2017. « Portes ouvertes, esprits ouverts »

Après la mythique NYC, la régionale Montréal, l’authentique Toronto, l’utopique Singapour, la convalescente Paris, la communautaire Londres, l’euro-méditerranéenne Marseille, la régionaliste-mondialiste Bretagne l’effrénée Hong Kong, il est temps pour moi d’aller prendre le pouls de deux Villes-Monde musulmanes avec cette question : les VM se veulent a-géopolitiques, sont-elles aussi a-turnmoil-religieux ? Quelles nouvelles compositions inédites Kuala Lumpur la sud-est-asiatique et Dubaï la moyen-orientale me réservent-elles ? Quel combo ont-elles sorti de leur chapeau pour concilier Histoire, culture, environnement, mondialisation ? Can’t wait…

World Cities eager…

J’en aurai jamais fini avec les Villes-Monde (?) …

Kuala Lumpur et Dubaï seront-elles fondamentalement différentes des autres VM que j’ai foulées ? Types de gouvernement, gestion de la diversité, de l’espace public, de la « laïcité » ? Quelle influence de la notion d’accueil qu’on trouve dans l’islam ? J’ai choisi deux villes certes de même religion, mais dont la comparaison s’arrête peut-être là. Culturellement, les Emirats arabes unis et la Malaisie sont aussi éloignées que… je sais pas moi, la Pologne et le Portugal ou le Québec et le Brésil… Démontons une fois n’est pas coutume la théorie de supposés blocs civilisationnels bloqués et attachons-nous à démasquer la diversité dans l’uniformité de façade, de compromis, des Villes-Monde.

Sens au diapason

Peut-être avons nous chacun un lieu avec lequel on se confond, un lieu avec lequel on est au diapason, un lieu consolation ? Dans les mégalopoles sud est asiatiques, il y  a quelque chose dans l’air qui me console. C’est impalpable, pas explicable, irrationnel, c’est juste comme ça. Alors imaginez l’excitation en ces temps de campagne présidentielle française et l’atmosphère médiatico-politique dans laquelle on est enveloppés, piégés. Une fuite heureuse ! Je fuis l’Europe musée barricadée pour l’Asie enthousiaste et tournée vers l’avenir. Ils ont l’innovation, on a le principe de précaution. Je prie pour que ces terres n’aient pas encore été trop contaminées… Je peux fermer les yeux et sentir la chaleur, l’humidité, l’odeur des marchés, l’effervescence du pavé, … L’Asie du Sud-Est, terre bénie des Dieux. Outre les éléments propres à toutes les VM – effervescence, frénétisme, foisonnement, amoncellement, émulation, profusion, bouillonnement, etc. – je me languis de retrouver sa gastronomie, son climat, sa vitalité, sa torpeur, son énergie, son mélange des cultures, des époques et des tons, son spirit, son optimisme, son inventivité, son ptit côté chaotique parfois aussi…

On est en janvier, je ne tiens plus … Dans un mois je vais vivre dehors, à moindre coût, enfiler ce rythme qui me sied, me noyer dans la masse, fondre et disparaître dans la densité, laisser s’exprimer ma natural kindness et mon cynisme dans la valise, et m’adonner à la randonnée urbaine, mon sport préféré.

Mon évasion anglée…

A part le retour aux « sources » et le questionnement de l’influence de la religion sur la VM, je compte profiter de ce voyage pour faire le point sur mon expérimentation de l’hybridité : bi-travail alimentaire-projets en indé, bi-fonctions au travail, bi-maisons, bi-identités. Équilibre possible ? Vu l’état de déliquescence dans lequel j’entame et aborde ce voyage-fuite, à ce stade, serais presque contrainte de pencher pour l’échec présumé.

Enfin, last but not least, le séjour sera placé sous l’angle de la double immersionDSC_8591 (2)Immersion parallèle sur le bitume et dans l’espace médiatique. La mondialisation = un espace réel, on peut la sentir en VM. La mondialisation = aussi un espace dématérialisé, médiatique mondial, à métrique géopolitique. Ma réalité de Ville-Monde en journée vs la réalité géopolitique importée France 24 en soirée… Et là c’est mode Mr T, il  est partout. Il terrorise. J’entends de trop près les échos et les suites de son décret anti-musulmans, les échos journaliers de toutes les nouvelles idées folles qu’il aura pendant mon séjour aussi.

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En mode avocate des Dieux

On leur faire trop souvent le procès d’être agressantes, saturées et aseptisées…. Mais les Villes-Mondes sont loin de n’être que ça… Elles rendent la rencontre possible. Imaginez autrement la possibilité d’une femme seule dans le désert, chez les bédouins… Alors qu’une femme seule en Ville-Monde émirati, c’est en tout cas une possibilité, presque une banalité…

Certains amis moquent mon appétence pour ces grandes villes capitalistes, on me raille avec mes visites de ces villes libérales et impersonnelles, eux et leur recherche d’une présumée « authenticité ». Si je pouvais les rallier à ma cause ;-). Mon postulat ? C’est justement dans les VM qu’on la trouve l’authenticité la vraie, celle du 21ème siècle.

En tout cas ces escales sont cohérentes avec mon projet, mon goût de l’hybridité, des gens mélangés. Moi je ne voyage pas à la recherche de différences mais pour trouver ce qui rassemble. Nos compositions du même. Je ne voyage pas pour le personne mais pour le plein d’autres. Une posture assez mal comprise dans ce monde en phase obsessionnelle de recherche « d’authenticité pré-fabriquée ».  Mon trouble ? que d’un côté on cherche l’authenticité voire des parodies culturelles ailleurs, qu’ici on aurait tendance à se folkloriser ou se créer des néo-communautés, et qu’en même temps on conspue la communautarisation des autres. Sans voir la contradiction. Sans réaliser que les uns et les autres succombent au même trend, au même mouvement. Alors quoi, on veut de la diversité ou de l’assimilation ? Parce qu’il faut quand même être un peu cohérents…

Kuala Lumpur. « Catch up » World City

KL en trois lignes. Kuala Lumpur, « Confluent vaseux » s’est d’abord développée grâce à l’exploitation des gisements d’étain. Une bourgade dans la jungle au 70 à 80% de taux d’humidité qui a connu une croissance fulgurante ces dernières décennies pour devenir jungle urbaine où la moyenne d’âge de la population est de 27 ans. KL, mégalopole tolérante qui aime vivre et laisser vivre.

