon immersion dans cette « gated community » entièrement piétonne où j’observe ces jeunes enfants alémaniques faire du vélo tout équipés, casque compris… Si petits et déjà si interdits ! Besoin de folie, de poésie, allez-y les gars, lâchez-vous, ça peut aider. L’homme est fait de pulsions, assumons. Pulsion de vie comme remède tout désigné à la pulsion de haine.
Une réflexion qui s’inscrit dans un contexte de foisonnement d’émissions, de films et de livres qui traitent de la période 1914-1945. Mises en garde, prévention. Mais aussi accent sur une des clés du basculement : le besoin de dépassement, d’émotions, de se sentir vivant… Dans cette veine, ce mois d’août France Culture proposait une série consacrée à l’intellectuelle juive-allemande Hannah Arendt, qui avec ses amis intellectuels ont formé un peuple de l’exil. A travers la vie d’Hannah Arendt, la série aborde la guerre, l’exil, la création, l’amitié, le besoin des hommes de faire la guerre, la force de la vie d’exilés…
Bref, il devient urgent de retrouver goût à la cohabitation, si on veut pas finir à cohabiter avec des robots… J’ai vu un reportage (Magazine Temps Présent, RTS, 17.08.2017) sur la misère sexuelle et la chute de la reproduction au Japon. Dans un pays allergique aux mélanges, aux mouvements, un pays aux règles sociales figées, les poupées gonflables remplacent les femmes et les robots les travailleurs qu’on se refuse à importer… Mais rien ne remplace les sens, et c’est un expatrié français qui vient au secours des Nippons en créant délibérément des couples mixtes. Vous voyez, la mixité c’est toujours la solution. Et bien plus sexy que des robots !
Fin août. Réseau, défaite par K.O 😦
Le duel Territoire-Réseau, Un duel qui ne fait que commencer… Il faudra encore patienter avant la victoire de la happy cohabitation, car le territorialisme est décidément bien ancré…
Ainsi la fin de l’été est marquée par l’émergence de nouveaux réfugiés huntingtoniens… Durcissement du nationalisme bouddhiste en Birmanie, chasse des musulmans Rohingyas et nouveau point chaud à ajouter à la carte géopolitique des replis nationalistes/identitaires/religieux… Un trend qui ne connaît ni religion ni lieu et dépasse pour le coup toutes les divisions.
Nationalisme chrétien aux USA, en France ou ailleurs, orthodoxe en Russie, musulman en Turquie, bouddhiste à Myanmar, hindou en Inde, … Et des événements birmans qui peuvent se lire à la lumière d’un documentaire sorti à point nommé, Le Vénérable W du réalisateur Barbet Schroeder. Un docu choc qui pour le coup casse les clichés du bouddhiste serein et tolérant et de l’intégriste musulman portant l’épée dans le sang… La division n’est pas l’islam contre le reste du monde, elle est d’un autre ordre, s’il est encore utile de le répéter. Le repli huntingtonien ne connaît aucune frontière, aucune nationalité, aucune religion. Le huntingtonisme est transnational et transreligieux… En attendant, 600 000 Rohingas ont trouvé refuge au Bangladesh musulman voisin, participant ainsi à la démulticulturalisation d’une nouvelle nation. Après la fuite des chrétiens d’Orient, l’alya des Juifs de France, la tentation du califat, etc. A mesure que les nations se démobilisent, les citoyens se meuvent pour rejoindre leurs semblables. (LIEN PC)
Et si vous avez l’âme assez bien accrochée pour voir Le Vénérable W, repassez-vous Gandhi simultanément pour vous consoler… ou vous souvenir de l’existence d’une possibilité… Que reste-t-il de Gandhi et de sa grève de la faim pro-réconciliation Hindous/Musulmans à l’heure des terroristes et du nationalisme hindou ? tout résonne, tout le temps…
EPILOGUE. Du Mouvement, Deux Maisons & un Récit
Tout en recopiant le poème de Laurent Gaudé, je repensais à Ella Maillart et au documentaire sur ses voyages désormais qualifiés d’extraordinaires et je me disais que décidément, tout résonnait cet été. Peut-être que si Emmanuel Macron n’avait pas été élu, aurais-je moi aussi comme Ella en son temps fui l’Europe pour l’Est. Partie lier le Projet Glocal et le Projet Méditerranée. Relier le Passé et le présent. Ella a raison, il faut revenir construire là d’où l’on vient,… si l’on peut. Mais fuir ce « là » lorsque c’est une nécessité.
Mais avant la fuite, il faut déjà épuiser toutes les possibilités. Et la création d’un Récit en est une. Même le développement durable en a eu besoin. Oui, on a toujours besoin d’idéologies et de Récits, besoin d’un récit même pour justifier le bon sens, appuyer et nourrir l’évidence. Les récits et leur puissance. Il y a les récits qui nourrissent les convictions des bios et ceux qui inspirent les nationalistes. Alors soit, prenons exemple, inventons, glamourisons et martelons le grand Récit du Métissage. Et surtout, POÉTISONS.