Environnement

Histoire, culture, géographie, religion... Chaque Ville-Monde s'inscrit dans un environnement. Climat équatorial, islam, colonisation britannique, ouverture à la mondialisation ou KL symbolisée par ces deux lieux : Bukit Nanas, le plus vieux morceau de jungle protégé en Malaisie et Merdeka Square, ancien centre de l'administration coloniale britannique et lieu de la déclaration d'indépendance en 1957. Derrière Merdeka se trouve Masjid Jamek, plus ancienne mosquée de la ville, actuellement encerclée par les chantiers.En arrière-plan s'élèvent la tour HSBC, emblème d'une colonisation économique que la Malaisie a su faire sienne, la tour Menara KL et les Petronas Tower, symboles de modernité d'influence architecturale islamique. 

J’ai bien feuilleté le Lonely Planet dans l’avion, mais très vite, j’ai renoncé à me rendre dans les anciennes villes coloniales de Melaka ou George Town, en gros au « Musée Unesco »…mais plutôt opter pour l’option immersion et immobilité. Demeurer là où se trouve l’énergie et le présent.

Je vais donc séjourner dans Bukit Bintang, quartier de diverses consommations, quartier un brin « agress » aussi. Hi miss, hello miss, massage miss, massage miss, happy hour miss, eating here miss… Bukit Bintang c’est principalement quatre espaces identifiés. En résumé depuis mon hôtel je traverse la rue des bars et restaurants occidentaux, la rue des massages, la rue du ravitaillement et ses cantines aux mille saveurs asiatiques, avant de déboucher sur la grande artères des centres commerciaux.

Paysage urbain

Au programme pour commencer : marcher, se perdre, sans a priori. Yeux frais. 

Itinéraire du séjour : Golden Triangle : Bukit Bintang, Jln Alor, shopping malls, KLCC dominé par les Petronas Tower, tours jumelles de 452 m qui furent six ans durant les plus hautes du monde. Leur base est constituée d’une étoile à huit côtés, écho à des motifs arabes. Les influences islamiques sont également représentées par les cinq côtés des tours, références aux cinq piliers de l’islam et le mat qui les couronne, leur « minaret »; Chinatown, Brickfields, Lake Gardens, Islamic Arts Museum, Little India, Kampung Baru, Chinatown, …

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Premières impressions. KL = la version chaotique de Singapour. Moins d’organisation, plus de sollicitations, walking aïe, gentillesse top, chantier géant, trous géants. Lourdeur de l’air et chaleur des habitants, toujours prêt à orienter celle qui se perd sans cesse sur la carte

A ma décharge, si celle de gauche ne nous dit rien, celle de droite ne dit pas non plus que la cité est en complète mutation, un immense chantier, …

Depuis quelques années, le gouvernement a mis en chantier un plan de développement d'infrastructures majeur, dont la construction d'un métro et le projet de réhabilitation des bords du fleuve baptisé River of Life.

KL : Pedestrians unfriendly city, so friendly people

A KL malgré le fait qu’on risque sa vie à chaque fois qu’on traverse la route, les gens ont l’air gais. Malgré les travaux aussi. Partout. KL donne le sentiment de mener une course pour rattraper les fleurons de la mondialisation. Avec un train (ou disons une rue piétonne…) de retard, elle qui en est au stade du développement d’un réseau de transport performant. Une course qui semble perdue d’avance, les grandes soeurs entamant déjà la phase « ville durable ». Pour compenser KL semble adorer les vitrines. Mettre en avant ses fleurons architecturaux, sa modernité, ses buildings innovants. Mais peut-être que cette course est ce qui donne à cette cité son côté attendrissant. Sa force c’est sa sympathie, son accueil, KL est une ville qui ne juge pas. Ses inconvénients ? avoir une autoroute à traverser pour se rendre dans un parc, si si juste à côté sur la carte, mais mettre six heures pour l’atteindre… KL n’est décidément pas le bon parc pour randonneurs urbains.

Donc après une première journée à risquer ma vie à chaque fois que j’ai tenté de traverser la route ;-), j’allume la télé, et si j’ai cru une journée avoir pu échapper à l’agitation du monde, j’ai dû me résigner. Le monde est encore en pleine reax du décret anti-musulmans de Mr T. Gardons la foi. Même si le bonhomme pourra éventuellement un temps gagner avec ses mesures protectionnistes, gageons que la société civile lui le fera payer. Boycott du tourisme, choix de consommation. Baisse du soft power. Société civile vs géopolitique, on a notre mot à dire, il passe par l’économie, par nos mouvements aussi.

Donc la télé nous ramène à une certaine réalité à laquelle on aime à échapper dans cette ville où l’islam n’est pas associé qu’au terrorisme mais aussi célébré au Musée des Arts islamiques. Mais comme je vous l’ai dit, la carte ne nous en dit pas plus que la télé, ainsi elle ne me dit pas qu’il fallut traverser plusieurs autoroutes et cinq heures pour y arriver 😉

Like Singapour… ?

Petit rappel : Singapour et la Malaisie = des destins liés, juste à côté, histoire similaire, climat similaire, composition ethnique aux mêmes accents, mêmes multiculturalisme et multi-confessionnalisme, mais différent groupe démographiquement et politiquement dominant et différente religion majoritaire. Singapour fit d’ailleurs un aller-retour dans la Fédération de Malaisie, de laquelle elle fut exclue assez rapidement, en raison du risque de déséquilibre que la dominante chinoise faisait peser et sa décision de ne pas privilégier l’ethnie malaise. Même donnée de base, choix politiques et routes différentes. Mais way of life ressemblant… Comme à Singapour, on se presse dans les malls climatisés, on voue une passion à la gastronomie et arbore fièrement sa skyline. Sinon, KL est plus messy que Singapour, meilleur marché, sollicite plus volontiers.

Une société de communautés

Démographie. Comme à Singapour, la nation est divisée en trois communautés principales : Malais, Chinois, Indiens. Mais ici le groupe dominant sont les Malais et la religion d’État l’islam. Au niveau national on compte 58% de Malais, 26% de Chinois et 8% d’Indiens, mais à Kuala Lumpur cette proportion est de 45% de Malais, 43% de Chinois et 10% d’Indiens. Ville d’immigrants, KL compte parmi sa population de nombreux Indonésiens, Pakistanais, Bangladeshis, Népalais, Birmans, Vietnamiens, Indiens, Chinois, Philippins, une population du Moyen Orient et une petite population d’Occidentaux. J’y ai croisé peu de francophones mais rencontré des gens des Philippines, de Dhaka, du Bhoutan, de Myanmar, d’Inde, etc.

Cohabitation

Ce qu’on en dit. La démographie, bouleversée par les colons anglais, a conduit à une répartition du pouvoir déséquilibée entre Chinois et Malais, ces derniers se sentant marginalisés dans leur propre pays. Une supériorité économique chinoise dans un pays politiquement malais, aboutisant aux émeutes de 1969. En 1971 a donc été introduit le Bumiputra, « Les fils du sol », politique de discrimination positive envers les Malais et depuis les années 1970 il existe en Malaisie une volonté politique de forger une société multiculturelle et tolérante. Si les tensions ethniques et religieuses ne sont pas exemptes, les communautés cohabitent pacifiquement mais se mélangent peu. Par exemple, contrairement à Singapour, chaque communauté fréquente sa propre école. A côté de la cohabitation intra-citoyenne, le racisme envers les immigrés économiques et les réfugiés serait plutôt vivace et les lois contre les illégaux se durcissent, notamment depuis 2002 et le nouvel Immigration Act. Une politique migratoire qui varie cependant en fonction du niveau de qualification. En Malaisie, la religion d’État est l’islam, un islam tolérant et une pratique enrichie de nombreuses influences. Si l’islam radical ne s’est pas implanté en Malaisie, le conservatisme religieux aurait augmenté ces dernières années. Ainsi ma terre promise ne serait pas non plus exempte de tensions et du turnmoil ambiant. Après tout est question de degré…

Ce qu’on ressent. Gens détendus, cohabitation détendue. Facile de communiquer, le minglish de KL étant plus compréhensible que le singlish de Singapour. Population moderne et ouverte. Les jeunes filles enjouées portent des foulards colorés. Dans les malls, la rue, les places, on croise toutes les communautés. J’ai eu l’occasion depuis de discuter avec une connaissance qui rentrait d’un séjour de six mois en Asie du Sud-Est (Vietnam, Birmanie, Thaïlande, Malaisie, Laos) et qui m’a expliqué que ce multi-confessionnalisme, ce multiculturalisme est présent dans toute la Malaisie, pas l’apanage de la VM. Elle a constaté que les gens se mélangeaient naturellement, dans une harmonieuse cohabitation. Elle m’a du reste confié je la cite que « ça faisait du bien de voir des Musulmans en vrai« … et a également apprécié la présence de la communauté chinoise, par ce qu’ils apportent à cette société multiculturelle malaisienne, se disant justement séduite par ce qui avait pu l’agacer chez les Chinois en Chine. Importance de la mixité, tout le temps… Mélange, équilibre des cultures et des tempéraments…

Quartiers ethniques

Brickfields, « Little India officielle », « Little India », l’autre Little India, Kampung Baru, le village malais, Chinatown, comme à Singapour, à KL il y a des quartiers communautaires aussi.

Retrouvailles avec Irvan

Souvenez-vous d’Irvan, mon ami Singapourien de Sumatra !

La multiculturalité, une affaire de point de vue. Avec Irvan on a partagé nos impressions sur Hong Kong, y ayant chacun été récemment. L’occasion de  réaliser que la diversité avait une signification différente pour nous deux. Au coeur du débat, quelle cité, de Singapour ou de Hong Kong est la plus multiculturelle ? Pour moi Singapour assurément, pour Irvan Hong Kong évidemment, car pour lui la diversité est synonyme de la présence d’Européens, pregnante à Hong Kong du côté de Causeway Bay, de Repulse Bay ou encore de Lantau.

Pas prêt à s’ancrer. Si Irvan aime la vie à Singapour, cette dernière est cité où s’installer, cité « too easy » lorsque le moment n’est pas venu. Irvan veut encore bouger, éviter de regretter d’avoir pris racines trop jeune. Où aller ? Le Canada est trop froid. Il rêve d’Europe et va candidater pour des MBA là-bas. Mais s’il souhaite par la suite y revenir et s’y installer, il lui faut d’abord obtenir le permis de résident à Singapour. Bref, il lorgne sur l’Europe dont il a évidemment parcouru, à l’instar des autres Asiatiques qui y pratiquent l’express travel, plus de pays que moi. Ce qu’il en voit ? Une Europe down, un « passé » qui a besoin d’Asiatiques pour cheer up. Une Europe à la meilleure qualité de vie aussi : plus facile de se déplacer, de vraies saisons, une grande beauté. Une Europe qui n’a pas conscience de ses atouts et s’invente des worries..

Couple mixte. Quel que soit l’endroit où il sera amené à rencontrer sa moitié, mon ami ne veut pas s’engager avec une Indonésienne, il se projette dans un couple mixte et aspire à fonder une mixed family. Il trouve les Coréennes trop superficielles, admire les Japonaises, s’entend très bien avec les Chinoises, même si celles-ci l’intimident encore un peu. Irvan veut un couple égal et une femme indépendante, lui qui contribue financièrement pour que sa mère puisse garder sa maison depuis qu’elle a perdu son mari. Une mère sans autonomie et à ses yeux, amère.

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Après avoir quitté la ville pour visiter les impressionnantes Batu Caves (sanctuaire hindou niché dans des grottes à deux pas de la ville), nous nous sommes baladés à Bukit Bintang un samedi soir, où Chinois, Malais, Arabes, Western se mélangeaient avec naturel dans l’espace public, dans une apparente habitude de se côtoyer. Voilà la vertu des quartiers touristiques et commerciaux, le possible mélange de tous, avec ensuite retour éventuel dans des quartiers communautaires respectifs. On a croisé peu d’Indiens cependant. On a ensuite dîné et passé le reste de la soirée au son des feux d’artifice marquant la fin des festivités du nouvel an chinois, dans la rue de bouche et de boissons occidentale sur laquelle s’alignent des bars allemands, anglais, espagnol, italien, une rue où l’alcool coule à foison, connue et prisée par la jeunesse malaise et jusqu’en Indonésie. Dans cette terre musulmane, on trouve même un restaurant nommé Marvellous Pig, no comment, un peu de respect tout de même…

Foi, identité. Durant notre week-end, Irvan m’a parlé de sa foi aussi, qu’il a perdu un long temps. Mais depuis peu, il fait des choses, se trouve dans des situations où il ne se sent pas totalement lui-même. Il veut désormais trouver le juste milieu, se réconcilier, ne pas être dans le rejet d’une partie de lui.

Irvan cherche le bon compromis identitaire. Pas 100% au diapason dans le quartier malais, pas 100% au diapason dans le quartier occidental non plus. Mais à le voir détendu et en phase dans le centre moderne et mélangé, on dirait bien qu'il l'a trouvé...

Sentiment océanique dans une piscine loin de l’océan.

Une fin d’après-midi au bord de la piscine j’étais tellement heureuse, presque souhaité qu’une compagnie amie s’installe ici, avec moi. Dans ce coin du monde où je m’épanouis, où suis ravie par la chaleur, DSC_7779 (2)le foisonnement, le multiculturalisme, la rencontre réussie de l’Est et de l’Ouest, l’énergie, la simplicité, la gaieté, le mix de tradition et d’ultra modernité, l’accueil des gens, la gastronomie, le coût de la vie… Je déguste un opus de Sylvain Tesson (Dans les Forêts de Sibérie) après avoir fait quelques brasses, suivant le conseil de l’auteur (se plonger dans des lectures qui propulsent aux exactes antipodes de son environnement immédiat), je lis donc la Sibérie sous les Tropiques. Sylvain Tesson parlons-en justement. Evoqué dans ma Gazette au sujet du virus du « retour à la maison » (http://leprojetcosmopolis.com/la-gazette-du-pc-2016iii-automne/), je découvre qu’il s’était beaucoup interrogé sur le rapport au territoire, aux racines, lors de ce voyage immobile, effectué après avoir couru le monde. Courir, se poser, s’interroger, rentrer : parcours type de l’être mondialisé ?

Je lève les yeux, j’observe les clients. Dans cet hôtel, un bon melting pot également. Italiens, Russes, Suédois, Allemands, etc. Diversité autochtone, diversité des visitants. Et un personnel qui semble ne pas déroger à la règle de KL, où tout travailleur semble venir d’ailleurs. Ce matin dans un café en ville j’ai rencontré une femme des Philippines et un homme du Bangladesh, ce soir les deux serveurs du bar sont de Bornéo, ici respectivement depuis 16 et 17 ans. Je jouis de ma DSC_7516parenthèse ici. J’apprécie aussi cette escale dans un pays musulman. Enfin ici une femme avec un foulard n’est rien d’autre qu’une femme avec un foulard, sans l’idéologie et les débats toxiques qui accompagnent le port de ce bout de tissu. La cohabitation semble à priori harmonieuse. Moi je me sens apaisée. Oui en cette fin d’après-midi au bord de la piscine pour la première fois j’ai réfléchi, j’ai fantasmé. je pourrais vivre ici, goûter pour un temps à tout cela. Oui un instant j’ai succombé à cette chimère de croire qu’on est temporairement fait pour un lieu alors qu’on y est en vacances. Mais on nous a appris à arrêter de rêver. Arrêter l’exil avant même de l’entamer. Je me sens coupable de mes pensées. Contaminée.

IMG-20170219-WA0002Digression. Sommeil et voyages.  Quoi qu’il en soit, je n’ai toujours pas dormi. Peut-être suis-je en train de délirer. Hier ma nuit a consisté en une sieste d’une heure entre 20 et 21h, une nuit que j’ai terminée ce matin après le ptit déjeuner pris à 7h, affamée. Sauté sur la diversité du buffet, oeuf-pastrami-saucisse, croissant, porridge asiatique, pancakes, gauffre, fried noodles, omelette au fromage ou laksa, j’ai le choix… Toujours une raison de ne pas dormir: préoccupée, jet laguée, excitée, angoissée, affamée, pleine d’idées, envie de mon café… En résumé je ne dors jamais. Quelques heures par ici par là, je m’en contente, ça me suffit. Mon temps est compté. Pas le temps justement pour récupérer du décalage horaire et les nuits perdues durant le voyage. Mes nuits sont blanches et je me contente de nuits du matin. Pas si grave, si je m’accroche à cet article lu à l’aéroport juste avant de monter dans l’avion: la prescription-injonction contemporaine des huit heures d’affilées n’est pas la panacée, culturellement elle sert surtout à fabriquer l’homme productif et uniformisé, alors qu’historiquement les sociétés ont connu plein d’autres façons de dormir. Ah je retrouve le bonheur des sciences sociales, même notre rapport au sommeil peut être déconstruit… Allez, ce soir je vais lutter contre mon envie de sieste et goûter déjà à une nuit réparatrice. Peut-être rêver de mon lac, cet été…

Réhabilitation, futur, composition, hybridation, uniformisation ?

J’ai fini par trouvé le sommeil… La veille du départ, je m’interroge. Quelle évolution pour cette KL en mutation ? Les habitants de KL sont inquiets. La cité est-elle en train de perdre son âme dans sa course à la modernité ? On peut se poser la question en voyant pousser les condos comme des champignons, des verrues dans l’environnement ?, en se baladant à Brickfields, littéralement encerclée et écrasée par les buildings environnants, en se promenant à Kampung Baru, village englouti par les tours du district financier et dont même la réhabilitation inquiète, à cause du risque de gentrification…, ou encore en déjeunant dans la nouvelle halle aseptisée dévolue au mythique Imbi Market…

 

Dubaï – « Portes ouvertes, esprits ouverts »

Dubaï en trois lignes. Dubaï fait partie des Emirats arabes unis (Abou Dabi, Ajman, Charjah, Dubaï, Fujaïrah, Ras el Khaïmah et Oumm al Qaïwaïn), un des États les plus riches du monde. Territoire sous contrôle britannique depuis la fin du XIXème devenu fédération en 1971. Evolution économique : de l’industrie perlière au pétrole à la diversification des activités : hub pour hommes et marchandises en transit, finance, tourisme, immobilier, savoir, …

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Dubai Creek. Le fleuve, pilier du développement économique. En arrière-plan le Vieux Dubaï, ses souks, ses minarets, à droite une vieille connaissance... HSBC.

Arrivée. Le smog. Le ciel ressemble à celui de mon monde six mois par an, presque cru que j’avais oublié de faire escale… A travers le brouillard, je ne perçois d’abord guère plus que des (auto)routes entrelacées. Première impression : des trous, du vide, du gris. Quelques échappées verticales.

L’étonnement géographique. Ma cheffe et ma collègue de bureau ont « détesté » Dubaï, les écolos sont consternés, quant à mon amie Mica pourtant world open, elle se dit tout simplement « pas intéressée », …  but come on guys, it’s not about loving or hating Dubaï, it’s about being étonnés, parce  que franchement, en terme sociologique, géographique, politique, urbanistique, en tant que laboratoire multiculturel post-moderne, Dubaï se révèle juste être un lieu fascinant. A l’uni, on avait abordé Dubaï comme la plus grande anomalie environnementale du siècle. Dubaï, c’est le turning point, la cité qui a attisé la colère des Dieux. Et la cité, si j’en crois le magazine Zone Interdite, où je ne vais pas pouvoir beaucoup « m’amuser », vu mon budget et mes inclinaisons. En tout cas j’ai hâte, après KL, de découvrir une autre terre d’islam, ouverte sur le monde. En attendant, dès mon arrivée, devant le gigantisme, au vu des distances et des autoroutes je comprends que j’ai à faire à une autre VM « unpedestrian friendly ». Du coup je ne vais même pas tenter de m’étonner à pieds… Par chance ici le réseau de transports est très performant.

Impressions. Parc d’attractions à ciel ouvert et fermé. Mégalo, démesurée, fascinante, surprenante, vide ?, expérimentale, laboratoire. Ville de superlatifs only : ici on trouve le port artificiel « le plus grand du monde », la tour « la plus haute du monde », … Dubaï, labo de l’innovation et des projets tous azimuts : on a media city, cerveau city, internet city… construction d’un nouveau canal, extension de la marina, … Dans ce royaume des superlatifs, des « world …est », je traverse le world biggest mall au pied duquel je contemple le world biggest skyscrapper. What else ?

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Itinéraire : Dubaï s'étend de part et d'autre de la Sheikh Zayed Road, colonne vertébrale de la cité qui court jusqu'à Abou Dabi. La cité est découpée en quartiers, avec de gauche à droite : le Vieux Dubaï composé de Deira et Bur Dubai, leurs souks, leurs rues historiques, le Musée de Dubaï, Dubaï Creek et ses boutres / Downtown Dubaï avec le Dubaï Mall, le Burj Khalifa, Souk al-Bahar, le Financial Center / Les quartiers résidentiels de Jumeirah qui longent la mer, leurs centres de soin, centres médicaux, le centre commercial d'inspiration italienne, l'hôpital iranien, la mosquée de Jumeirah / Madinat Jumeirah, l'artificielle "Venise d'Arabie", non loin de là la voile du Burj al-Arab, le Mall of Emirates et sa station de ski / Palm Jumeirah, l'île-palmier artificielle, ses gated communities et son mythique hôtel Atlantis / Enfin Dubaï Marina, sa promenade (si si ;-)), ses croisières, la Jumeirah Beach Residence de plus d'un kilomètre, ses plages, ... Enfin sur la route de la Marina Dubaï Internet City, Dubaï Media City et Knowledge Village.

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Un jour à Dubaï, cité hors monde ? Aujourd’hui après avoir traversé ébahie cette ville expérimentale, le soir, fidèle à mon projet de confronter bitume et espace médiatique, je retrouve l’espace mondial dématérialisé. Ce soir donc, c’est tv made in France. On y parle du retour à la production « Made in France » justement, des circuits courts qu’on oppose aux diaboliques circuits mondialisés, des valeurs écocitoyennes qui luttent contre l’uniformisation globale des niveaux de vie, on parle de l’urgence de relocaliser pour mieux… exporter (!) mais d’ici hihi… Si j’avais voulu, je n’eus pas pu trouver programme en plus grand décalage avec le lieu depuis lequel je le visionne. J’adore l’ironie. Ensuite cap sur la Suisse où là on parle du suicide des paysans et de l’importance du « local » pour les sauver… Pour finir heureusement, mon moral est sauf grâce à une bande de Kurdes irakiens hipsters progressistes sur je ne sais quelle chaîne d’infos en continue… Merci je vais pouvoir aller me coucher rictus au coin. Spleen remis à distance, retour à l’expéditeur, retour au vieux monde en déclin ???? Mais non en Europe aussi on a encore des en-vies, pour preuve cette interview d’Aurélien Bélanger sur laquelle suis tombée à KL, venu présenter son roman sur Le Grand Paris, un projet ayant vraiment existé.

Plus généralement, en ce moment, dans l’actualité, deux mondes s’affrontent. D’un côté celui de Mr T et ses potos : Poutine, Netanyahou, Le Pen, etc. De l’autre celui de l’UE qui ratifie un accord avec le Canada de Justin Trudeau, ou promulgue une loi contre les sites de désinformation sur l’avortement. Puis entre les deux, y’a le « gentil mathusianiste » Cyril Dion qui nous parle de son mouvement Colibris… Les anciens maîtres crient, font la une des couvertures géopolitiques, pendant qu’ici, au Canada, à Singapour, en Malaisie, on vit, on s’active, on échange… sans bruit. Sauf pour notre ami Justin obligé désormais de monter au créneau. Et oui, depuis le sacre de Mr T il y a urgence pour les progressistes à sortir du bois. Les gars trouvez les mots, rien n’est acquis. Ainsi aujourd’hui Justin Trudeau faisait un speech post accords Cepta à l’UE, retranscrit avec le bandeau « Trudeau, l’apôtre du libre-échange. »

En tout cas, suis soulagée d’avoir fui l’atmosphère médiatique toxique de la campagne française. Veut pas y retourner !!! Je me souviens de mes larmes au retour de Hong Kong y’a deux ans… Les VM ne sont pas qu’écrasantes, elles sont aussi des bouffées d’oxygène.

En France ça crie et ça craint, et pendant ce temps là, au pays de l’accueil, j’ai entendu un ministre canadien s’opposer à l’enfermement systématique des repentis de Syrie, la Syrie ayant pu représenter une terre d’élection pour des hybrides se sentant à la fois étrangers sur la terre de leur naissance et étrangers dans leur terre d’origine. Le ministre pose cette question : devraient-ils aller en prison pour cela ? La Syrie, un territoire possible pour les hybrides culturels donc… Mais Dubaï aussi, et Dubaï meilleure option. Dubaï terre d’accueil pour les bi-culturels, bi-nationaux européens/arabes. Terre arabe, mais ouverte. Les fermés ne sont pas forcément là où l’on croit.

Il semblerait que la route des hybrides pointe vers l’Est, bientôt celles des routes commerciales et de l’Europe aussi. Grâce ou à cause de Mr T on va reprendre la Route de la Soie, encouragés par un certain président chinois… Dors et crie Donald avec tes potes aux visages durs, le mythe est mort.

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Utopie dubaïote. Dubaï, la VM proto-utopique ou uto-prototype.

Laboratoire urbain. Dubaï, immense terrain de jeu, feuille blanche sur laquelle on aurait convoqué les plus conquérants architectes et urbanistes du monde entier à qui on aurait dit : « Espace vierge, terrain neutre, budget illimité, architectes et urbanistes de tous pays, éclatez-vous !!!! » Désormais, Dubaï n’est plus tout à fait une toile vierge, mais une toile aux contours qui laisse de la place pour de nouvelles nuances. Urbanistiquement, une cité composée d’unités éclatées, cohérence ? Dubaï la fabriquée, Dubaï le paroxysme de la dysneylandisation, une dysneylandisation assumée. On y trouve Media City, Knowledge City, Internet City. Ici tout est fake, le canal est fake, la neige est fake les îles sont fake les lacs sont fake, les souks aux airs d’hier sont d’aujourd’hui.

En gros, à entendre les guides, ici tout a dix ans. Durant la dernière décennie pas moins de 300 gratte-ciels ont émergé, mais aussi des autoroutes, un métro, un tram, une marina, etc. Des projets fous en cours à foison. Dubaï c’est un projet, une vision, un terrain de jeu géant, Sim City dans le désert. Un paysage qui donne l’impression qu’ils ont d’abord construit les routes puis remplissent progressivement les espaces entre. Dubaï, une utopie, pas encore une ville ? Il va maintenant s’agir de remplir les vides, et pas que spatiaux. Que ça prenne, ça s’encrasse, ça se patine, ça se complexifie. Why ?

Démographie

Les données. Dubaï compte près de 90% d’étrangers répartis en 200 nationalités. Groupe de tête (moitié de la population étrangère) : Inde, Pakistan, Bangladesh ; viennent ensuite les Philippins, Coréens, Thaïlandais, Sri Lankais, Soudanais, Afghans, Iraniens; enfin les migrants arabes (Égyptiens, Yéménites, …) et occidentaux. Les migrants du sous-continent indien constituent l’importante main-d’œuvre non qualifiée engagée principalement dans le bâtiment ou les services. Les Occidentaux constitutent eux la masse des « expatriés ». En théorie, perpétuation du kefala, système de parainage inspiré de la tradition d’hospitalité bédouine. En pratique, l’immigration = un commerce, mené par des agences qui régulent les flux en fonction de l’offre et la demande. Système de migration temporaire et délivrance de visas de courte durée pour éviter l’installation et la fusion. Pas d’assimilation avec la population locale donc et une précarité permanente avec la nécessité du renouvellement constant du droit de « passer ». (Dictionnaire des migrations internationales)

Le bitume. J’ai rencontré des Indiens, des Français, des Africaines, des Népalaises, des Marocaines, un franco-Marocain, … Entre Dubaï et Toronto, les ajoutés peuvent expérimenter  un différentiel de 88 degrés… Pas étonnant qu’ils parlent beaucoup météo… Obsédés tantôt par les -40 tantôt par les 48 degrés ! Sinon, en parlant aux ajoutés économiques, l’essentiel des Dubaïotes donc, on apprend qu’ils sont ici d’abord par nécessité. Ne sont pas forcément contents, s’en contentent. Comme cette Marocaine qui a décidé de « bouger là où se trouve le job », après s’être retrouvée à traîner à la maison au terme de ses études, désoeuvrée dans un pays en manque d’opportunités. Ou ces Népalaises rencontrée dans les commerces nombreuses à devoir renouveler leur permis tous les deux ans, jusqu’à ce que le retour s’impose comme seule possibilité. Ou encore comme les cousins de mon futur beau-frère, qui n’aiment pas spécialement Dubaï, mais y vivent depuis sept ans sans intention de rentrer en France. Ils vont donc non pas où leur coeur les porte, mais où l’économie les conduit.

Les ajoutés dubaïotes préféreraient-ils l’Europe, à l’instar d’Irvan, qui ne l’idéalise pas, comprend bien son spleen, mais pense justement que leur état d’esprit peut contribuer à apaiser les angoisses européennes ? L’Europe reste-t-elle une option, parce qu’outre l’absence d’extrême climatique, comme le mentionnait un article dont j’ai oublié l’auteur, contrairement à ces nouvelles terres promises, l’Europe est habituée à la démocratie, n’est pas que malls et inégalités démesurées ?

Quoi qu’il en soit, si à Dubaï on importe beaucoup d’hommes, on en exporte peu. On émigre principalement pour effectuer des études de troisième cycle. Mais tout comme on a importé la neige, les lacs et Venise, on a aussi importé les grandes universités étrangères, plus besoin de sortir en fait… Dessein de fabriquer un « lieu total » ? Importera-t-ton bientôt les également les saisons ?

Cohabitations & hybridations culturelles.

Au pied du Burj Khalifa, on peut s’acheter une tenue islamique après avoir dégusté un afternoon tea chez Shakespeare. La force d’une VM, savoir mixer passé et présent ? Me revient cette phrase d’un Japonais rencontré à Singapour : « In World Cities we enjoy, we make business, we don’t care about politic » and… history ? Mixer le présent avec le passé et se le réapproprier, le faire sien ?

Vision de l’intégration des Dubaïotes, des seulement 11.5% d’émiratis, de locaux (recensement 2010) ? Représentation de l’espace public ? Comment le vivent-ils ? Est-ce qu’on les dérange ? Non on n’a pas l’air de les déranger…

Taxes supprimées pour attirer étrangers et investisseurs. Dubaï veut attirer le Monde. Cohabitation apparemment pacifique entre émiratis et celui-ci. Et à les voir se croiser, les mondes n’interagissent pas si mal ensemble à priori. Tous ces gens venus en si peu de temps et cette pacifique cohabitation, how ? Cohabitation vient d’en-haut ? Émir de Dubaï, a une vision, donne une ligne, des consignes.

Zoom. Émir visionnaire

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Cette présence demande évidemment des compromis culturels de la part du gouvernement et des citoyens. Mais quand on se sent bien reçus à priori, qu’une envie, qu’une option ? bien se comporter et respecter les traditions. Manière d’intégrer à l’inverse qu’en Europe. Règles fixées dans un à priori bienveillant et accueillant vs pas oser imposer de règles dans un à priori excluant, intolérant. Autre clé, une bonne économie ? Un peuple bien dans son identité ?

Des règles claires surtout. On l’a vu précédemment, apparemment aux EAU, il n’est pas question de fusion, d’assimilation. Du reste les expatriés ne peuvent pas devenir propriétaires dans tous les quartiers. Mais un espace d’expression culturelle leur est laissé, en tous les cas aux Westerns qui ont aussi leur monde à Dubaï.

Troublante cette cohabitation Islam/Occident quand on prend conscience que l’Arabie Saoudite se trouve juste à côté. On touche la terre de la culture wahhabite, celle-là même qui inspire les salafistes qui ont essaimé dans le monde entier pour nous terroriser. Sur le Walk, femmes peu habillées et Émiratis en costume traditionnel se croisent sans animosité. On dirait qu’on se tolère et se fiche une paix royale ici comme dirait l’autre.  Au terme d’un congrès à Madinat Jumeirah, on entend un « See you in Japan » adressé par des Japonais à leur hôtes émiratis. Sur les plages, différentes longueurs de vêtements se croisent. Des couples, des familles, des groupes d’amies de différentes cultures, parures mises à part, sont-ils vraiment si différents ? Le mode de vie des devises l’emporte-t-il sur le culturel ? Ou est-ce d’abord leur ouverture sur le monde qui les rassemble ?

Babel Live

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Société dubaïote ? En tous les cas, dans tous les espaces publics, le spectacle est fascinant. Une pièce de théâtre post-moderne à laquelle je ne me lasse pas d’assister, allant jusqu’à consacrer une journée à observer les gens transitant au pied du Burj Khalifa et du Dubaï Mall. Locaux, travailleurs, touristes, est-ce tout cela la « société dubaïote » ?

BABEL LIVE

En me repassant les vidéos du Monde de/à Dubaï, je m’interroge. Les Villes-Monde = futures oasis dans un désert d’uniformités localos-régionalos-nationalistes et de diversités essentiellement folkloriques, de « diversité Unesco » ? Au moment où le monde se dé-mobilise et dé-multiculturalise, Dubaï, future oasis dans un désert de diversité fabriquée et d’uniformités ? Dubaï, comme si Dieu nous avait donné ce coin de désert pour en faire un laboratoire de cohabitation du 21ème siècle…

DSC_8556 (2)Quant à moi, je n’ai subi de regards préjugeant so far. Mon corps de femelle occidentale solitaire ne suscite ni particulièrement d’intérêt ni particulièrement d’interrogation. Seul un British m’a demandé interpellé pourquoi une jeune femme voyageait seule… Ici, débarrassées des biais religio-identitairo-nationalos femmes occidentales et émiratis peuvent s’approcher. Et c’est plutôt de la bienveillance à mon égard que je ressens dans leur regards. En tout cas croyez-moi, se battre poeur des strings chez Victoria Secret avec des femmes portant la tenue traditionnelle, voilà qui rapproche et balaie tous les clichés ;-). Quand j’observe mes alter egos émiratis dans la rame de métro réservée aux femmes, je leur trouve une sacré allure. Leurs mises sortent du lot comparées à celles des westerns ou des extreme-eastern. Me voilà prise de mimétisme, après quelques jours je commence à adopter leur élégante démarche, leur port de tête, à me parer….

Digression. Les Utopies urbaines. « Il ne s’agit pas de projets pharaoniques qui, comme celui de la ville nouvelle de Dubaï, Masdar, entendent défier les conditions climatiques du désert et devenir le symbole d’une architecture soucieuse des hommes et de l’environnement. » https://www.futuribles.com/fr/revue/414/les-utopies-urbaines/

Hybridité. Économie et religion

DSC_8587 (2)A Dubaï on prend tout. L’économie et la religion. La religion et l’économie. Compromis et contradictions… Entre appel à la prière et malls démesurés. Appel à la prière dans les malls démesurés. Ptits arrangements avec les Dieux aussi. Tandis que les rich se pintent dans les hôtels de luxe les autres… mangent ça ha ha. Non ici il n’y a pas de cantines de rues…

Aseptisation. Dubaï, un Décor. Encore too policé, too shiny, too new pour les aspérités ? Ou ne pourront-elles pas s’exprimer, trop contrôlées ? Où sont les marchands de rue ? Dubaï, cacher, invisibiliser ? A l’instar de ces travailleurs du sous-continent indien qui comme au Qatar vivent dans des camps hors de la cité ? (lire « Qatar. Vie quotidienne et intimité dans un camp de travailleurs migrants » dans Un Monde de Camps de Michel Agier).DSC_8396 (2)

Dubaï, son hybridation entre modernité et religion remet en cause l’affirmation que l’uniformité mondialisante conduirait à ce qu’il n’y ait plus qu’une seule façon d’être riche dans le monde. Mais n’y aura-t-il pas bientôt qu’une seule façon d’être pauvre dans le monde, la mise à l’écart et l’enfermement ?

Mais sorte de contrat, quand on vient ici, c’est pour adhérer à TOUT ça ? Contrat aussi signé par les locaux ? Dubaï un projet à consensus, consensuel ? Bref, je ne sais pas trop quoi en penser.

Rien à faire à Dubaï, vraiment ? En conclusion, ma carte postale « What’s app » ressemblait à peu près à ça : « Je fais un peu de ski, un peu de bateau, un peu de chameau aussi ;-)… » Bref, un récit en mode parc d’attraction. Dubaï, certes parc d’attractions géant, mais parc d’attractions qui n’oublie personne, y’en a pour tous les goûts. Va falloir revenir, car plus à faire qu’il n’y parut, à côté des attractions, y’a l’environnement à explorer aussi. L’environnement naturel, avec le désert, mais aussi l’environnement culturel, avec les visites organisées par le centre culturel. Encore tant d’envies : s’enfoncer dans le Vieux Dubaï, Dubaï by night, Abu Dhabi, mais surtout creuser pour mieux saisir la complexité de cette cité décidément hors normes. Vivement !

 

Kuala Lumpur & Dubaï

KL & Dubaï, des emblèmes en partage. Des malls ultra-modernes, une skyline insolente, des autoroutes trop présentes, plein de gens mélangés. Les Petronas Tower vs le Burj Khalifa, un championnat de verticalité. Un immense chantier, mais tantôt sur un espace saturé, tantôt sur un espace clairsemé. KL, la Ville-Monde busy to catch up et qui aime mettre sa modernité en vitrine. Côté touchant. Dubaï l’utopie,  la cité qui provoque les Dieux : une Babel reconstituée, des tours qui vont tutoyer les cieux, la technique et l’argent pour défier la nature. Réinvente la cité, invente la nouvelle cohabitation.

KL & Dubaï, unsustainable cities. « Nouvel ancien » monde. Mais quand momentum, toujours des solutions ?! Momentum, énergie, innovation, investissements, … Tandis qu’en Europe on débat, ici on innove, on agit. En Europe, on débat beaucoup sur les questions d’environnement et de durabilité, beaucoup sur l’impossibilité de Dubaï aussi, à Dubaï on est pris dans un flux d’action et sans doute trouvera-t-on des solutions.

Villes-Monde et Islam. Finalement qu’est-ce qui diffère des autres VM que j’ai foulées ? Une cohabitation exempte des sempiternels débats sur l’impossible cohabitation avec l’islam donc plus apaisée, pas d’alcool durant mon séjour, la possibilité d’un contact avec des dames vêtues de noir, la présence de wagons réservés aux femmes dans le métro, la direction de la Mecque indiquée dans les hôtels, l’appel à la prière et les salles de prières dans les malls, les gares, les restaurants, pas de porc, des magasins de mode pour tenues longues, de nombreuses mosquées,…

VM toujours le même mot d’ordre : Hybridités / Glocalisation

Voyager pour un autre regard. KL et Dubaï, deux villes musulmanes, une empreinte britannique, des tours HSBC, de l’énergie, la glocalisation de la mondialisation. La comparaison s’arrête peut-être ici. Une religion, mille cultures. Le « monde » musulman pas un bloc monolithique. La théorie de Samuel Huntington encore une fois mise à défaut. Une même religion, une histoire, une culture, une politique, un environnement et des influences différentes –> des cités chaque fois uniques, des tenues adaptées. Le sable et le désert vs la jungle et l’humidité.  Deux Villes-Monde, deux pays musulmans, deux  façons d’intégrer les différents éléments, encore deux façons totalement inédites de composer avec la mondialisation.

 » Enduring traditions. Most UAE citizens wear the tradional dress; for men the dishdasha (the long, flowing white robe) so practical for this climate; for women it’s still customary to wear the black abaya that covers them from head to foot. (…) Even so, the wearers of these centuries-old garnments still shop in the most fashionable boutiques and drive the latest car (…). All this may sound incongruous to visitors before they arrive but, in fact, the seamlessness of combining the old with the new is the memory that lingers« .  (Dubai. Gateway to the Gulf).

German Döner Kebab, British style curries, ski et voile, marque japonaise adaptée, la glocalisation c'est tout adapter, revisiter, mixer, la glocalisation c'est l'authenticité post-moderne.

 

Digression. Diversité-Légèreté. En VM, la diversité est aussi dans l’assiette. Le ventre met tout le monde d’accord. Yummy. Petit florilège de mon escapade gastronomique.

Meilleures nouilles ever à Chinatown, Dims Sums, Lassi Mango, boil food, gold cake, red bean ball, café-thé frappé, poppiah, cheese tarte, souper thaï, lunch malais, lunch indien, sushis, mezze, chawarma, etc. A la maison, impossible de digérer une crevette, à KL, zéro souci avec un crabe en bâton acheté à un vendeur de rue !

Pour conclure…

Intégration / Cohabitations. La Malaisie et les Émirats ont une vision pragmatique de l’immigration, une approche régulée et liée à la demande de main d’oeuvre.  Des « travailleurs immigrés vus uniquement comme une variable conjoncturelle » (Dictionnaire des migrations internationales). Une vision en opposition avec la vision romantique de l’Ouest. A Dubaï le contrat est clair, les choses bien séparées, là pour bosser, pas pour s’intégrer ou intégrer. Soit, mais une fois que les travailleurs sont là, il faut bien cohabiter. Une cohabitation qui demande des compromis culturels, idem que dans nos contrées. Les compromis, c’est valable aussi de ce « côté ».

Mais si il y avait davantage chez les Émiratis que ce refus clair d’assimiler les étrangers, si « the renowned Arab hospitality. The ancient custom of the desert, where every visitor or traveller is considered an honoured guest, is still every bit as true today » faisait que certes l’ajouté reste un guest, mais un guest pour lequel on a les meilleurs égards ? Un accueil rendu possible grâce à la sérénité offerte par la religion qui aux UAE n’est pas décorative mais « provides guidance in every aspect of life« . Et toujours d’après cette présentation, « This is perhaps the key to the outstanding success of the UAE. From deep inner security springs the ability to welcome the stranger, no matter where he or she is from, and to deal with the challenges of change. Ahlan wa sahlan. Welcome from the heart. » (Dubai – Gateway to the Gulf, p. 19).

Cohabitation intime. Ma relation avec la solitude a encore évolué durant ce voyage. C’est seulement après cinq jours je me suis finalement poussée à donner quelques nouvelles. Du reste le voyage est aussi un apprentissage et moi plus je voyage plus j’aime ça. Plus d’ennui, plus de vide. Je commence à aimer voyager seule. Avant je le faisais d’abord pour apaiser ma curiosité, nourrir mes recherches, avant c’était d’abord un passage obligé. Désormais, et particulièrement en Asie, je vais chercher le futur et goûter à toutes ce que j’ai évoqué plus haut. Je fuis l’hiver, change d’air, je retrouve une personne qui m’est chère et qui m’a échappé dans la conformité forcée du quotidien : moi. Je pars loin pour retrouver la plus stricte intimité, la proximité avec ma poésie intérieure. Et la cohabitation avec le Monde.

Point de situation sur ma vie hybride. Passé tout mon séjour en étant persuadée qu’au retour, je n’aurai plus de boulot. Pas plus échappé à mon état qu’à l’état du monde et à la souffrance des autres travailleurs mondialisés dont j’ai eu les échos à la télé, le soir. Je m’interroge : VM = mondialisation = concurrence mondiale = devoir être « gratuit » et brisé pour avoir droit à tout ça ? vaut la peine ? passage obligé ? Dans un monde de gratuité devrait-on nous aussi par induction être gratuits pour nos sociétés ? possibilité de goûter à tout ça SANS la souffrance ? Sûrement… Partie avec une boule d’angoisse, du brouillard dans l’âme, l’air hagard, revenue en ayant compris le noeud de la boule. Tout n’est que passage. Perdu le contrôle de ma sérénité intérieure, de ma philosophie, de ma joie. Escapade pour comprendre. M’étais perdue. Encore une fois. En voulant m’accrocher, faire des plans, trop m’installer. La vie est faite d’allers-retours et d’ajustements constants. La vie est faite de mouvement. Là-bas ou ailleurs je finirai bien par le trouver… cet équilibre toujours provisoire 😉 Et même si ça demande beaucoup d’énergie et une ptite dose de schyzophrénie, pas question d’abdiquer, je re-signe pour l’hybridité. Un job qui paie les factures et le PG en indé. Une vie équilibrée. Vouer son âme à sa passion. Ne pas la prendre au boulot au risque de la perdre.

Une fois n’est pas coutume, See you Soon 😉 Les VM je les aime toujours autant, j’aime le son et la poésie des termes pour les qualifier : frénétiques, effervescentes, exaltantes, foisonnantes, excitantes, bourdonnantes, bouillonnantes, vibrantes… et je dois m’en gaver, on sait jamais comment la « renationalisation » du monde va évoluer…  Mais cette fois au retour je ne pleure pas, prête à affronter l’anxiogénité du vieux monde. Non cette fois-ci j’ai des préoccupations aussi superficielles que la cité que je viens de traverser. Ainsi ce que je pleure c’est la moitié de mon nouveau maillot de bain…si je n’ai égaré que ça en route, alors tout va bien…

 

Un peu de littérature pour continuer le voyage

10 commentaires

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